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L'oeuvre de Miró, essentiellement entre 1920 et 1942, a pris feu dans les ruines de la tradition de la représentation en Occident. Comment comprendre l'extraordinaire énergie, flamboyante et pathétique, qui s'est déployée au cours de cette période d'intense recherche, coïncidant avec les allées et venues de l'artiste entre les deux lieux revêtus à ses yeux d'une aura sacrée : Paris et sa Catalogne natale ?
Une première approche consiste à replacer Miró dans le vaste contexte des pensées et des poétiques du mythe, contemporaines de son oeuvre. Que celle-ci ait voulu briller de feux mythiques, signifie qu'en sympathie avec le surréalisme et avec d'autres sensibilités proches (celles, en particulier, d'André Masson, de Michel Leiris et de Georges Bataille), elle a été saisie par le désir violent de faire résonner, dans l'édifice brisé des formes de la représentation, la vibration éclatante des origines. Miró a passionnément participé à cet exhaussement d'un socle qui fût en tant que tel l'absolu, un socle dont on rêvait qu'enfin la désagrégation de la culture classique européenne allait permettre de le mettre au jour, par grandes concrétions d'images sauvages, irriguées d'une violence archaïque, secouées d'un rire métaphysique. Tous les récits, tous les objets venus d'horizons non européens ont été compris et aimés dans cette lumière, celle d'un nouveau savoir émergeant des ruines, et encourageant d'ailleurs à accroître la destruction pour se parfaire. C'est ainsi que le jeune peintre s'est rendu célèbre en voulant de tout son être, disait-il, « assassiner la peinture ».
Une autre voix, cependant, n'a pas cessé de se faire entendre en lui : cette voix n'était redevable à rien d'autre qu'à l'expérience solitaire de la campagne, au repliement méditatif, dans les champs de sa ferme de Montroig ; elle ignorait les débats tempétueux de l'art contemporain et les rêveries primitivistes. Elle n'avait qu'un but : encourager l'artiste à distendre, dans son regard et dans sa pratique du monde, le réseau des représentations pour remonter vers un sentiment de la vie intérieure irréductible à toute image. Il ne s'agissait plus alors de rebâtir des mythes embrasés sur les ruines du monde de naguère, mais de rendre les images, dans leur fragilité et leur contingence mêmes, dans leur ruine, réceptives à une résonance invisible, celle de la pure subjectivité. Entre ces deux postulations - le mythe collectif et la vie intérieure -, l'oeuvre a maintenu pendant un peu plus de deux décennies une tension, souvent portée à un point extrême d'incandescence, qui a fait toute sa singulière grandeur et sa gravité.
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