"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Quelques jours de la vie d'une femme sur le point d'accoucher à l'Hôtel-Dieu de Paris au milieu des misérables, des abandonnées, des nécessiteuses de toutes nationalités qui n'ont droit qu'à un numéro et à la vague compassion de bourgeoises venues faire leur bonne action. Confidences ou vacheries, petitesses et héroïsme invisible, ce sont les échos d'une souffrance morale et physique que raconte, dans une langue vive et en colère, une anonyme qui a eu droit à un lit supplémentaire et un bis comme matricule en attendant la délivrance. Instruite, lucide et vigilante, elle sait de quel système politique et de quels enjeux économiques participe le culte de la maternité en régime capitaliste.
Poignant, scandaleux, impitoyable, ce livre est un cri qui ne cède rien et nous touche encore.
[ Oeuvre militante ]
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« Madame 60 bis » a été publié chez Grasset en 1934 et réédité cette année chez L'Arbre vengeur dans leur collection « Inconnues » qui a pour objectif de faire redécouvrir des écrivaines oubliées.
Henriette Valet est un grand nom de la littérature prolétarienne française tombé aux oubliettes.
Si vous cherchez sur internet vous trouverez sans doute cette définition qui caractérise comme auteur prolétarien tout auteur : né de parents ouvriers ou paysans; autodidacte (ayant quitté tôt l'école pour travailler, ou à la rigueur ayant bénéficié d'une bourse - en général pour devenir instituteur dans le système primaire, « l'école des pauvres », à l'époque où deux systèmes scolaires cohabitaient); et qui témoigne dans ses écrits des conditions d'existence de sa classe sociale.
La biographie d'Henriette Valet n'est pas très claire. Elle serait née en 1900 à Paris. Elle était employée des PTT et journaliste dans des revues communistes. Auteure de seulement deux romans, elle meurt à 93 ans en 1993.
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Ce livre n'est pas à proprement parlé un roman, c'est plutôt un récit, un témoignage qui rend compte de la condition des parturientes à la maternité de l'Hôtel-Dieu de Paris dans les années 30.
Il n'y a donc ni intrigue, ni histoire mais c'est passionnant et révoltant. Henriette devient cette « Madame 60 bis » lorsqu'elle vient chercher refuge à la maternité ; maternité étant un grand mot puisque l'on a plus l'impression d'être dans un asile, dans un repère de sans abri, de malades. C'est un cloaque où s'entassent des femmes sur le point d'accoucher. Quand Henriette arrive il n'y a plus de lit pour l'accueillir, on lui trouve donc une place sur un brancard entre deux autres femmes, entre le numéro 60 et le numéro 61. Elle devient Madame 60 bis.
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Ce qu'elle nous raconte, elle l'a vécu, elle n'invente rien. Et ça fait froid dans le dos.
Il est bien sûr question de la condition des patientes, de la façon dont on s'occupe de ces femmes.
Mais il y est plus largement question de la situation des «petites gens» dans la France de l'époque. Misère à tous les étages. le peuple a faim, le peuple est illettré, inculte, le peuple est syphilitique, tuberculeux et ne se rebelle même pas, persuadé qu'il mérite sa place. Et quand un peuple souffre, les femmes souffrent 5 fois plus. Et quand le peuple souffre, il préfère s'en prendre à ceux de sa condition qu'aux plus grands.
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Vous l'aurez compris, ce texte est profondément engagé, viscéralement féministe sans que soit négligé pour autant la qualité de l'écriture.
L'autrice brosse avec talent toute une galerie de femmes incroyablement marquantes. Les boniches, les folles, les polonaises, les putes…..
Les descriptions de ce monde fermé sont saisissantes, les dialogues percutants.
Henriette Valet est une écrivaine témoin de son temps et elle le fait sans complaisance aucune que ce soit envers ses camarades ou envers les oppresseurs.
Alors voilà si vous voulez lire des mots qui font encore sens de nos jours tout en révisant votre histoire des luttes, lisez Madame 60 bis (plutôt que le bal des folles dont on nous rebat les oreilles en ce moment)
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