Cette Chercheuse est moderne, se dit Lourdes, qui sentait que sa passion pour la littérature mal vieillie lui laissait un héritage handicapant - d'abord le goût de l'allégorie et des mots bizarres, ensuite cette fascination injustifiable pour la charogne, le pou, la tortue et la femelle du requin, enfin trop peu de compassion pour les pauvres âmes atteintes d'optimisme. Elle tentait de vivre dans la peau d'un cadavre depuis longtemps pourri. Le XIXe avait le sang de la révolution dans les veines, le XXe avait le fer de l'industrie dans le coeur, le XXIe avait les déchets des médias dans le cerveau. Alors quoi ? Lourdes devait upcycler ces ordures. Ensoleiller le dépotoir mental était sa mission !
Fraîchement arrivée du Nouveau Monde, Lourdes débarque à l'Université de T..., en Europe. Elle ne pouvait concevoir refuge plus inspirant, car c'est dans cette ville et nulle part ailleurs que Razuvaeva a écrit, donc vécu, sa révolution poétique. Moi aussi, se dit Lourdes, je suis venue ici pour me révolutionner, voyager à travers les mystères et vaincre la morfondeur !
Au Laboratoire du Néo-Moi Féminisant, elle tiendra buffet comme à l'époque on tenait salon. Elle y offrira une variété de grignotines et de livres savants. Sa mission est simple, elle n'aura qu'à lier le faste à l'érudition, la volupté au nécessaire, et le symposium sur La Force féminine de Razuvaeva sera une réussite.
La poète russe Razuvaeva dont il est question dans ce roman n’existe pas. Un colloque sur le thème de « la force féminine de Razuvaeva » rassemble étudiants et universitaires. Lourdes, personnage central de l’histoire, est une jeune étudiante « fraîchement arrivée du Nouveau Monde » qui entre dans cette université dans « L’Europe de la fête spirituelle ».
Préposée au buffet du colloque, Lourdes assiste aux différents, aux oppositions et à la violence des protagonistes. Quittant ses rêveries, elle finira par être contaminée par cette ambiance délétère qui lui donne envie de tout foutre en l’air.
Un féminisme exacerbé, délirant s’étale et s’expose dans une satire mordante. Le milieu universitaire est décrit sans condescendance avec ses prétentions et ses dissonances. L’opportunisme des professeurs comme des étudiants est montré du doigt tandis que Lourdes tente de résister et finit par douter. Sa vision idéalisée de l’université finit par se dégonfle comme un ballon de baudruche face aux certitudes et au carriérisme des universitaires.
« Pendant que la femme créait du lien social, les chroniqueurs et les sociologues créaient de la littérature accessible reflétant tout simplement le monde. »
C’est une critique de la société qui défile sous nos yeux, et nous noie dans un langage soutenu parfois difficilement compréhensible.
« A la recherche de services personnalisés et d’innovations pédagogiques, l’avenir de la société était sorti de sa caverne et se yeux s’ouvraient péniblement sur une manne éblouissante de publication à liker/. Toutes les têtes étaient penchées sur le rien de nouveau qui défilait, infatigable, à la surface des écrans. »
Au-delà de la satire du féminisme, l’auteure a voulu démonter tout système d’oppression idéologique. Issue du milieu universitaire, c’est en spécialiste qu’elle la dissèque, et démontre l’imposture de ces « militants acharnés de la bonne cause ».
Sans doute ce roman est-il destiné à un lectorat averti. Pour ma part, je m’y suis perdue très vite, et j’ai fini par abandonner, rebutée par une intrigue dépourvue d’intérêt et servie par une écriture baroque et ennuyeuse.
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