"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dans ce livre, la mémoire s'écrit en fulgurances. La vision est amorcée par des touches rapides et expressives, qui tentent de saisir l'évanescence de l'instant. Une conscience enregistre les sensations, les images, les atmosphères, afin de pouvoir, une fois ces impressions incarnées dans les mots, mieux les déposer aux pieds de ces fantômes qui l'accompagnent depuis toujours, présences intimement attachées à la vie sensible. La maison les contient tous, ces morts et ces vivants dont Anne-Emmanuelle Fournier tente de s'approcher par fragments successifs. L'écriture est cette offrande tendue vers eux comme une porte vers notre dimension, dans l'espoir de préserver cette filiation fondatrice qui aboutit, dans le second ensemble du recueil, à l'avènement de l'enfant. Lui aussi est une offrande, d'une autre nature, que l'étreinte de l'homme aimé a fait éclore dans l'intimité de la poète. Intensément charnelle, l'offrande réunit ainsi toutes les origines : l'enfance vécue, celle partagée par bribes avec d'autres, celle du lecteur, peut-être - s'il trouve écho à ses propres fondations - et celle que l'on donne, dans une temporalité affranchie de toute servitude, dont le centre de gravité est l'amour. « Nous percevons l'éclat d'étoiles disparues depuis des millénaires. Elles brilleront encore longtemps pour nous alors qu'elles n'existent plus. Se peut-il que le rayonnement de nos vies parvienne de même, longtemps après notre mort, à de lointaines galaxies ? Le temps n'est qu'une variable relative à l'observateur. Peut-être notre enfance se déroule-t-elle encore et encore dans des replis de l'espace-temps. Peut-être est-il une sphère où tu passes encore ton aspirateur mécanique dans le couloir, après le repas, en sifflotant. Une pliure du multivers où tu réponds au téléphone, sarcles tes parterres. Arroses tes pensées dans le soir qui se tamise. Un spectacle de photons hors de la pesanteur de la matière. Ce serait cela, les fantômes. La longue errance de la lumière, par-delà l'extinction des organes. » Extrait de L'offrande aux fantômes
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