Passionné(e) de lecture ? Inscrivez-vous gratuitement ou connectez-vous pour rejoindre la communauté et bénéficier de toutes les fonctionnalités du site !  

L'instant limite

Couverture du livre « L'instant limite » de Anne-Claire Decorvet aux éditions Bernard Campiche
Résumé:

Voici l'instant fragile où revient la joie, l'instant terrible où l'on s'anéantit sans regret, l'instant lucide où l'on se cache les yeux. Avancez d'un instant, messieurs dames, il est l'heure de plonger dans l'abîme ou sauver votre peau !
{...} Elle embrasse en effet des matériaux dont la... Voir plus

Voici l'instant fragile où revient la joie, l'instant terrible où l'on s'anéantit sans regret, l'instant lucide où l'on se cache les yeux. Avancez d'un instant, messieurs dames, il est l'heure de plonger dans l'abîme ou sauver votre peau !
{...} Elle embrasse en effet des matériaux dont la littérature en Suisse romande s'est jusqu'ici largement débarrassée - à de minimes exceptions près. Elle explore la ville criblée de caméras de surveillance.
Elle déroule la vie des immeubles locatifs dynamitée par des tensions irrémédiables. Elle saisit tout ce monde contemporain grouillant de chiens qui virent à l'humain ou d'humains virant au chien, de sacs à commissions remplis de quotidienneté dépressogène, et de ces comportements brutaux que les foules en grumeau confondent insensiblement avec la norme.
C'est un exercice périlleux. Il pourrait tourner à la confusion criarde. Il faut qu'une forme précise le tienne. Par bonheur les textes d'Anne-Claire Decorvet sont liés par une écriture énergique et libre, marquée par un agencement précis des termes et des phrases qui transforme ces derniers en projectiles et leur permet de trouer la couche descriptive.
À les lire nous percevons alors la souffrance vertigineuse et pourtant refoulée de notre monde où les désirs nous empoignent avant de nous muer en machines, où les «je» sensibles se fondent dans le «ils» collectif aveugle et où les épieurs ont parfois besoin d'être épiés pour éprouver la sensation d'exister - en conséquence parfois déjantée du principe annoncé par Dürrenmatt évoquant la Suisse, dans son Discours pour Václav Havel prononcé le 29 septembre 1990, comme le pays de la liberté dans la mesure où chacun s'y pense geôlier de son voisin.
Bien sûr, au fil des textes proposés par Anne-Claire Decorvet, le lecteur pourra juger flottant l'agencement de ces deux mécaniques - je veux dire la narrative et l'essayiste. Il aura parfois raison, mais ses doutes ne déborderont pas le cadre de sa bataille avec l'auteur, qui le relancera nécessairement à force de style et de façons abruptes.

Donner votre avis