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La première grande lutte sociale du XXIe siècle sera pour l'instauration d'un revenu universel, perçu à vie par chacun dès sa majorité et suffisant pour mener une vie décente. Car ce revenu est le moyen le plus concret, le plus puissant, dont nous disposons pour nous délivrer de la servitude capitaliste, qui nous étrangle par la double chaîne du travail et de la consommation: « toute ta vie dépendra de l'argent que tu gagneras dans nos entreprises, et tout ton bonheur dépendra des produits que tu achèteras dans nos magasins ».
Or, la nécessité de travailler n'est plus aujourd'hui qu'une contrainte artificielle, parce que nos technologies, nos machines, sont si puissantes qu'elles réduisent toujours plus la part du travail humain. La revendication du revenu universel n'est donc plus une utopie, c'est l'adaptation de nos vies aux possibilités réelles du temps présent. Mais qu'allons-nous faire de ce temps libéré, si nous l'obtenons ? Si c'est pour consommer encore plus, nous resterons tenus par la seconde chaîne du capitalisme. Par conséquent, le combat pour le revenu universel doit être en même temps une grande réflexion sur son usage. John Maynard Keynes nous invitait dès les années 1930 à réfléchir à cette mutation proche de l'histoire humaine où « le vieil Adam » n'aura plus à gagner son pain à la sueur de son front et devra supporter le vertige formidable et redoutable d'une liberté entièrement nouvelle. Saurons-nous la consacrer, comme il l'espérait, « à nos vrais problèmes, ceux de la vie et des relations entre les hommes, ceux des créations de l'esprit, ceux de la religion » et aux moyens de « mener une vie judicieuse, agréable et bonne » ?
Bref, le défi du revenu universel est double : nous délivrer de l'esclavage capitaliste, et nous donner le loisir de faire des questions essentielles de notre condition non plus un supplément d'âme pour soirées et weekends mais la quête quotidienne d'une vie douée de sens.
Plaidoyer pour le revenu universel qui permettra selon l'auteur de libérer chacun des chaînes du travail et de vivre enfin en hommes libres, de ne plus attendre les vacances ou les week-ends pour s'adonner à ses passions, ses envies, ses relations,...
Autant vous dire tout de suite, la question du revenu universel me taraude depuis que Benoît Hamon, l'a mise sur la table lors de la dernière campagne électorale présidentielle. Depuis, je me suis un peu renseigné et si l'idée me paraît bonne, les écueils sont nombreux. Abdennour Bidar s'empare de cette question et répond à toutes les objections, les questions sans rejeter les difficultés, ceux qui profiteront du système -il y a toujours des gens qui profitent et détournent les bonnes idées à leur profit, il y en aura donc pour le revenu universel.
Le revenu universel, une utopie ? Sans doute, mais de laquelle on n'a jamais été aussi proche, dans nos sociétés qui se mécanisent, se robotisent, mettent les gens au chômage, les contraignent et les culpabilisent de ne pas avoir de boulot et les punissent même et les poussant à la pauvreté. Abdennour Bidar est lucide et sait bien que pour que cette idée fonctionne, il faut briser des chaînes :
"La première nous lie au travail : elle nous contraint de travailler pour gagner de l'argent. La deuxième nous lie à la consommation : c'est elle qui rend l'argent désirable, et qui nous motive donc à travailler. L'individu est contraint de travailler parce que c'est le seul moyen d'accéder à ce que la société de consommation l'a conditionné à voir comme le bonheur : posséder. Travailler plus pour gagner plus pour dépenser plus. Tel est le cercle vicieux où beaucoup d'existences tournent en rond." (p.30)
A la suite du constat, le philosophe déroule son raisonnement très réaliste et non pas purement intellectuel. Je pourrais vous citer toutes les pages que j'ai notées mais ce serait long. Il propose ni plus ni moins qu'un changement de société, la nôtre, capitaliste, étant à bout de souffle. C'est une charge virulente, énervée et lucide contre ce capitalisme qui a réduit les hommes en esclavage et qui compte bien en profiter encore longtemps. L'homme ne s'épanouira en tant qu'individu et en tant qu'appartenant à un groupe que lorsqu'il pourra prendre du temps pour lui et pour autrui.
La réflexion d'Abdennour Bidar est poussée, fine, intelligente et sans concession. Je la rapproche d'un petit ouvrage dont j'ai déjà parlé ici et qui abordait (en 1880, pas sous l'angle du revenu universel), le rapport des hommes au travail, Le droit à la paresse de Paul Lafargue.
Très accessible et court (110 pages), l'essai d'Abdennour Bidar est à lire de toute urgence pour qui sent bien que la société actuelle est finie et qu'il faut en changer. Pour les autres aussi, c'est une belle source de réflexion et de discussion. En ces temps très troublés, il me semble tout indiqué.
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