"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dans la neige, une femme tente de regagner le chalet où elle voit ses amis boire et discuter tranquillement. A deux doigts de la porte salvatrice, elle trébuche et se fait poignarder.
Ce n'est que le début d'un huis-clos angoissant dans une maison, "l'Hôtel", située en altitude et accessible en seul téléphérique. Neuf Russes - quatre hommes, cinq femmes - membres d'une équipe de tournage s'y sont retrouvés pour un séjour d'une semaine. L'endroit est pourvu de nourriture et de bois de chauffage en quantité. Mais les portables n'y captent pas de réseau. Et bientôt une tempête glacée endommage le réseau électrique. La découverte du cadavre de Sonia provoque un choc parmi les personnages, surtout quand ils réalisent que le meurtrier se trouve forcément parmi eux.
Après deux premiers romans très réussis et très aboutis (« Vongozero » et sa suite « Le Lac »), la romancière russe Yana Vagner revient avec un troisième ouvrage, qui n’est en rien la suite des deux premiers, mais qui reprends plus ou moins les mêmes thèmes : le huis-clos, la tension psychologique qui va crescendo, les egos qui se télescopent. Neuf quadragénaires russes assez fortunés et modernes (ici, on dirait des « bobos », même si j’ai horreur du terme), amis depuis 20 ans, s’apprêtent à passer une semaine de vacance dans un hôtel d’altitude réservé rien que pour eux, dans un pays d’Europe Centrale. La première nuit, un meurtre est commis et dans la foulée, une tempête de glace coupe le courant et isole complètement l’hôtel, qui n’est accessible que par téléphérique. Pendant une semaine, le petit groupe d’ami doit cohabiter en sachant que l’un deux est un meurtrier, les tensions, l’alcool, les non-dits et les souvenirs douloureux menacent de faire exploser violement ce groupe d’amis en apparence soudé, mais en réalité complètement gangréné de l’intérieur. C’est une déception que ce roman, indubitablement, Yana Vagner n’a pas réussi à composer des personnages aussi attachants que dans « Vongozero », et le récit devient vite difficile à suivre. De nombreux flash back arrivent et repartent sans transition aucune, le récit semble décousu par moment et il faut l’avouer, un certain nombre de digressions s’avéreront au mieux trop longues, au pire superflues. Cette semaine de huis-clos est interminable pour la groupe comme pour le lecteur, ils se battent, se disputent, se rabibochent, mangent peu mais boivent beaucoup trop, se souviennent, veulent oublier, taisent l’essentiel pour mieux déblatérer sur des détails, on n’en voit pas le bout… Tous assez antipathiques, pour peu qu’on arrive à les cerner en étant capable de ne pas les confondre entre eux, les personnages ont certes de la profondeur mais cela ne suffit pas à susciter l’intérêt. Le mobile et le coupable du crime semble passer au second plan et même lorsque l’intrigue se dénoue dans les derniers chapitres (dans un feu d’artifice trépidant, comme il se doit), le soufflé retombe vite et on reste un peu désemparé devant une fin sans morale, où les victimes deviennent des coupables et les coupables se comportent en victimes. Tout cela donne un (trop) long roman à l’intérêt limité, qui ne laisse pas un souvenir fort comme « Vongozero » ou « Le Lac » m’en avait laissé un. Déception…
Un paysage de montagne, il fait nuit et la neige recouvre tout. Une femme tente de regagner la protection d’un chalet où ses amis sont bien au chaud, en train de boire et discuter, elle peut même les voir à travers la fenêtre. A deux doigts du salut, elle se fait attraper, poignarder et emporter dans l’obscurité de la forêt. Est-ce que ce point de départ ne ressemble pas à l’un de nos pires cauchemars ?
Prenez l’hôtel flippant de Shining, un bout de trame des Dix Petits Nègres (références revendiquées), ajoutez une dizaine de personnages à la psychologie instable et secouez le tout pour provoquer un huis clos très angoissant où une bande d’amis se connaissant depuis 20 ans sont brutalement coupés du monde après une tempête de neige ; après avoir découvert le corps, ils réalisent que parmi eux se trouve un assassin. Dès lors, sous l’oeil étrangement impassible du régisseur des lieux, ils vont commencer à se suspecter mutuellement, à s’attribuer des mobiles de meurtre aux uns et aux autres, à s’accuser, à régler des comptes… comme dans toute situation de péril, les alliances vont soit se détruire soit se renforcer, le véritable fond de chacun se révéler.
Il faut dire que les personnes en présence ont toutes un sacré passif : neuf russes, quatre hommes, cinq femmes membres d’une équipe de tournage, amis ou en couple depuis leur jeunesse, venus passer quelques jours de détente avant de commencer à travailler sur un téléfilm. De Vadim le réalisateur alcoolique à Lora/Larissa la plus jeune du groupe qui ne trouve pas sa place, Lisa, Macha, Tania, Piotr ou Egor, autant de portraits fouillés en (très grands) détails. En dépit de son histoire au demeurant très efficace, car l’auteure a un talent sans pareil (déjà largement démontré avec Vongozero et Le Lac) pour nous faire ressentir ce que vivent ses protagonistes : la terreur, le froid, l’isolement, la fureur…, il faut tout de même bien s’accrocher sur plus de 500 pages pour ne pas se perdre dans le passé de chacun, tendant à expliquer sa relation complexe avec les autres personnes présentes et avec la victime en particulier. J’ai été tentée parfois d’abandonner ma lecture avec l’impression moi aussi de patauger dans la neige, mais ravie tout de même d’avoir le fin mot de cette histoire digne d’un scénario de film.
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