Des idées de lecture pour ce début d'année !
1942, descente des nazis dans le ghetto de Kovno, en Pologne : son nouveau-né dans les bras, une jeune femme regarde autour d'elle, hagarde. Bessie K : « Je tenais le bébé, et j'ai pris mon manteau, et j'ai emballé le bébé, je l'ai mis sur mon côté gauche car je voyais les Allemands dire "gauche" ou "droite", et je suis passée au travers avec le bébé. Mais le bébé manquait d'air et a commencé à s'étouffer et à pleurer. Alors l'Allemand m'a rappelée, il a dit : "Qu'est-ce que vous avez là ?" Je ne savais pas quoi faire parce que cela allait vite et tout était arrivé si soudainement. Je n'y étais pas préparée (...) Il a tendu son bras pour que je lui tende le paquet ; et je lui ai tendu le paquet. Et c'est la dernière fois que j'ai eu le paquet. »
C'est l'un des nombreux témoignages de survivants des camps de la mort recueillis par Annick Cojean, grand reporter au Monde depuis plus de quarante ans. Elle reçoit en 1996 le prix Albert Londres pour Les mémoires de la Shoah. Ces textes magnifiques prennent une nouvelle dimension aujourd'hui avec cette adaptation en bande dessinée de Théa Rojzman et Tamia Baudoin.
Une adaptation sensible des textes d'Annick Cojean en partenariat exclusif avec le Prix Albert Londres et le Mémorial de la Shoah.
À l’occasion du 50e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, Annick Cojean, journaliste reporter pour Le Monde, lance une enquête sur la Shoah. Elle en tire cinq articles publiés en avril 1995 et reçoit le prix Albert Londres l’année suivante.
Dans un premier temps, elle se concentre sur les témoignages recueillis dans le cadre du programme de l’université de Yale, « Fortunoff Video for Holocaust Testimonies », qui a eu pour objectif d’archiver les récits de rescapés de la Shoah. Ensuite, elle rencontre des enfants de survivants, les « enfants miraculés » qui portent le poids de l’héritage des horreurs vécues par leurs parents, incapables d’oublier.
Mais, pour Annick Cojean, ces témoignages ne suffisent pas. Puisqu’elle réalise une enquête sur la mémoire, il lui faut aussi parler aux enfants de bourreaux pour comprendre le fardeau qui est le leur. Elle rencontre Niklas Frank, le fils de Hans Frank. Il en veut terriblement à son père, le hait et se pose depuis toujours la question du pourquoi. Elle rencontre aussi le fils de Hermann Heiss, un homme qui voue un culte aveugle à son père et réfute tout ce qui touche à la Shoah. Cependant, la plupart de ceux qu’elle contacte vivent avec la honte d’être des enfants de monstres.
Par ailleurs, elle s’entretient avec Samson Munn, qui a initié un programme de rencontres entre enfants de victimes et enfants de bourreaux, afin d’encourager un dialogue difficile mais au combien nécessaire et libérateur d’un côté comme de l’autre. Ces échanges permettent aux participants de réaliser qu’ils partagent des souffrances communes.
La BD ne se contente pas de retranscrire les témoignages, elle permet également de suivre la démarche de la journaliste, ses réflexions, ses émotions et la complexité de son travail. Le fond historique du récit est captivant. Les récits, bouleversants, soulèvent des questions sur ce que l’on retient d’une telle horreur et sur la manière de transmettre cette mémoire pour éviter, même si cela peut paraître vain, que l’histoire ne se répète.
Les illustrations, le graphisme et les couleurs, accompagnent parfaitement le récit, exprimant avec justesse l’effroi, la terreur, l’horreur et la détresse des survivants de la Shoah, tout en soulignant le poids de l’héritage subi par leurs enfants. Enfin, un dossier, tout aussi intéressant, complète la BD.
Cette BD est à rapprocher de la BD « Retour à Lemberg », tirée du récit de Philippe Sands, parue aux éditions Delcourt qui traite de la naissance des termes « génocide » et « crimes contre l’humanité » nés au procès de Nuremberg et de la construction du droit international.
Ces BD, qui abordent des thèmes lourds mais aussi essentiels, jouent un rôle important dans la transmission du devoir de mémoire. Elles sont indispensables pour que l’histoire ne tombe pas dans l’oubli.
#LesMémoiresdelaShoah #NetGalleyFrance !
"Les écouter parler, ce n'est pas entendre de simples chiffres, le nombre de morts ou de survivants : c'est revivre avec eux un enfer réel."
En 1995 Annick Cojean se lance dans une grande enquête à la recherche des témoins de la Shoah, pour laquelle elle obtiendra le prix Albert Londres. Cette adaptation graphique de son enquête nous confronte à la force des témoignages de ceux qui ont dû se taire après la guerre, car les autres ne pouvaient pas les écouter.
C'est des souvenirs si douloureux qu'ils sont ancrés en eux, leur donnant l'impression d'avoir vécu une double vie, et d'être à jamais hanté par ce qu'ils ont subi. Il en ressort beaucoup de souffrances, mais aussi de la culpabilité, celle du survivant, qui ne comprend pas pourquoi il est revenu alors que tant d'autres y sont restés, celle de ne pas avoir pu sauver un enfant, un frère, un proche, celle d'avoir commis des actes impardonnables, mais qui dans l'enceinte des camps étaient devenus banals.
Ces témoignages nous apportent aussi des points de vue inhabituels, Annick Cojean a poussé son enquête en interrogeant les descendants des victimes, mais aussi des bourreaux.
Il est ainsi question de la transmission des traumatismes aux enfants. Leurs témoignages sont brefs, intenses et sidérants.
C'est une lecture éprouvante mais essentielle pour ne jamais oublier et rester en alerte.
Ce roman graphique est une adaptation d’une enquête journalistique qu’a menée Annick Cojean en 1994 pour le cinquantenaire de la libération du camp d’Auschwitz en 1995. Il en résulte cinq articles qui furent récompensés par le Prix Albert Londres en 1996.
Ces mémoires sont celles des survivants qui durant des décennies n’ont pas parlé ou n’ont pas été entendus, jusqu’à ce que l’Université de Yale, avec son programme « Fortunoff » leur donne la parole et produise des témoignages vidéo bouleversants.
Ce sont aussi les mémoires des enfants de rescapés, enfants qui n’étaient pas supposés naître, tout comme leurs parents n’étaient pas supposés survivre. Ces enfants qui inconsciemment portent toute l’horreur de ce qu’ont vécu leur parents.
Enfin, ce sont les témoignages parfois glaçants, souvent bouleversants des enfants des nazis et du fardeau qu’ils portent eux aussi d’être nés coupables des actions de leurs pères, hormis quelques descendants de nazis hauts placés qui sont fiers des actions de leurs géniteurs et pensent qu’il en est de même pour le peuple allemand .
Il y eu également l’initiative d’un psychologue Israélien Dan Bar-On qui organisa des rencontres tout aussi bouleversantes entre des enfants de bourreaux et des enfants de victimes.
Ces témoignages nous immergent dans le mal absolu que fut la Shoah. Ils sont portés par le dessin chargé d’émotion de Tania Baudoin qui saisit l’horreur sans détour , nous plongeant dans l’indicible, corps décharnés, visages marqués par la douleur, la peur , l’incompréhension , tandis que Théa Rojzman retranscrit tout en finesse l’intention d’Annick Cojean de laisser une trace impérissable qui participera au Devoir de Mémoire afin que jamais ne triomphe l’oubli, surtout en cette période qui voit disparaître nos derniers témoins.
Un roman graphique bouleversant dont la lecture est indispensable en cette année de commémoration du 80ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz.
Une fois n’est pas coutume je vais faire (franchement) long.
L’enquête d’Annick Cojean en 1995 à l’occasion du cinquantenaire de la libération / découverte des camps de concentration et d’extermination sera récompensée par le prix Albert Londres en 1996.
Longtemps le silence a prévalu sur la Shoah. Il aura fallu deux à trois décennies pour que la parole se libère et que les historiens s’emparent de cette singularité de l’horreur et de l’inhumanité.
Le travail d’enquête de Cojean, qui a donné lieu à 5 articles dans le journal Le Monde, est repris dans cette BD (publiée en même temps que le 80 ème « anniversaire ») où elle devient actrice de la mémoire et du décryptage en :
• Recueillant « les voix de l’indicible » (son premier article) : écouter les témoignages des victimes de ce génocide avec leurs peurs, doutes, rejets, traumatismes ; … car « parler guérit, oui mais seulement si on est écouté » (p 31) ;
• Rencontrer aussi « les enfants miraculés » (2ème article) : ces enfants de déportés qui ont aussi hérité des traumas de leurs parents (le docteur psychiatre Marin Bergmann après avoir traité plusieurs centaines de cas d’enfants de déportés est catégorique : « le traumatisme se transmet » p 52)… mais aussi comme le précise Anna Smulowitz – née en 1947 - « … pour faire perdre Hitler, j’avais le devoir de faire triompher la vie » p 50
• Rencontrer les enfants de nazis et donner à voir leurs diversités (des plus lucides en rupture avec leurs parents à certains négationnismes) et leurs fardeaux (son troisième article)
• Rendre compte de « l’impensable dialogue » (son 4 ème article) portant sur les rencontres des enfants de déportés et des enfants de nazis proposées par le psychologue israélien Dan Bar qui précise qu’« il n’est question ni de pardon, ni d’oubli, ni même de réconciliation. Simplement de mettre un terme à la haine. » p 95
• Montrant l’importance et l’enjeu de l’enseignement pour une « confrontation avec l’histoire » (5 ème article) et permettre à la fois
o D’apprécier la complexité de l’enseignement : cf la lettre d’un proviseur qu’il adressait à chaque rentrée scolaire aux enseignants de son établissement en pointant que la shoah a été réalisée avec des personnes instruites (*)
o Comprendre en identifiant les mécanismes, qui rappellent la cuisson de la grenouille dans la casserole qui monte en température, avec ces étapes / marches successives (cf. p 120) qui préparent la suivante … jusqu’à l’holocauste
Il faut saluer cet ouvrage qui bénéficie aussi des choix de mise en page et des options graphiques de Tamia Baudouin au dessin et Théa Rojzman au scénario, avec le choix de certains onorismes , symbolismes, …, et d’une coloration subtile qui évite notamment le pathos.
Il faut plus que saluer cet ouvrage, il faut le faire lire, le partager pour éviter l’amnésie et se refuser les lâchetés … qui résonne avec la phrase d’Einstein : « Le monde est trop dangereux à vivre, pas à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. »
(*) Lettre du Proviseur (p 114)
« Cher Professeur, je suis un survivant de camp de concentration,
Mes yeux ont vu ce qu’aucun homme ne devrait voir :
Des chambres à gaz construites par des ingénieurs instruits.
Des enfants empoisonnés par des praticiens éduqués.
Des nourrissons tués par des infirmières entrainées.
Des femmes et des bébés exécutés et brulés par des diplômés des collèges et des universités.
Je me méfie donc de l’éducation.
Ma requête est la suivante : aidez vos élèves à devenir des êtres humains.
Vos efforts ne doivent jamais produire des monstres éduqués, des psychopathes qualifiés, des Eichmann instruits.
La lecture, l’écriture, l’arithmétique ne sont importantes que si elles servent à rendre les enfants plus humains. »
1994
A l'approche de la commémoration des 50 ans de la libération des camps, la journaliste Annick Cojean s'interroge: Où en sommes-nous de ? Que retient-on de la Shoah ? Qu'en transmet-on ? Elle commence alors à recueillir une série de témoignages. Des Etats-Unis à l'Allemagne, elle interroge des survivants, leurs enfants mais pas que. La souffrance passe-t-elle de génération en génération ? Comment faire vivre cette mémoire ?
Après "Sur le front de Corée", voici la deuxième adaptation des reportages des vainqueurs du "Prix Albert Londres". En ce jour des 80 ans de la libération des camps d'Auschwitz, (journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l'Holocauste), il convient de parler de cet album qui relate l'enquête "la plus sombre, la plus bouleversante, la plus obsédante" de la vie de journaliste d'Annick Cojean, grand reporter au journal Le Monde. Une enquête qui l'a menée à recueillir les témoignages des enfants de déportés mais aussi ceux des enfants de nazis.
Théa Rojzman ( Grand silence, Glénat 2021, entre autres) s'empare de cette enquête avec tact et humanité. Avec Tamia Baudouin au dessin, elles parviennent à illustrer les rencontres de la journaliste et la mettent en scène dans ses voyages ou appels téléphoniques. Mais surtout, elles mettent en avant ses émotions, ses questionnements avec un jeu de couleurs qui varie entre obscurité et lumière, tour à tour très sombre et froid ou chaud et tendre. Certaines scènes sont déchirantes, marquantes mais tout le talent de Tamia Baudouin, pour son tout premier album, est de parvenir à les rendre lisibles tout en transmettant l'émotion.
Il est rare qu'une lecture me marque autant. Le dossier final est tout aussi passionnant et je ne doute pas que ce roman graphique trouvera un écho dans chacun de ses lecteurs-rices.
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Des idées de lecture pour ce début d'année !
Si certaines sont impressionnantes et effrayantes, d'autres sont drôles et rassurantes !
A gagner : la BD jeunesse adaptée du classique de Mary Shelley !
Caraïbes, 1492. "Ce sont ceux qui ont posé le pied sur ces terres qui ont amené la barbarie, la torture, la cruauté, la destruction des lieux, la mort..."
Merci Pascal pour cette chronique.
J'ai déjà repéré cet album et suivi les propos d' Annick Cojean lors de la "Grande librairie" de mercredi .
Après " Adieu Birkenau", je ne peux que me procurer cet ouvrage par devoir de mémoire et pour qu'elle ne disparaisse pas.