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Centré sur la région de Kayes au Mali, l'ouvrage de Marie Rodet s'attache à analyser les formes de mobilité féminine au sein du pays et vers le Sénégal à l'époque coloniale (1900-1946).
Comme les chercheurs par la suite, l'administration coloniale a largement ignoré ces déplacements, se focalisant sur les migrations masculines de travail qu'ils considéraient comme seules dignes d'intérêt. Or, en élargissant le concept de migration, l'ouvrage met en évidence que les migrations féminines dans la région de Kayes ont été nombreuses, et ce dès les débuts de la colonisation. Ce livre montre en particulier que les femmes esclaves étaient majoritaires dans les mouvements migratoires que connaît la région au début du XXe siècle, qu'elles furent les premières migrantes dans la ville de Kayes.
L'auteure va même plus loin en montrant que le phénomène migratoire majeur que connaît le Haut-Sénégal à cette époque ne correspond pas aux migrations masculines de travail mais aux migrations familiales attestant d'un glissement progressif des populations du Haut-Sénégal vers la Sénégambie. L'originalité de l'ouvrage réside également dans son utilisation des archives judiciaires pour analyser les pratiques du mariage comme vecteurs de mobilité pour les femmes.
Par l'examen de la jurisprudence des tribunaux coloniaux de la région de Kayes, Marie Rodet montre que les autorités locales et coloniales tentèrent dès les années 1910 de limiter la mobilité dans le mariage, ce qui amena les femmes à mettre en place des stratégies de " contournement ", qui s'appuyaient souvent sur des réseaux migratoires familiaux établis sur plusieurs générations. L'ouvrage permet enfin de comprendre pourquoi ce contrôle colonial croissant s'est finalement avéré inefficace.
A partir d'une étude précise de sources coloniales a priori peu loquaces mais ingénieusement confrontées à des enquêtes de terrain, Marie Rodet resitue ici l'histoire des migrations de la région de Kayes à l'époque coloniale dans une dynamique de recherche genrée. Cet ouvrage constitue un outil essentiel pour repenser la question des migrations féminines en Afrique et déconstruire le discours androcentrique ambiant sur les migrations.
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