"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Les héroïnes de cette saga féminine, dont l'action recouvre le second tiers du xxe siècle en Pologne, sont trois soeurs : Gerta, fiable et sérieuse, Truda, qui cède facilement aux appels du coeur, et Ilda, la rebelle, la fantasque. Leur mère, Rozela, les a élevées seule dans le village cachoube de Dziewcza Góra. Pour survivre à la guerre, puis à la terreur stalinienne, elles doivent apprendre à dissimuler leurs sentiments. L'insensibilité devient leur bouclier contre l'adversité, et, là où d'autres s'effondreraient, Rozela et ses filles poursuivent leur chemin, vaille que vaille. Il y a des mariages et des séparations, mais ni les maris ni les enfants qui viennent au monde ne constituent le centre de tout.
Ici, les liens du sang ne semblent relier que les femmes...
Au fil des années, la maison de la mère restera le lieu où reprendre souffle, où retrouver forces et réconfort. Dans cette éblouissante évocation de la « dureté » des femmes, aucune idéalisation, aucun violon de mélodrame facile, mais des images inoubliables
C’est peu de dire que l’histoire récente de la Pologne n’a pas été un long fleuve tranquille. Champ de bataille où s’affrontent à partir de 1939 l’Allemagne nazie et l’URSS, elle n’est libérée du joug de l’une que pour tomber dans les tenailles communistes de l’autre à la fin de la guerre.
Dans un tel contexte, la population locale ne vit pas, elle survit. C’est le cas de Rozela et ses trois filles Gerta, Truda et Ilda. A partir de la mort de son mari dans les années 30, Rozela les a élevées seule, dans un petit village de Cachoubie, une province polonaise. Elles ne peuvent compter que sur elles-mêmes, et certainement pas sur les hommes : après la guerre, les filles de Rozela auront bien des maris ou des amants, mais ceux-ci se distingueront davantage par leur manque d’épaisseur, leur faiblesse ou leur lâcheté que par leur courage et leur solidité. Et donc, puisqu’il le faut bien, c’est Rozela et ses filles qui le seront, courageuses et solides, pour traverser chacune à sa manière les épreuves que la vie leur infligera généreusement : hivers glaciaux, manque d’argent, de nourriture, terreur stalinienne et tracas causés par la bureaucratie soviétique, elles se démèneront, ensemble ou séparément, pour vivre décemment. Elles connaîtront des moments de fragilité, d’hystérie ou de désespoir, mais elles ne cesseront jamais de lutter. Sauf peut-être Rozela, quand les traumatismes subis pendant la guerre remonteront à la surface à la fin de sa vie et auront raison de sa… raison.
J’ai eu du mal à entrer dans ce roman et à m’intéresser à ses personnages. La narration alterne les points de vue des quatre héroïnes, et au début, j’ai trouvé l’ensemble un peu décousu, je n’arrivais pas à mettre de l’ordre dans les différentes versions des mêmes anecdotes. Les personnages ne m’apparaissaient pas particulièrement sympathiques mais au contraire plutôt dénués de sensibilité, ne laissant la place qu’à la colère, le ressentiment, le fantasque. Des cœurs endurcis desquels s’échappe parfois une pression trop forte. Puis à partir de la moitié du roman, sans que je comprenne bien pourquoi, peut-être un geste doux par ci, un mot plus tendre par là, j’ai trouvé ces quatre femmes de plus en plus touchantes, attendrissantes, mais forçant toujours le respect par leur courage et leur ténacité.
A travers ces chroniques de la vie quotidienne, ce roman énergique dresse le portrait de deux générations de femmes attachantes, dans le contexte historique trouble et troublé de la Pologne. Un roman tragi-comique qui rend hommage à ces femmes coriaces, victimes de la guerre et des (de certains) hommes.
Quel roman riche que celui-ci qui suit 4 femmes depuis la seconde guerre mondiale jusqu’à nos jours dans un petit village de Pologne.
Il y a la mère, Rozela, brûlée au fer à repasser par un groupe de soldats russes après qu’ils l’aient violé.
La soeur aînée Gerta, qui se marie avec l’horloger Edward et part habiter à la ville.
La suivante, Truda, qui se marie avec le commis Jan avant qu’il ne devienne milicien du régime. Mais Jan n’est pas celui que l’on croit.
Et enfin Ilda et sa moto, qui se marie avec un sculpteur connu qui la tien enfermée.
N’oublions pas Jakob, l’ancien amoureux de Truda, reparti vivre en Allemagne après la guerre et qui écrit toujours à son amoureuse polonaise.
Il y a aussi les cochons croisés sanglier qui sont à l’origine d’une nouvelle race.
Bref, un roman foisonnant sur une famille de femmes à la fin du 20e siècle, ces petits riens remarquables et sublimes qui font une vie.
L’image que je retiendrai :
Celles es chaussures à talons hauts que Jakob envoi à Truda d’Allemagne.
https://alexmotamots.fr/les-coeurs-endurcis-martyna-bunda/
« Les Cœurs endurcis », c’est avant tout le destin d’une mère et ses trois filles qui vont devenir des femmes.
Cette saga familiale se déroule en Cachoubie, une province polonaise. Tout débute dans les années trente avec Rozela la mère. Ses trois filles, Gerta, Truda et Ilda, elle doit les élever seule après la mort de son mari. Outre ces quatre femmes, l’histoire tourne autour de la maison que Rozela a construite tout au bout du village de la Colline-aux-Vierges.
« C’était l’année 1932, l’hiver. Les murs n’avaient pas encore connu la chaleur. La maison était solide »
Puis la guerre est arrivée avec son lot de malheur, invasion de soldats allemands, puis russes et Rozela qui avant tout a protégé ses filles n’a pu se soustraire à la violence des hommes. Une trace de sang, incrustée dans le plancher en témoigne. Ce terreau d’horreur, de pauvreté et d’incertitudes va modeler les caractères de ces femmes pour lesquelles la vie doit se vivre coûte que coûte. Il faut s’endurcir et museler son cœur.
« Fille naturelle d’une fille naturelle, condamnée à vivre dans un sentiment perpétuel de honte, Rozela gardait la tête haute et enseignait la même chose à ses filles. Noble. Quoique paysanne. Courageuse. Quoique femme. »
De tempéraments différents, les trois filles se battent contre l’adversité. L’ainée, Gerta, la plus raisonnable, se souvient lorsqu’elle était cachée dans la cave et qu’elle entendait les soldats marcher au-dessus de sa tête. Elle admire sa mère, si forte, et l’aide au mieux avec les poules et les cochons.
Truda est l’amoureuse et la rêveuse. Son fiancé est rejeté par sa mère parce qu’il est allemand, elle jette alors son dévolu sur Jan le gitan. Il l’épousera mais elle continuera à demander à son ancien fiancé de lui envoyer de Berlin d’élégantes chaussures à talon.
Des trois sœurs, Ilda la fantasque est la plus rebelle. Vêtu d’une combinaison en cuir, elle conduit un side-car trouvé dans un fossé et se moque du qu’en dira-t-on. Elle aura une liaison avec un sculpteur marié. Il lui offrira des robes couteuses, elle sera son modèle pour une statue gigantesque.
Chacune des sœurs subira des tempêtes, des épreuves, des déceptions. Il y aura aussi des moments heureux, la vie quoi ! Elles connaitront les tromperies et la jalousie des hommes, elles mettront des enfants au monde. Gerta aura trois filles, Truda, deux fils, le sien et l’enfant illégitime de Jan qu’elle élèvera comme le sien lorsque son mari sera incarcéré.
A chaque gros temps, la maison de la Colline-aux-Vierges devient le port calme où se réfugier. Et si parfois les sœurs et leur mère peuvent se montrer impitoyables entre elles, elles finissent toujours par se retrouver grâce à ce lien très fort qui les unit.
La construction très originale du roman nous fait traverser la vie de ces quatre femmes selon les saisons et les évènements qui jalonnent leurs vies. Cela débute par un enterrement et se clôt par la mort de Rozela. L’histoire est découpée en courts chapitres, chacun débutant par le prénom de l’une des quatre femmes, créant un récit dense comme les fils de couleurs différentes qui, une fois tissés, forment une toile serrée, inébranlable comme la solidarité entre ces femmes.
Malgré l’époque troublée, émaillée de drames, le récit n’est pas larmoyant. Il y a une incroyable énergie dans l’écriture de Martyna Bunda et on se laisse emporter par les aventures à la fois tourmentées et drôles de ces « pasionarias » de la solidarité féminine.
Je remercie les éditions Noir sur Blanc et Masse critique de Babelio pour la découverte de ce roman captivant.
Après la mort accidentelle de leur père, les trois sœurs Gerta, Truda et Ilda sont élevées par leur seule mère Rozela, dans leur maison d’un village de Cachoubie, en Pologne. Alors qu’aux épreuves de la guerre succède la terreur stalinienne, toutes quatre acquièrent l’habitude de se débrouiller, vaille que vaille. Viendront mariages et enfants, joies et malheurs : rien ne les empêchera jamais de faire bloc, en véritables piliers de la famille…
Commençant par sa piquante scène finale, puis alternant les points de vue de chacune des quatre héroïnes en une myriade de brefs épisodes illustrant leur quotidien sur un demi-siècle, le récit décrit un cycle complet de saisons, en même temps qu’il accumule grands et menus faits de vie comme autant de couches de sédiments ou de cernes d’un arbre, pour restituer l’existence de ces femmes dans la Pologne d’après-guerre et des quelques décennies suivantes. Ces quatre fils de vie s’entrelacent ainsi pour former la même trame linéaire : celle de femmes appliquées ensemble à faire face à l’adversité sans faiblir et en ne comptant d’abord que sur elles-mêmes, les défaillances des hommes – entre surmortalité, inconstance et lâcheté – les ayant habituées à ne les voir endosser que des rôles satellites.
Rien n’est facile pour Rozela et ses filles, mais jamais aucune ne songerait même à se plaindre ou à baisser les bras. A vrai dire, Rozela ne survit aux atrocités subies pendant la guerre qu’en enfouissant les traumatismes au plus secret d’elle-même, et en se jetant corps perdu, tout sentiment bridé, dans la mêlée d’une existence où tout se conquiert de haute lutte, et à condition de savoir faire feu de tout bois. Dans cette Pologne tombée dans le giron soviétique, assurer les fondamentaux de l’existence est une lutte de tous les instants, et c’est au moyen d’une débrouillardise, d’une capacité d’adaptation et d’une endurance de tous les instants que les femmes de la trempe de Rozela assurent le quotidien en tâchant de compenser l’usure ou l’absence de leurs hommes. Cela ne se fait pas sans une certaine forme de brutalité : l’on n’a guère le loisir de s’attendrir, ni de s’appesantir sur soi-même. L’éducation se fait à la dure, et si une solidarité sans faille les unit, l’action chez elles tient lieu de sentiment.
Par nécessité impitoyablement coriaces, à commencer avec elles-mêmes, les quatre femmes de ce récit cachent en leur tréfonds une humanité des plus attachantes. Leur audace et leur inventivité multiplient les épisodes dont l’évidente authenticité ou, parfois, l’allure de légendes familiales, entretiennent l’impression d’une chronique fidèle à ce que l’auteur aurait pu recueillir de la vie de ses mère, tantes et grand-mère. Tantôt dramatiques, tantôt cocasses, ce sont mille détails de l’existence de ces femmes qui parviennent dans ces pages à nous les rendre particulièrement proches et vivantes. Et, en fin de livre, l’on revit cette fois avec tendresse et amusement, la scène initiale qui avait tant piqué notre curiosité de lecteur.
Cette chronique familiale, qui, au travers des menus faits de leur quotidien, parvient avec tant de naturel à faire revivre deux générations de femmes pendant la période communiste de la Pologne, s’avère un témoignage historique que son objectivité et son authenticité, autant que son écriture vive et pleine d’humour, rendent tout à fait passionnant. Coup de coeur.
L’histoire contemporaine de la Pologne est douloureuse, dramatique, souvent cruelle et marquée par de multiples césures, des partages incessants de ce pays, des déplacements de frontière. C’est sans doute ce qu’a voulu illustrer Martyna Bunda dans ce premier roman. Elle y met en scène trois sœurs Gerta, Truda, et Ilda, toutes trois élevées par leur mère Rozela dans le village cachoube de Dziewcza Gora.
Truda rencontre durant l’hiver 1945 un déserteur allemand Jakob Richert qui lui propose de le suivre jusqu’à Berlin. À propos de ce le trajet effectué dans les pires conditions, Truda s’interroge sur la nature de leur relation et sur la possibilité d’un enfant à naître : « Ils se cherchaient l’un l’autre avec une telle ardeur, sur ces lits de fortune, qu’un enfant aurait dû naître. Peut-être qu’il aurait mieux valu un Allemand à la maison qu’un bâtard de plus dans la famille ? »
Ilda est engagée, dans un organisme s’occupant du traitement des personnes déplacées. Ces dernières comprenaient les populations originaires des provinces orientales de la Pologne cédées à l’Union Soviétique et transférées dans les nouvelles régions évacuées par l’Allemagne en vertu des accords de Postdam de 1945. Au-delà du drame historique des déplacements de population, Ilda y voit une occasion de s’émanciper de sa famille, de s’éloigner physiquement de sa ville d’origine.
Gerta apparaît comme la personne la plus fiable, à la nature bien trempée. Elle s’accoutume dans son enfance à l’endurance, à la peur, à l’accomplissement des tâches ménagères pour sa mère, ses sœurs. La peur tellement intériorisée dans sa conduite, devient une seconde nature : « Gerta avait donc patiemment supporté ces tortures de l’enfance, avec le sentiment qu’il s’agissait d’une sorte d’adoubement pour devenir une femme. »
Ce qui est prégnant dans le roman de Martyna Bunda, c’est l’effacement très prononcé des hommes : ils apparaissent comme peu consistants, indignes de confiance. Ainsi Rozela déclare-t-elle à sa fille Gerta « Les hommes, il ne faut pas trop compter sur eux. »
Martyna Bunda est polonaise, elle met en évidence le lien entre l’histoire d’un pays et les vies de ces trois sœurs marquées en fait par des drames successifs : l’occupation nazie, le changement de frontières, le désastre du communisme, la lutte pour la survie, le maintien de l’identité polonaise. Cette nécessité de survivre engendre quasi mécaniquement une grande dureté dans l’approche de la vie : c’est ce que nous enseigne Les Cœurs endurcis.
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