"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Jacques a une vie bien rangée. Sa boîte à tartines dans sa petite mallette, il se rend sans joie au bureau où il vient d'être gratifié du titre de low performer.
Par-dessus tout, l'absence de son fils lui pèse. Pourquoi Bruno a-t-il coupé les ponts avec la famille ?
L'arrivée d'une nouvelle collègue au sein de son entreprise va troubler Jacques et l'amener à tout remettre en question.
Jacques Janssens est un salarié désabusé. Après avoir été manager, il s'est fait prendre sa place par un jeune ambitieux et a été rétrogradé et gratifié du titre de low performer. Jacques s'ennuie au travail. Il ne parle plus à ses collègues, déjeune seul avec sa boîte en plastique rouge que Clara sa femme emplit tous les matins. Un jour, une nouvelle arrivée, Juliette, s'assoit à côté de lui et commence à discuter avec lui. Elle trouble Jacques qui, dès lors, va remettre en question pas mal de choses dans sa vie.
J'aime beaucoup les livres de Verena Hanf (Tango tranquille, Simon, Anna, les lunes et les soleils, La griffe, La fragilité des funambules) et celui-ci ne dérogera pas à cette règle. L'autrice décrit un homme vieillissant qui vie une vie routinière, qui la subit plus qu'il ne la vit. Entouré de sa femme Clara et de leur fille qui les visite régulièrement avec ses deux filles, c'est l'absence de son fils Bruno qui lui pèse. Bruno n'aimait pas la vie de ses parents, il le leur a dit à moult reprises jusqu'à la rupture brutale. Cette absence ronge Jacques et Clara qui restent cependant inflexibles. c'est une rencontre qui va faire vaciller les certitudes de Jacques, déjà bien entamées par sa rétrogradation professionnelle. Lui, qui a tout donné à l'entreprise se retrouve seul.
C'est une belle réflexion sur l'âge, le couple, sur la relation parents-enfants, la tolérance sur les modes de vie différents, sur le fait qu'on ne formate pas ses enfants pour qu'ils soient exactement comme on le voudrait et qu'ils peuvent même se construire en opposition. "Mais qui suis-je pour lui donner des conseils, des conseils flous en plus, qui se fondent peu ou pas du tout sur des expériences personnelles ? Ma vie était une course aussi, avant que le cheval trébuche, traîne la patte, tourne en rond, avant qu'il boite direction l'abattoir." (p.39)
Le ton n'est pas à la gaudriole, Jacques ne va pas bien. C'est très introspectif, très bien décrit, on imagine assez bien le personnage, discret presque mutique, quasi invisible dans l'entreprise, dans les transports. L'un de ceux que l'on croise quotidiennement et dont on n'imagine pas la vie. Verena Hanf le fait. Et de très belle manière. J'aime beaucoup son écriture simple, épurée, très oralisée comme un long monologue. Les lignes qui suivent me rappellent la sensation que j'ai eue au sortir du confinement covidesque lorsqu'enfin nous avons pu arpenter les rues de la ville : "A part Angelica, c'est ma ville qui m'a tenu en vie. Ses quartiers peuplés, ses façades et facettes multiples, ses rues, avenues et allées, ses parcs, magasins et cafés, ses trams, métros et musées, ses odeurs, visages et langages m'ont accompagné, changé les idées, hébergé, abrité." (p.81)
Bref, tout sonne juste dans ce beau roman. Les personnages sont crédibles, réalistes, ils nous accompagnent ou nous les accompagnons un moment de leur vie. C'est une sorte de roman initiatique pour Jacques, preuve que la vie peut changer à tout âge.
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