"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Il arrive que les plus grandes tragédies se jouent sur un bout de rue maquillé à la craie...
Des ruelles poussiéreuses de Ouagadougou aux pelouses des terrains de football européens, il n'y a qu'un pas, celui de l'espoir.
Mais l'espoir peut rapporter gros à celui qui sait y faire : il suffit d'un peu de magie pour enfermer dans le creux de ses mains une armée de gamins qui rêvent d'étoiles brodées d'or.
Par dizaines, le Sorcier Blanc les tient sous sa semelle, monnayant leurs espérances comme leur vie. Jusqu'au jour où un jeune gardien de but abandonne tout désir de gloire pour faire équipe, et ose se dresser face à l'emprise du Sorcier Blanc.
Telle une déclamation (dans un registre Spoken-Word), où l'élégance du verbe contraste avec la véhémence de la logorrhée, ce roman rend conte de l'espoir et des illusions de jeunes footballeurs, puisque rêver de gloire ou simplement de jours meilleurs peuvent conduire à la chute...
Avec ce premier roman, Mathieu Vivion nous livre une oeuvre engagée à vocation scénique et nous entraîne, avec poésie, à faire le lien troublant entre les réseaux exploitant les réfugiés et les rouages méconnus du monde footballistique.
Dans ce premier roman, l’auteur dénonce un monde violent, le nôtre. Celui où des enfants portés par l’espoir de sortir de leur condition et de réaliser leur rêve de devenir footballeur en Europe, tombent sous l’emprise d’un homme, le sorcier blanc.
Ouagadougou, des enfants jouent au football avec une bouteille ou un chiffon. Un homme blanc les observe depuis la terrasse d’un café. Il les sélectionne pour intégrer son centre de formation. Il y a l’Espagnol, le Burkinabé, l’Anglais, le Français, l’Allemand, chacun se rêve dans une équipe.
La réalité du centre de formation est toute autre. La violence et le mépris du sorcier blanc les rabaissent à leur condition sociale. Il peut les remplacer n’importe quand, les rues regorgent de jeunes burkinabés pauvres.
Il y a un rythme, une sorte de scansion dans ce texte. Les deux personnages principaux, l’Espagnol et le Burkinabé, sont attachants. Leur amitié et leur fraternité est belle. On se met à rêver une vie meilleure pour eux. Mais la violence entraîne la violence et on pressent une fin tragique, la fin d’une enfance.
113 pages de poésie et d’espoir. Encore un texte fort publié par les éditions du Panseur.
Dans les rues de Ouagadougou, les jeunes garçons jouent au football et ont des rêves plein la tête. Ils sont pauvres, affamés mais remplis d’un espoir inextinguible. C’est avec cet espoir que jouent des hommes comme le Sorcier Blanc pour entraîner ces enfants sur un chemin de servitude en leur vendant des chimères. Mais parfois, la solidarité et la fraternité de quelques-uns peuvent conduire à tenir tête et à se rebeller.
On ne peut qu’un nouvelle fois saluer le travail des Editions du Panseur, la qualité de leur texte et la cohérence de leurs choix éditoriaux.
Ce premier roman est un uppercut, un roman choc et bouleversant. On est ici sur un texte qui prend aux tripes, qui retourne le lecteur, l’émeut, le révolte. Et le tout écrit dans une langue dynamique, pleine à la fois d’urgence et de poésie.
Ce texte est indéniablement écrit pour être lu sur une scène de théâtre, pour être déclamé et incarné. C’est ainsi qu’il prend tout son sens, qu’on ressent au plus profond de soi la puissance du texte, la force de ces enfants livrés aux mains d’un homme sans scrupule, le pouvoir d’un élan de fraternité.
C’est un livre qu’on lit d’une traite, sans reprendre sa respiration, en étant totalement happé par le contenu du texte et par cette langue si particulière.
A lire donc, comme tous les ouvrages de cette maison d’éditions si agréablement exigeante.
En Afrique, les "sorciers blancs" sont ces entraîneurs de foot étrangers, souvent français, venus faire leur marché dans les rues et dans les clubs à la recherche d’une future « pépite » du foot européen. Accueillis comme de véritables faiseurs de miracles sportifs par des gosses qui rêvent de faire carrière, ce sont les missionnaires de notre époque.
Pour accéder à leur rêve de gloire, les gamins sont prêts à tout. Mathieu Vivion nous raconte l’histoire de celui qui dit non.
Un court roman qui fait l’éloge de la fraternité tout en explorant les côtés sombres d’un trafic légal. Dans une langue musicale qui donne envie de lire à haute voix, ce texte est un flux de mots où le verbe claque, où le raffinement de l’écriture se teinte soudain d’un côté brut. Un texte à scander, à lire en un souffle.
« Les gens qui ne disent jamais rien, on croit juste qu’ils veulent comprendre, mais souvent, tu ne sais pas, je me taisais pour donner l’exemple.
« Juste la fin du monde » Jean-Luc Lagarce. Éditions Les solitaires intempestifs.
Qu’on se le dise, « Le Sorcier Blanc » est le génie littéraire. Un livre précieux dont il faudra prendre soin à jamais. Un roman dont la sonorité spéculative ne vous quittera jamais. Un récit virtuose du verbe, vertigineux, l’éclat de notre humanité tremblante de pluie. Un chef-d’œuvre, cercle infini des mansuétudes.
« C’était le soir et c’était le matin, c’était même toutes les minutes d’un après-midi quelconque et sans fin… C’était surtout d’autres enfants qui jouaient, là, sur un bout de rue maquillée à la craie. »
Un terrain de foot, triangle d’un village, entre poussières et chaleur oppressante, l’arc-en-ciel cosmopolite. Ils jouent, défient leurs souffrances. Gosses aux jambes fines, la sueur, perles de ténacité sur les fronts vaillants. L’équipe soudée, tous pour un, un pour tous, l’exemplarité, corde à nœud et le cœur vaste de cet amour inné.
Ouagadougou, le rêve étoilé, atteindre la voie d’or, la finitude des frontières barbelées. Être reconnus et célébrés, tel est l’adage. Ces jeunes poulbots, affamés pour beaucoup (surtout le petit Espagnol qu’on aime de toutes nos forces ). Pauvres mais une sphère de jeu universelle. Endurants, persistants, la parole est donnée.
« Qui t’a fait ça ? Les cicatrices, partout, sur ton visage. Qui t’a fait ça ? -Les mauvais joueurs. »
Toutes les nationalités confondues sont de concorde. Enfants liés par l’anonymat. Réfugiés, oisillons tombés du nid, volontaires, atteindre le sésame, le passeport, le Graal d’un voyage sans retour. Le cercle des mois tourne, pavlovien et perfectible. Jusqu’au jour d’ombre et de gouffre, où le Sorcier Blanc annonce son aura malsaine, son sourire de hyène, la blancheur sournoise et ses gourmettes qui brillent, reflet de métal sur un terrain emblématique. Il regarde ces gosses déambuler dans un jeu gorgé de sentiments et de solidarité. Il bouscule la rectitude du groupe. Il insiste dans son mépris de séparation destructrice. Violent, froid, sanguinaire, le symbole du mal. Le Burkinabé, le soleil de ce grand livre, qui a perdu son prénom au fronton des désespérances. Pourtant, le village qui l’accueille semble sourire à son innocence, sa pureté, son désir de grandir en dribblant.
« Dire sa famille, clamer le clan et risquer tout à coup que ces mots se dissolvent aussitôt. Regretter un instant d’avoir assumé un sentiment d’amour, d’en avoir fait la préemption. »
Mais Le Sorcier Blanc est advenu. Les deux frères, l’Espagnol, le Burkinabé, lianes siamoises, comprennent. Le Sorcier Blanc, manichéen, va devenir la hache à couper l’enfance. Les fécondités de tendresse, les fureurs de ces garçons, leurs noblesses désarçonnées. L’effroi et la jouissance d’un Sorcier Blanc, métaphore de notre monde, dont les traits de caractère sont le racisme, les inégalités, les réfugiés, les égarés, radeau de Géricault sur les poussières d’un stade emblématique.
« Les gamins ont couru en tous sens, évitant tous les dangers. Ils s’étaient dispersés à la croisé des chemins qui menaient aux villages voisins…. La nuit semblait répondre à leur place. »
Ce livre est le piédestal de la littérature. On pleure et l’on berce ces enfants perdus dans les limbes des mépris. On étreint la trame engagée, intense et triste, poétique, sublime et si lumineuse . C’est un murmure, un bruit sourd, un cri dans la nuit chaude d’Ougadougou. L’empathie stupéfiante de Mathieu Vivion qui sait conjuguer le mot fraternité. La magnanimité (une des plus belles qualités humaines) reconnue entre les lignes qui sait le chemin de la vérité et de l’urgence des dires. Ici tout est plausible. Ce serait comme une fable Manifeste. Le microcosme politique et social de notre monde. La beauté douloureuse d’un texte de renom. Un séisme mental, une incantation. Comme l’exprime si bien Mathieu Vivion, un humaniste , une belle personne, un auteur d’une grande humilité : « S’il tombe, ce sera pour mieux retourner le monde. » Publié par les majeures Éditions Du Panseur.
L’angoisse du gardien de but
Dans ce court et percutant roman, Mathieu Vivion raconte le quotidien d’un mendiant de Ouagadougou bien décidé à sortir de la misère grâce au football. Un rêve un peu fou dans un pays miné par la guerre civile.
Au Burkina-Faso, un jeune garçon assiste à un match de foot dans une rue de Ouagadougou. Lui qui erre dans les rues, constamment violenté, voit dans ce jeu l'occasion d'un répit. Mais encore faut-il se faire accepter par le groupe principalement constitué d'étrangers. Pour ce faire, il choisit le défi face à l'Espagnol qui semble être le leader du groupe: «Je veux que tu choisisses un côté et que tu frappes de toutes tes forces. Si je l’arrête, je joue. Si tu marques, je m'en vais. Et je te regarderai tirer dans le but vide si c’est ce que tu appelles football.» Malgré la force du coup de pied, il réussit à détourner la balle. Désormais il fait partie de l'équipe.
Les jours, puis les semaines qui suivent sont pour lui l'occasion de parfaire son jeu et de cultiver son amitié avec l'Espagnol. Ils rêvent de voir leur talent reconnu, leur chemin se parer de roses. Eux qui ont tant souffert. Qui frappaient pour oublier qu’ils étaient frappés.
Sur les bords du terrain improvisé, un détecteur de talents les repère. Ce sorcier blanc veut leur offrir une chance de poursuivre leur carrière dans de meilleures conditions. Il veut aussi faire de l’argent et pour ça, tous les moyens sont bons. Pour le Burkinabé sans papiers – et même sans prénom –, la chance de réussir est infime. Car les places sont chères et il n'y aura que peu d'élus. Mais la seule chose qui continue à le tenir debout, à le faire vivre, c’est l’espoir.
Et il lui faut sacrément en avoir dans un pays où la pauvreté se dispute avec la guerre civile, où les armes automatiques parlent pour une broutille, un regard mal placé. Alors les «cris de joie laissent place à des gémissements de douleur. (…) Aucun témoin pour les entendre. La guerre laisse ceux de la rue mourir dans la rue. Elle les exécute sommairement comme des arbres qu’on abat sans remords. La sève gicle. Le sang coule. Et le sol absorbe tout. Il absorbe tout jusqu’à ce que poussent d’autres arbres qui dissimuleront d’autres corps qui nourriront à leur tour la terre maudite.»
On l’aura compris, Mathieu Vivion ne raconte pas une nouvelle histoire de footballeur devenu star planétaire. Il dresse plutôt un réquisitoire amer face à ce business comme un autre qui souvent s’affranchit des règles et fait payer aux jeunes talents le prix des espoirs qu’ils suscitent. La belle épopée vire alors au drame et les «agents de joueurs» n’ont plus rien à envier aux passeurs de migrants. Un premier roman-choc qui explore les côtés sombres d’un trafic qui n’est sans doute pas prêt d’être endigué. Une FIFA digne de ce nom s’emparerait d’un tel dossier, mais elle préfère les millions du Qatar…
https://urlz.fr/kQVj
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