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Parmi les personnages qui se trouvent cette fois plus particulièrement sous les feux de la rampe, se détache de manière inattendue la figure de Daoud ibn Mahmoud, le séduisant chauffeur arabe du juge Dan Gutkin dont l'auteur nous avait raconté la mort, frappé par Gabriel Louria, son ami de toujours, lors des émeutes de l'été 36, en ce jour qui avait «coupé en deux le monde et le temps». Il prend ici toute sa stature dans le long monologue profond et pittoresque où il règle son compte à Mme Léa Himmelsach, conférencière et idéologue, trop heureuse de «monter sur les barricades» en faveur des Arabes du pays, nouveaux moujiks qu'elle entend faire passer «des ténèbres de l'ignorance à la lumière de la conscience de classe» - personnage irritant, ridicule souvent et pourtant pitoyable, dont les intentions, certes, sont louables mais dont Daoud, noble et «gentleman», ne pourra supporter les agissements non plus que sa tentative de séduction au clair de lune sous les auspices de Diane et de toute une mythologie romantique. Et de fait, dans la meilleure tradition mythologique, elle sera la déesse maléfique qui entraîne le héros vers la révolte et vers la mort. Cet enchaînement impitoyable donne parfois au roman une nuance d'âpreté, mais il est aussi plein de tendresse - celle de Berl, par exemple, l'époux de Léa Himmelsach, pour leur fille la charmante Nin-Gal, morte toute jeune, qu'il voit et dont il entend la voix dans une scène mystérieuse et mélancolique. Et il y a toujours présent, même dans les instants les plus pathétiques, l'humour si personnel de David Shahar - qu'il raconte les tribulations de Berl en Perse, flanqué de son ineffable interprète Badran Meshedi, ou les aventures de Léa Himmelsach menant une manifestation de chèvres ou mimant, pour le bénéfice de fellahim médusés, l'âge d'or d'après la Révolution. Le jour des fantômes, nouveau volet du Palais du vases brisés, est un livre pénétrant, lucide, et qui, s'il est souvent très drôle, n'en soulève pas moins des questions brûlantes concernant notre monde «ici et maintenant», un monde qui reste comme toujours chez David Shahar en résonance avec le mystère qui se devine au-delà des choses et par-delà les apparences.
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