"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
D'un taudis crasseux aux issues condamnées, un homme émerge, amnésique, d'un coma profond. Non loin de là, un étrange écrin d'or refait surface. Pour se l'accaparer, un prédateur aux traits angéliques déchaîne ses pulsions meurtrières et trahit son maître, l'un des mafieux les plus craints des Balkans. Les petites mains en disgrâce, le despote sort de l'ombre et gouverne. L'araignée des Balkans suinte le tragique, la mort, le jusqu'au-boutisme d'une criminalité totalement désinhibée. Un marécage dans lequel l'humain n'est rien d'autre qu'un détail immatériel au regard de contingences démesurées»
Noir, c’est noir ! L’espoir songe ou réalité.
Arcachon, 22 mai 2019, Hôtel Plein Océan, sinistre lieu, abandonné, délabré, que fait cet homme qui essaie de sauver sa peau ?
En lisant ce premier chapitre, j’ai retenu ma respiration, pincé le nez et le premier mot qui est venu à mon esprit est : cloportes. J’ai vu une armée de cloportes se repaître de la nécromasse qui fait leur festin.
Et la suite n’a pas démenti cette impression.
Un homme est dans le brouillard, seul dans cet hôtel, il est suffisamment aguerri pour savoir qu’il doit échapper à la mort.
« Une coquille vide. Voilà ce que je suis. Je ne me supporte pas moi-même. A bout de nerfs, je me redresse, renverse ma chaise et à coups de poing, pilonne les murs du bureau, laissant aux cloisons les traces de sang de mes mains meurtries. […] Je ne sais plus qui je suis. »
Il a été drogué et la dose pouvait être létale.
Pourquoi lui ?
Quelques jours plus tôt, un gang de trafiquants roumain a été démantelé, ils désossaient une Volvo immatriculée en Roumanie. Moldovan avait un sac à dos bourré jusqu’à la gueule d’objets tombés du camion ? Lors de la perquisition de son domicile, la brigade trouve un long écrin d’or avec des inscriptions religieuses, à l’intérieur un bâton quasi désintégré. Visiblement cet objet fait l’objet de toutes les convoitises.
La mafia roumaine œuvre.
Comme dans ses précédents opus Alain Roumagnac met en scène notre société malade et les multiples ramifications, celles qui ne sont connues et visibles que pour les hommes de l’art.
« Le rideau se lève. Les petites mains en disgrâce, le vieux lion sort de l’ombre. Les esquisses de scénarios détestables pointent leurs cornes et distillent le doute, plus profondément, plus insidieusement encore. Epiés nuit et jour par des vautours les toisant dans un ciel dont ils sont devenus les maîtres ? Une taupe qui les renseigne pour un peu d’argent ? »
Ce troisième volet condense les qualités des deux premiers, il creuse le sillon d’une société en décrépitude où certains trouvent des façons toutes personnelles de régler leurs comptes.
L’auteur dissèque avec talent le côté obscure.
Et il construit son livre comme une véritable aventure criminelle.
Il sait brouiller la chronologie pour entretenir le trouble.
Il enchâsse ses récits et fait référence à certains détails des précédents romans, mais si vous n’avez pas lu les précédents, cela ne perturbe pas votre lecture.
Le cœur de l’intrigue est nourri et d’une belle érudition, dont l’intérêt ne se dément pas.
Du côté des méchants, la scélératesse des personnages peut faire croire à une fatalité et une banalité des actes criminels.
Du côté des bons, la recherche classique des coupables n’est qu’un fil d’ariane, car même du côté de l’ordre, les hommes ne sont pas des robots.
Ils ont un vécu et en eux la vie a laissé une empreinte indélébile, que le métier ne peut effacer ou absorber comme un buvard le faisait pour l’encre.
Les scènes d’action sont superbes mais ne cachent en rien le scénario, l’écriture est là pour souligner le propos.
Les dialogues sonnent justes, et le lecteur voit les visages des protagonistes, comme s’il regardait un film noir.
Le côté visuel ne fait que renforcer le propos, entre la lumière d’un lieu et les exactions les plus sombres, tout est une question de dosage et de mise en lumière. C’est une qualité que l’auteur maîtrise.
La montée en puissance de l’intrigue fait penser à une flambée, elle vous envahit sans vous laisser le temps de reprendre votre souffle.
Cette course effrénée vous séduira, de l’action, une réalité glaçante, mais aussi beaucoup d’humanité.
Comme le démontre l’auteur : « Un homme ne vit pas courbé. »
Il ajoute qu’on ne pactise pas avec le diable et pour moi il n’est pas certain qu’Alain Roumagnac n’ait pas pactisé, à suivre dans le prochain.
©Chantal Lafon
https://jai2motsavousdire.wordpress.com/2022/03/18/laraignee-des-carpates/
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