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Lors que nous avions retraduit pour Bayard l'ensemble de la Bible, il y a quelques années, une des tâches avait été de se saisir de l'histoire des traductions en langue française. Dans ce continent de découvertes, deux textes pour moi émergeaient de l'ensemble, mais alors comme des météores, des explosions - les Psaumes, retraduits par Claudel dans une langue brûlante et folle, et l'Apocalypse, qui sous la main de Bossuet devient un poème en prose, lourd d'images qui se soulèvent lentement, se déploient et éclatent. Je relis ces deux textes régulièrement : on n'a pas tant, dans notre langue, de ces tentatives presque hallucinées qui se hissent au mystère, à la prophétie. Et quelle énigme que l'Apocalypse. Jean, l'exilé, dans un empire romain multipliant les persécutions à l'encontre de ses co-religionnaires, reprend les images et le flambeau des vieux prophètes, et l'amplifie encore. Voilà les cavaliers, l'hydre et les serpents, voilà la prostituée, les avertissements, les châtiments, les promesses et enfin la ville qu'on reconstruit, où plus jamais besoin de fermer les portes. Tout est brûlant, acéré, multiplié. C'est ce que Bossuet assume, depuis le vieux grec, en amont de la vulgate latine, pour en retrouver l'épaisseur, l'abrupt. Mais Bossuet bâtit une autre fondation souterraine : l'Apocalypse, un poème d'une centaine de pages. Ici, en voilà 450. Tout est commenté, mis en regard des textes des vieux prophètes, mais surtout de l'histoire de son église romaine, dans le contexte d'opposition protestante, et de l'histoire romaine.
Et là, c'est presque un roman que construit cette galaxie de textes, incluant un abrégé de l'histoire romaine, et une explication générale de ce que, lui Bossuet, lit dans l'Apocalypse - et une quasi enquête biographique sur Jean de Patmos, écrivain, visionnaire. Par rapport à l'édition originale, nous prenons la liberté d'un renversement : le livre original inclut à sa fin un "résumé" de la construction et des enjeux de l'Apocalypse. Un texte de Bossuet dur et dense. On le place ici en avant-lecture, pour y introduire, pour manifester la construction, l'architecture. Chacun des XXI chapitres, avertissements, prophéties, promesses, est suivi d'une "explication" séparée, reprenant les images du texte, ils constituent autant d'exégéses séparées. On donne enfin en appendice cet Abrégé de l'histoire romaine que Bossuet rédige pour accompagner sa traduction, et la longue préface originale, centrée sur les enjeux théologiques. Alors le numérique, on l'espère, magnifie ce qui est un des plus grands poèmes prophétiques de notre vieille civilisation, et en fait ici l'ébranlement de notre langue moderne. FB
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