"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
"Les mensonges laissent leurs traces sur nos histoires de vie, comme l'écume sur la mer. Lorsque Fabienne demande à ses quatre enfants d'accompagner le corps de leur père vers son dernier voyage, de Marseille à sa Corse natale, l'un d'eux n'est pas au rendez-vous. Peut-on en finir avec les tricheries de l'existence?? Comment se délester du poids du secret?? Un roman désarmant sur une famille corse, ses paradoxes, ses déchirures. Un livre inoubliable et universel sur la couleur des sentiments.
Psychologue clinicien, chroniqueur sur RTL et au Huffington Post, Joseph Agostini traque l'inconscient à travers ses différents essais littéraires et ses pièces de théâtre."
Je remercie François des éditions Envolume pour l’envoi du roman » La traversée des mensonges « de Joseph AGOSTINI paru en ce tout début d’année 2020.
Joseph AGOSTINI est psychologue clinicien, chroniqueur sur RTL et au Huffington Post. Il traque l’inconscient à travers ses différents essais littéraires et ses pièces de théâtre. Il est l’auteur de Dalida sur le divan, Gainsbourg sur le divan, Manuel d’un psy décomplexé et Manuel pour en finir avec la mort aux éditions Envolume.
La famille Santini se retrouve à la morgue de Marseille suite au décès de Claude, le père. Fabienne a une dernière faveur à demander à ses quatre grands enfants : accompagner le corps de leur père dans une ultime traversée vers Ajaccio. Mais en ces instants si propices à la solennité et au recueillement, ce voyage devient le terrain des règlements de comptes. Les langues se délient, comme trop longtemps contenues.
p. 11 : » Je m’appelle Thomas Santini, j’ai trente-six ans et je suis cardiologue à Bastia. J’ai deux enfants, Maé et Virginie, de respectivement trois et six ans. Je les ai eus avec une femme formidable, Chloé, gynécologue à Pietranera, à deux pas du centre-ville. Nous nous sommes connus pendant nos études, je suis resté avec elle dix-sept ans de ma vie. Et puis, un beau jour, je suis tombé amoureux de sa meilleure amie, Véronique. «
Or, voilà, quoi de plus embarrassant et de plus culpabilisant que de s’envoyer en l’air avec sa maîtresse lorsque l’on apprend le décès de son père ? A priori, pas grand chose, si ce n’est que ça n’est que la partie émergée de l’iceberg ! Lui qui a été si longtemps la fierté de ses parents, le fils prodigue, on peut dire qu’il a fait voler en éclats cette image !
p. 13 : » Véronique n’a plus voulu me revoir pendant six mois. Elle ne m’a donné aucune nouvelle. Pas un texto, rien. Je me disais qu’elle me tenait pour responsable de la mort de Jean-Christophe. Et j’avais fini par me persuader qu’elle avait raison. J’avais honte, je me sentais comme la dernière des merdes. «
C’est Nina qui retrouve en premier Fabienne et Thomas à la morgue.
p. 17 : » Je m’appelle Nina Santini, j’ai trente-trois ans, je suis professeure des écoles à Lyon, je roule en MiniCooper et j’écoute Chérie . La veille de la mort de mon père j’étais allée au théâtre avec ma femme Samira, voir La Cantatrice Chauve d’Eugène Ionesco. «
Lesbienne, mariée à Samira, arabe, philosophe et aveugle ! Il n’en fallait pas moins pour bousculer cette famille corse raciste et homophobe ! Mais cet éloignement n’a pas été sans conséquences…
p. 17 : » Les pensées de Nina s’enchaînent sans qu’elle puisse les arrêter, comme si elles étaient prises dans un nœud logique implacable. Elle prend conscience qu’elle a, tout au long de ces mois, donné tout pouvoir à Thomas, en lui laissant la mission de sauver leur père et ne doutant absolument pas de sa capacité à y parvenir ! «
C’est dans un état d’esprit empli d’une grande contrariété que la famille se résout finalement à prévenir Georges, l’aîné de la famille, parti vivre en Inde.
p. 33 : » – Tu as raison, murmure Fabienne. Préviens Georges, dis-lui de nous rejoindre. Moi, je n’ai pas la force de l’appeler. Quand on se fâche avec quelqu’un, c’est vrai qu’on ne va pas à ses obsèques. Mais quand ce quelqu’un est son père, c’est différent. Il faut qu’il vienne. Sinon, il risque de le regretter toute sa vie. «
Mis à la porte de la maison à l’âge de dix-sept ans par son père, Georges n’a cessé de revendiquer son appartenance au nationalisme corse.
p. 89 : » On avait tous un grain dans cette famille. Moi, le premier. Je ne m’en étais jamais caché. Le nationalisme, c’est quoi ? Juste un truc pour vous dire merde ! «
Le dernier a rejoindre la fratrie est Francescu, schizophrène.
p. 103 : » […] avoir eu un enfant schizophrène, ça n’a pas été simple. Ils ont dû être déçus. C’était même peut-être à cause de moi que mon père, il préférait les plantes. »
Alors, entre les dernières formalités administratives et l’embarquement pour cet ultime voyage avec leur père vers sa Corse natale, le lecteur assiste à des échanges particulièrement houleux. Entre le franc parlé de Nina, l’instabilité psychologique de Fabienne, la psychorigidité de Thomas qui éprouve le besoin de tout contrôler et l’imprévisibilité du fils schizophrène, on a là un cocktail explosif de retrouvailles familiales corses. Une vraie psychothérapie familiale!
Toute l’ingéniosité de Joseph AGOSTINI réside dans le fait que le lecteur se retrouve malgré lui propulsé dans ce huit-clos familial, sous haute tension. Impossible de ne pas se retrouver dans certaines scènes ou situations et cela prête franchement à sourire. Très rythmé par des dialogues percutants, presque théâtraux, l’auteur met en avant tout le paradoxe de l’entité familiale, capable du meilleur comme du pire.
» L’amour, c’est donner ce qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas. » Jacques LACAN
Crissures sur les vitres gercées de givre. Clairvoyant, subtil « La traversée des mensonges » est un huis-clos familial, relevé, intuitif. L’aérienne posture de la trame est un enchantement. Ciselée, maîtrisée, légère, elle rend grâce au lecteur. Affirme un auteur Joseph Agostini, digne d’un génie évident. Sans lourdeurs, lassitudes, l’histoire est une envolée polyphonique, unique. Pourtant, ce jeu des 7 familles est commun à beaucoup. Chacun (e) trouvera sa propre carte. Cette traversée des mensonges est un saut dans les flaques des non-dits. Des portes qui claquent sous un courant d’air vif. Des règlements de compte, et plus que tout, des protagonistes en proie aux névroses. Les verres volent en éclat. Cette fratrie dont la fierté est dans une contemporanéité de renom. « La traversée des mensonges » pointe du doigt là où ça fait mal. Ce nectar familial se déguste comme du petit lait. Joseph Agostini est doué, très. On ressent cette ampleur d’orfèvre qui se donne. Délivre des mots sur maux. Cette traversée des mensonges est calme et trompeuse. Nous sommes dans une histoire intime où les voix résonnent en nous. Le père, Claude décède. Détonateur d’une traversée existentielle. Cet homme au caractère bien trempé, un peu réactionnaire voire beaucoup, est intransigeant et dur. Sous cette paroi aride où se cache la forêt aux feuillages de tendresse. Il faudra attendre l’arrivée des petits-enfants, l’attrait d’un jardin nourricier pour découvrir sous les écorces, ce père corse, altier mais fissuré. Un père de tous les drames, emblème d’une Corse qui s’entredéchire, rude, aux mystères de plénitude. Dans la famille je demande la mère, Fabienne. Névrosée, au passé lourd d’un drame accouché de l’enfance, caricature d’une femme en proie aux angoisses, perdue. Elle aura toute sa vie durant essayé de raccommoder les trous dans la nappe du faux-semblant. Peine perdue. Les enfants ne sont plus. Adultes devenus, affirmés, cabossés. Portant sur leurs dos les affres d’une éducation rigide. Eaux troubles d’une traversée ultime. Les vérités vont éclater. L’enfance a disparu. La mère n’a plus de prise. Et, c’est là, le drame de toutes vies. La séparation avec la matrice, avec ce générationnel bafoué qui ne sera jamais le sceau d’une glorieuse famille. On reste accroché à la rive de ce sublime récit. De ce fils Georges, fil rouge de l’histoire. Mon préféré. Invisible sur le bateau. Fantôme présent, avocat à la ville, le mouton noir des Santini. « Pendant mes études de droit à Corte, j’ai hébergé des fugitifs, ceux que vous appelez les terroristes, en oubliant que le terrorisme, le vrai, c’est celui de cet Etat français qui vole, qui meurtrit. Car en famille ou en politique, il n’y a pas plus grand crime que le paradoxe. Mettre sous perfusion une île et la traiter d’assistée dans un même mouvement. » On cherche Georges dans notre moi le plus profond. « La traversée des mensonges » éloigne les mirages, approuve l’adversité. Ce kaléidoscope d’une fratrie corse dans son apogée est une fine analyse psychologique, où persiste les flots des rancoeurs. Le déni d’une enfance castratrice, les douleurs assassines, le lâcher-prise avec les souvenirs heureux qui font que le pardon ne peut advenir. « La traversée des mensonges » est un antidote, son pouvoir est immense. D’un réalisme fou, il est une histoire pour les grandes personnes. Et c’est là le magnifié d’un voyage qui emporte tout sur son passage. Il incite à l’ouverture et donne les clefs. Publié par les majeures Editions Envolume, ce premier roman d’un maître des essais : (« Dalida sur le divan », « Gainsbourg sur le divan » et « Manuel d’un psy pour en finir avec la mort », psychologue clinicien et chroniqueur sur RTL et au Huffington Post, nous offre une belle leçon de vie.
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