« Dans ma mémoire il y a un trou à cet endroit, une pièce noire, un néant creusé par une année d'agonie. Quelque chose dans mon histoire est resté figé là, sur le bord de la route ; mais pour la première fois depuis des mois, je me sentis apaisé, comme si le monde marquait enfin une vraie pause. Ce vécu m'a amené à ressentir une incapacité complète à être vraiment heureux ou malheureux. Depuis cette aventure, donc depuis des années, qu'il pleuve ou qu'il vente, je me tiens immobile comme une pierre. En restant le témoin d'une vie qui défilait sous mes yeux comme un long fleuve tranquille, j'ai tiré un trait sur le temps et le monde, afin d'oublier ma propre existence, pour transcender la réalité elle-même. Ce qui m'effraie, je l'avoue, c'est que je suis encore jeune, et parfois, il me semble que ma vraie vie n'a pas encore débuté, ou bien qu'elle est déjà terminée. » Un retour aux sources de l'auteur, pour cette expédition dans le monde de la maladie. À travers ce récit, il nous emmène avec lui dans sa treizième année de vie ; une année qui va lui dérober son innocence.
L'auteur a treize ans quand un coup de massue s'abat sur son crâne. Son père est malade, atteint d'un cancer des poumons. Sa vie et celle de ses proches ne sera plus jamais la même...
C'est un roman profond qui témoigne de l'affection d'un fils pour son père disparu trop tôt, emporté par la maladie. Baptiste Chapuis nous raconte avec beaucoup de simplicité les épreuves qui ont été les siennes, au cours de ces années, et ce qu'il en a retenu.
On est touché par ces mots aussi forts que pudiques, terrifiants, sages, qui résonnent et font sens. Comment dire l'inacceptable ? Baptiste exprime les étapes d'un traumatisme qui s'installe, remplace la routine d'un quotidien douillet, confortable. Il raconte comment "le crabe", bouleverse tout sur son passage, modifie le temps, les liens, les projets. À travers son témoignage, émane une infinie tendresse, une lucidité sensible.
L'écriture est sincère, lettrée, à fleur de peau. On aime le ton de la confession, la retenue, l'intensité de ce qu'il nous partage. Nous devenons les témoins impuissants de ce déclin, les gardiens de cette mémoire qui va rester présente après le grand départ.
Baptiste Chapuis avec ce roman, déclare tout l'amour d'un fils à son père qui veut se rappeler les moments de partage, l'identité au-delà de la douleur, des ravages de la maladie. Son cœur saigne, s'exprime volontairement sans mesure, avec cérémonie et nous l'écoutons de manière intime et durable...
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