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Poser la question de la justice distributive que contient la formule unicuique suum - à chacun le sien - peut sembler surprenant en ce début de XXIe siècle où l'on a formé l'opinion à attendre une égalité arithmétique, sans aspérité. Suite à la crise financière et économique, les souhaits égalitaires se sont exacerbés avec une réalité devenue toute autre et des répartitions qui résonnent des écarts creusés par les démesures.
Or ces différences ont éveillé des polémiques, on a pu entrevoir les pressions pour que soit aboli par le législateur tout ce qui ne peut pas être partagé également entre tous, étrangement devenu injuste. C'est ici le syndrome victorieux du katwblebas, cet animal fabuleux des bestiaires anciens qui toujours regarde vers le bas, c'est-à-dire vers le trop peu. En France et ailleurs, on a pu remarquer à travers l'histoire combien les injustices ressenties par beaucoup peuvent entraîner des solutions idéologiques ou globales aux difficultés qui chahutent bien souvent les religions et les Etats, dans leurs autonomies respectives situées entre charité et ordre juste.
Ces tentatives de réponses disent les crises de la conscience et du droit qui s'inscrivent dans un long passé et nécessitent un retour aux sources. Depuis l'Antiquité grecque, on s'interroge sur la notion de justice et ses nombreuses voies de répartition ; nous le savons, la justice distributive aristotélicienne devait marquer l'énumération des préceptes du droit selon Rome,ars boni et aequi. Puis se trouve la part des sources sacrées et des traditions religieuses, c'est - entre autres - le verset du Livre d'Amos : "Mais que le droit jaillisse comme une source ; la justice, comme un torrent qui ne tarit jamais !" (Am 5,24), c'est aussi l'expression paulinienne : "Car il s'agit, non de vous exposer à la détresse pour soulager les autres, mais de suivre une règle d'égalité" (2 Cor 8, 13-14).
Au cours des siècles, dans un dialogue toujours entretenu avec les théologiens, les juristes ont discuté l'idée de proportion, ils ont cherché le juste, et cette réflexion se poursuit aujourd'hui. Elle montre les proximités et les confusions établies entre justice et égalité, et au-delà entre injustice et inégalité. Il y a ici une invitation à continuer le débat, invitation incessante à renouveler à temps et à contretemps.
On peut rappeler la lettre adressée à Michel Villey depuis l'île d'Arz, c'était a la fin de l'été 1981 : "Non, cher ami, cela n'a plus cours. Le droit est l'art de savoir les textes et de les appliquer, de les accommoder à notre intérêt... chercher "le juste" serait trop fatigant ! Vous exigez trop...
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