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Convoquant les souvenirs d'une famille des débuts des années 80 en Afrique subsaharienne, Charline Effah évoque le destin tragique d'une fratrie morcelée, prisonnière de la domination de la mère qui régule tout : les choix, les sentiments et les pensées.
L'auteure interroge les politiques subsahariennes, les mouvements propagandistes, les vents démocratiques des années 90, la famille, l'ambition, l'amour.
La question du rôle des figures féminines dans les mouvements politiques est au coeur du roman à travers le portrait d'une femme dans une écriture résolument introspective et poétique.
À propos de N'être, précédent roman de Charline Effah édité à La Cheminante, Alain Mabanckou écrivait déjà à propos de Charline Effah : « une écriture au souffle intemporel, habitée par la grâce ».
Dans la République Démocratique de Nlam, Le Grand Camarade, un des nombreux noms par lequel on désigne le chef de l'État, est au pouvoir depuis plusieurs années déjà. Il a pu compter sur le soutien de Pilar, cheftaine des Lewai dancers, groupe de danseuses chargées d'assurer sa propagande.
Si Pilar est, entre autres, l'une des maîtresses du Grand Camarade, elle rêve cependant d'amour et désire fonder une famille avec un homme qui ne serait qu'à elle seule.
Quand elle rencontre Salomon, un anarchiste un peu perdu et en quête de reconnaissance, elle lui promet la gloire en échange d'un mariage. Mais Le Grand Camarade n'est pas prêt à laisser partir Pilar roucouler tranquillement dans les bras de Salomon. Des arrangements sont donc proposés au couple s'ils souhaitent garder leur niveau social et se maintenir en vie au point de briser l'armure familiale, réinventer les rôles, faire sombrer mari, femme et fils dans des compromis honteux jusqu'au drame.
Bien que ce soit le troisième roman de Charline Effah, je découvre cette auteure et quelle surprise ! Une écriture gracieuse et riche, un style précis et poétique.
Bref, de quoi en réconcilier plus d'un avec la littérature contemporaine !
Petite précision supplémentaire, et non des moindres, la couverture du livre, réalisée par l'artiste Fred Ebami, est particulièrement dynamique et représentative du roman.
Ce roman nous plonge au coeur d'une famille subsaharienne dans les années 80.
Paterne, le narrateur, s'adresse à ses parents, et plus particulièrement à sa mère Pilar qu'il dénonce et tient pour responsable de sa tragédie, malgré une certaine loyauté.
Dans la République Démocratique de Nlam, le Grand Camarade est le surnom donné au chef de l'état. Pilar, une des maîtresses du Grand Camarade est une femme dominatrice et responsable des Lewai dancers, un groupe de danseuses dont l'objectif est d'assurer la propagande lors de manifestations.
Lasse de ne pouvoir fonder sa propre famille, elle rencontre Salomon, membre contestataire du régime en place. Elle lui promet son soutien dans sa quête de reconnaissance en échange d'un mariage. de cette union d'arrangement naîtra un fils : Paterne.
"Pardonne-moi si je te heurte. L'éducation que j'ai reçue de toi m'a enseigné que l'enfant n'ouvre pas la bouche sur les hontes de ses parents. Et longtemps je me suis tu, pendant que tu outrageais l'honneur de notre famille. Peut-être n'étais-je que trop jeune pour comprendre qu'on regarde les mères avec les yeux de l'amour et que les yeux de l'amour transforment les vices, contournent les abîmes, et que c'est grâce à ce déni que nous parvenions tous à idéaliser, bonnes ou mauvaises, responsables ou déloyales, aimantes ou indélicates, bienveillantes ou castratrices, toutes les mères du monde."
Mais l'ambition, la haine, les secrets, la jalousie et les trahisons vont finalement être le terreau du processus d'auto-destruction de cette famille.
"On se dit que le coeur d'un enfant ne possède aucune once de haine. On l'imagine, ce coeur, éclatant d'amour et de candeur, débordant d'altruisme, dénué de mal. Mais il arrive que la haine et la méchanceté poussent quand on sait s'y prendre pour les planter, quand on les arrose régulièrement et qu'elles prennent racine, telles des mauvaises herbes, étouffant toute la pureté des bons sentiments."
Charline Effah met l'accent dans ce roman sur le rôle et le pouvoir officieux et implicite des femmes dans la vie politique africaine, mais également sur l'aspect fragile de la démocratie et de la liberté, si difficilement acquises.
"La liberté, quand elle nous saisit, est semblable à un incendie qui brûle tout : autour de nous et au-dedans de nous, c'est-à-dire les craintes, les renoncements, les résiliences, les scrupules et toute la sagesse du monde. Si l'on aspire à la liberté, c'est que l'on doit se préparer à voir son monde partir en flammes pour, peut-être, renaître de ses cendres."
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