"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Minga, la narratrice, a 8 ans, quand sa mère fuit le domicile conjugal pour ne pas mourir sous les coups de son mari, pour ne pas mourir de désespoir; elle ne la reverra plus. Minga a soutenu sa mère lors de sa fuite et ne lui en a jamais voulu. quarante ans après, à la mort de son père, elle trouve des lettres de sa mère qui lui sont adressées et que son père a cachées. Elle part en Ouganda, dans le camp de Bidibidi, là où travaillait comme infirmière pour une ONG et où elle a disparu pour tenter de comprendre et de donner un sens à ces quarante ans d'absence.
Ce roman est centré autour de trois personnages féminins, très différentes les unes des autres mais dont les points communs sont les rêves fracassés et les corps détruits : Véronika, Jane et Rose mais qui espère encore un avenir meilleur. Véronika, vit dans le camp depuis sa création en 2016, avec son mari et ses deux fils; elle ne supporte plus son corps vieillissant, ménopausé, sans désir mais qui la protège de l'avidité des hommes. Jane a vendu le sien pour quelques pièces pour partir à la recherche de son fils dont elle a perdu la trace après un bombardement. Rose a vu les siens massacrés lors de la guerre civile, elle a été violée et a dû prendre une décision dramatique qui l'a détruite.
Le camp de Bidibidi existe réellement, l'auteure s'y est d'ailleurs rendue; il se situe au nord de l'Ouganda, à quelques kilomètres de la frontière du Sud Soudan; il a été crée en 2016 pour accueillir les réfugiés qui fuyaient la guerre civile après avoir survécu à la guerre d'indépendance. Il compte environ 300 000 personnes dont environ 70% sont des femmes et des enfants. Même si le roman nous donne à voir l'organisation sociale du camp avec sa violence, ses tensions, sa misère, ce n'est pas le propos principal.
Ce roman est un hommage à toutes les femmes qui subissent des violences, qu'elles soient dans l'intimité du couple ou de la famille ou lors des guerres dont elles sont les premières victimes, saccager le corps des femmes, c'est saccager un peuple, l'avilir. Hommage au courage, à la résilience de celles qui se relèvent, qui se battent pour se reconstruire. Hommage à la sororité de celles qui partagent le même sort et trouvent réconfort entre elles.
C'est un roman poignant, fort dont l'auteure rejoint ces écrivaines africaines comme Mariama Bâ, Hemley Boum ou Djaïli Amadou Amal, entre autres, qui savent si bien nous faire prendre conscience de la réalité des femmes africaines. Qu'elles en soient remerciées.
Une fois commencé ce livre, impossible de le lâcher. Les personnages sont tellement touchants et le mystère plane jusqu’aux dernières pages. On a envie de connaître l’histoire de Minga et surtout de sa mère, Joséphine liée au destin tragique de Rose.
Le roman s’ouvre à Paris. Minga est petite. On découvre le quotidien de ses parents, Emile et Joséphine Meyer, partis du Gabon pour la France. Emile est un artiste déchu et un mari violent. Il vit dans les traditions basées sur le patriarcat et ne comprend pas le désir de liberté de sa femme. Joséphine ne supporte plus les coups et s’enfuit, laissant sa fille avec son mari. A la mort d’Emile, Minga part à la recherche de sa mère, pour comprendre qui elle est et avancer dans sa vie. Elle entreprend alors le voyage de Paris vers le camp de Bidibidi au nord de l’Ouganda, où sa mère a été infirmière. Elle y aidait des femmes comme Jane, Veronika et Rose. Des femmes ayant fui les guerres civiles et les violences des hommes. Toutes sont marquées à vie, dans leur corps et leur esprit, et essayent de se reconstruire dans ce camp. Minga rencontre Jane et Veronika au sein du camp. Elle découvre leur histoire et celle de Rose liée à celle de sa mère. Le récit n’est pas linéaire. Il est parfois entrecoupé de lettres qui apportent une respiration dans la narration.
Le lecteur est embarqué dans la quête de Minga, dans l’histoire du Soudan qu’on méconnaît et dans les vies de ces femmes résilientes. Tout n’est pas noir, au contraire, il s’agit d’un roman lumineux. Les femmes font preuve d’un courage et d’une force pour aller de l’avant. Elles ont toute un rêve ou un objectif. Une belle leçon d’optimisme !
L’écriture est fluide et belle. Charline Effah réussit à écrire sur les silences et les non-dits. Une phrase introductive annonce qu’il s’agit d’une œuvre de fiction. L’autrice s’est rendue au camp de Bidibidi, quelques heures, pour le visiter. Les lieux sont réels mais tout le reste est inventé. Pas de manichéisme dans ce livre, chaque personnage a ses fêlures. A travers ce roman, on comprend malheureusement que les violences conjugales sont un thème universel, que l’on soit en France ou en Afrique.
J’ai pensé aux romans de Djaïli Amadou Amal publiés également aux éditions Emmanuelle Collas avec ces portraits de femmes violentées dans une autre partie de l’Afrique.
Un roman engagé et puissant que je vous recommande, un coup de cœur !
Merci Emmanuelle Collas et VLEEL pour cette lecture
Si ce récit est une œuvre de fiction, le camp de Bidibidi est bien une réalité. Deuxième plus grand camp de réfugiés au monde, il se situe en Ouganda et accueille les réfugiés victimes des guerres tribales au Soudan.
Véritable ville de plus de 200 000 habitants, il y règne la misère, et une menace permanente pour les femmes qui arrivent déjà souvent meurtries dans leur corps sur le chemin de l’exil.
C’est dans ce camp que Minga, française, la cinquantaine, se rend un jour pour tenter de retrouver enfin la trace de sa mère. Cette mère qui une nuit a quitté le domicile familial parisien lasse de prendre coup sur coup de la part de son mari et bien décidée à exercer son métier d’infirmière loin de cet homme violent. Minga n’a alors que 8 ans.
Charline Effah dit la violence faite aux femmes par des hommes qui les considèrent encore comme leur propriété au 21ème siècle ou comme des trophées de guerre. Elle met sur les maux de ces femmes, les vrais mots dans toute leur simplicité et leur horreur. Et c’est insupportable.
Mais elle raconte aussi comment ensemble elles parviennent à se reconstruire, tout doucement.
Minga va au devant de ces femmes avec maladresse et gêne, les écoutent, et comprend par bribes et par le biais de lettres qui fut cette mère absente.
Son histoire personnelle et celles de ces femmes du camp s’entrecroisent, se percutent dans un témoignage bouleversant. A lire absolument !
Parce qu’elles connaissent leurs faiblesses, qu’elles se savent vulnérables dans un monde où l’homme a tous les pouvoirs, parce qu’elles savent ce qu’est souffrir dans son corps et dans son âme, les femmes humiliées, battues, violées se reconnaissent au premier regard.
Joséphine, venue du Gabon, a eu le malheur d’épouser un homme alcoolique et violent, et il lui a fallu beaucoup de force pour décider de quitter son appartement du 18ème arrondissement pour lui échapper, abandonnant sa fille de 8 ans Minga, qui raconte aujourd’hui son histoire.
Retrouvant, à la mort de son père, des lettres qui lui étaient destinées, Minga décide de suivre le parcours de sa mère qui, en disparaissant il y a 40 ans, a repris son métier d’infirmière dans l’humanitaire au sein d’une ONG.
Et c’est dans l’immense camp de réfugiés de Bidibidi en Ouganda qu’elle retrouve sa trace, croisant la route de nombreuses femmes malmenées qui ont, pour la plupart, fui les massacres ethniques de la guerre civile du Soudan du Sud.
Ce roman déchirant est un plaidoyer pour toutes ces femmes « pleines d’échardes ». Il nous parle de leur force de caractère, de leur capacité de résilience et du feu de la haine qui brûle en elles. Et comme Joséphine a pansé ses plaies en aidant les autres, Rose, Jeanne et Veronika, trois femmes du Village 10, vont puiser dans la solidarité féminine, l’énergie qui leur permettra de survivre.
Charline Effah nous plonge dans leur douleur et nous fait partager leurs combats quotidiens, en commençant par le simple droit d’exister en tant qu’êtres humains à part entière et non comme de simples objets appartenant aux hommes.
Chaque jour, dans le monde, la domination masculine fait souffrir les femmes et chaque jour de nouveaux féminicides viennent entacher nos sociétés. Lire et faire lire Les femmes de Bidibidi c’est mesurer la dimension universelle de cette catastrophe humaine et humanitaire pour ne plus accepter l’inacceptable.
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