"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
En vingt ans de temps de poème à Lannion, quinze à Saint-Malo et cinq à Achères, j'ai toujours gardé le désir d'interroger, à la façon du commissaire Maigret quand il veut à tout prix comprendre l'assassin qu'il va arrêter. Je veux comprendre d'où vient le courage de Boualem Sansal d'affronter à la fois les islamistes et un pouvoir algérien totalement corrompu. D'où vient le nom de Claude Vigée - vie, j'ai - qu'il a pris pour viatique lors de son entrée dans la résistance en 1939. D'où vient le sourire d'Azouz Begag qu'assombrit parfois une goutte de mélancolie. D'où vient la capacité de Seyhmus Dagtekin et de Björn Larsson à changer de langue comme on change de cheval au poste frontière. D'où vient la paix qui se dégage de la violence des poèmes de Bernard Noël. D'où viennent la voix chaude du Peul Souleymane Diamanka et celles envoûtantes de Benat Achiary, de Yann-Fanch Kemener et de Maram al Masri. D'où vient notre sentiment d'être en lévitation quand nous écoutons, à fleur de peau, circuler le souffle fragile de François Cheng au milieu du vide. D'où vient que nous sommes blessés par la détresse du grand journaliste que fut Gilles Courtemanche et dont le livre Un dimanche au bord de la piscine de Kigali a fait le tour du monde.
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