"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
"Enfant, lorsqu'il était en vie, il se couchait dans l'herbe, le soir, pour observer le ciel. Aujourd'hui, depuis son carré d'herbe étanche à la lumière, il a beau plisser les yeux, il ne peut plus rien voir." Jusqu'il y a peu, Alexis était vivant. A présent, il ne sait plus. Il perçoit encore la vie alentour, le bruissement des feuilles, le pas des visiteurs, et celui, sautillant, de sa petite soeur qui vient le visiter en cachette.
Il se sent plutôt bien, mais que fait-il là ? Il ne sait plus. Ses proches n'y comprennent rien non plus. Quel est le mystère d'Alexis ? Qu'a-t-il voulu cacher à en mourir ?
Caroline Valentiny explore le clair-obscur de l'existence dans un premier roman d'une subtilité et d'une douceur impressionnantes.
Une lecture douce et belle sur le thème de la disparition d'un être cher et tous les sous-thèmes autour, deuil, suicide, reconstruction. Le roman n'est pas larmoyant, tout juste teinté de tristesse compte tenu du sujet, d'autant plus qu'il concerne, Alexis, un jeune homme de 20 ans, heureux en apparence.
On oscille un peu sur le fantastique car Alexis depuis sa sépulture reste connecté au monde des vivants ressentant les bruits, les sensations et les émotions des proches qui passent par le cimetière. Le mystère de sa présence sous terre dans ce cadre spatio-temporel singulier demeure un mystère. Le livre dévoile au fur et à mesure la courte vie d'Alexis et notamment ces derniers instants sur terre.
L'un des grands intérêts du livre réside dans la gestion de sa disparition par son entourage, sa mère qui ne peut se résoudre à sa disparition et qui cherche à comprendre son geste, son père qui se réfugie dans un surcroît et qui compense l'absence dans le foyer de sa femme, sa petite soeur de 5 ans qui vient régulièrement sur sa tombe lui parler.
J'ai beaucoup aimé le mécanisme pour tenter d'expliquer le geste d'Alexis, ce qui l'a poussé à vouloir arrêter son existence si jeune. Les explications sont souvent plus complexes et intérieures qu'on ne le croit. C'est pour cela que l'entourage ne comprend pas toujours, en quête d'une rationalité qui n'est pas évidente.
Il m'a toutefois manqué un peu de rythme mais aussi que le roman soit poussé un peu plus loin dans le processus d'explication et de reconstruction des personnages. On reste avec des questions sans réponse, ce qui pouvait s'avérer intéressant pour ce type sujet.
La lecture reste toutefois de bonne qualité, fluide et agréable.
Alexis avait vingt ans et était étudiant. Il avait toute la vie devant lui, et pourtant il s’est suicidé. Tandis que sa petite sœur de cinq ans vient lui rendre visite en cachette au cimetière, sur cette tombe où sa présence s’attarde, sa mère rongée par la culpabilité ne parvient pas à se détacher de ses questionnements obsessionnels et sans réponse.
Il est terrible de constater comment l’on peut parfois passer à côté des ressentis intimes de ses proches et ne pas s’apercevoir qu’ils vont mal. Avec tout son amour de mère et malgré sa quête désespérée d’explications, Madeleine ne saisira pas ce que l’auteur nous donnera discrètement à comprendre. Car le récit, pétri d’une pudeur infinie, ne procède que par suggestions, développant avec délicatesse le cheminement psychologique de ses personnages. Le résultat est incroyablement léger étant donnée la morbidité du sujet, le lecteur baignant dans une sorte de tristesse un peu détachée, poétique même, que jamais une larme ne vient brouiller.
Les personnages sonnent toujours juste et s’avèrent étonnamment crédibles. Jamais le texte ne juge ni ne commente, l’auteur ne s’attachant qu’à donner à comprendre un processus que les parties prenantes ne peuvent et ne pourront appréhender. Le lecteur y acquiert presque le regard d’un thérapeute, seul capable du recul nécessaire pour percevoir et assembler les indices, réduit à un rôle de témoin compréhensif et bienveillant, même si totalement impuissant.
Et puis après tant de pages passées à se frôler sans véritablement se comprendre malgré quelques intuitions fugitives et un amour tâtonnant mais omniprésent, chacun va devoir poursuivre sa route au final bien solitaire, trouvant comme il peut la résilience au bout du douloureux et très personnel travail de deuil.
Ce premier roman s’avère un bien joli texte, tout en pudeur et poésie pour un sujet pourtant on ne peut plus macabre. Il aura néanmoins eu sur moi un effet probablement un petit peu trop distanciant, conférant à mon regard un côté presque clinique qui, s’il a contribué à alléger cette lecture, en a aussi peut-être imperceptiblement gâché l’émotion.
Chronique issue de : https://hanaebookreviews.wordpress.com/2020/03/16/il-fait-bleu-sous-les-tombes-caroline-valentiny/
Il fait bleu sous les tombes. Lu après Azur noir, ce titre tombait à pic. Il m’évoquait l’instant crépusculaire dont la clarté variable mystifie le quotidien. L’incandescence m’évoque l’espoir de tous les possibles, le bleu sans précision présage l’assombrissement progressif. Le soleil embrasse l’horizon, une encre ternit le ciel et le sol continue d’être éclairé ; comme un azur sous nos pieds, un ciel souterrain, une vie sous les tombes.
Aube ou crépuscule du soir, instant suspendu entre le jour et la nuit, le crépuscule annonce la mort d’une période et l’éclosion d’une autre.
Dès lors, le « bleu sous les tombes » aurait-il quelque chose de glaçant, de mystique … de fantastique ?
Malgré l’évocation du suicide, du deuil et des profondeurs de la tombe, l’histoire n’est pas morbide. Mimant cet instant où le soleil diffuse sa lumière dans la haute atmosphère, l’écriture délicate de Caroline Valentiny instille une légèreté qui apaise le lecteur et lui fait prendre de la hauteur. Rien de macabre donc même si j’ai quelquefois trouvé l’atmosphère un brin glaçante et perturbante.
A 20 ans, Alexis s’est suicidé en sautant d’un pont.
« Jusqu’il y a peu, [il] était vivant. A présent, il ne sait plus. ». Il ressent la Vie depuis sa tombe : le roulement des graviers, la terre fraîche qui absorbe la pluie, le silence, le bruit, les paroles de ceux qui viennent se recueillir ou le pas sautillant de sa sœur qui quitte la maternelle pour le rejoindre.
Coincé entre deux mondes, il s’interroge sur ce qu’il s’est passé. Tout le monde s’interroge ; lui, ses proches, et le lecteur.
Sa mère ne digère pas le deuil. Elle s’éloigne de sa vie, se désintéresse de sa famille et part sur les traces de son fils, jusqu’au pont où il se serait suicidé.
Elle culpabilise de ne rien avoir vu et refuse l’hypothèse du suicide.
L’alternance des points de vue nous fait ressentir tous les aspects du deuil.
La mère qui le refuse et qui s’effondre, la petite amie qui s’enfonce dans le silence, le père qui s’accroche à la vie et au concret et la petite sœur, sensible, gaie, étonnement plus éveillée que les adultes.
Si les pensées des vivants sont révélées, la connaissance de celles du défunt donne son originalité au récit. L’organique se dégrade mais la pensée persiste. Immergé dans un monde sensoriel très éloigné du monde des vivants, le lecteur escorte Alexis.
Comme un fantôme, il navigue entre les souvenirs diffus du défunt et la mise en lumière de sa mère qui reconstitue les faits passés. C’est en croisant ces deux récits qu’il lève le voile sur les circonstances de sa mort.
Inquiétude face à l’évolution du monde, résilience, universalité du deuil et singularité des réactions face à la mort ; Caroline Valentiny maîtrise ses sujets avec la finesse de ceux qui les ont incarnés au sens étymologique du terme (ressentir dans sa chair). Psychologue, elle a déjà publié Voyage au bord du vide où elle raconte le retour du bonheur après 10 ans de dépression où s’enchainent crises d’angoisse, anorexie et automutilation.
Il fait bleu sous les tombes reste un récit doux, sensible et élégant. Une belle leçon de vie malgré l’évocation de la mort.
Car qu’est-il de plus certain que le retour de l’aube après le bleu de la nuit ?
« Alexis jouait à cache-cache avec les nuages. Il se perdait dans une goutte d’eau. S’endormait dans le rebord de la lune. Remuait la terre. Fouillait le ciel. Regardait sous la rosée, sous la peau des feuilles, sous la peau des filles. Dans l’échancrure des plaines. Dans les rémiges des oiseaux. Rien. Rien sur la croûte du monde et rien sous l’écho des falaises. Rien sous la voie lactée. Pas un cri, pas un chant, pas un murmure. Un néant à énerver même mes morts les plus placides.
Il en avait marre à la fin. Plutôt mourir que de vivre à moitié mort. Ha ha ha. Alexis trouvait son jeu de mots assez rigolo. Personne pour le partager cependant. Ses deux voisins s’étaient fait la malle. Plus un souffle dans les tombes d’à côté. Plus un brin de présence. Tracé plat. Ils étaient partis. Où ça, pas sûr. Dans le néant énervant. Au pays des ossements. Dans le paradis blanc. Et lui, laissé pour vivant sous la terre. Oublié des dieux. Misère. »
https://leslivresdejoelle.blogspot.com/2020/02/il-fait-bleu-sous-les-tombes-de.html
Alexis est mort depuis quelques semaines. Prisonnier dans sa tombe, il perçoit les bruits autour de lui, le bruissement des feuilles, le pas des visiteurs qui viennent se recueillir sur sa tombe, son père, sa mère, son petite amie et sa petite sœur qui fait l'école buissonnière pour venir le visiter en cachette. Il ne comprend pas comment il s'est retrouvé là, il ne se souvient de rien... Sa famille est aussi dans l'incompréhension car Alexis s'est jeté d'un pont... Alexis, étudiant de 20 ans, se serait donc suicidé sans laisser un mot d'explication.
L'auteure va nous raconter les pensées d'Alexis et le parcours de sa famille, en particulier de sa mère Madeleine qui après avoir fait " le vide de la chambre de son fils... qui la happe comme un trou d'air ", se réfugie dans une "bulle intérieure" dans laquelle Alexis l'appelle. Elle erre dans la maison, en oublie Noémie, sa fille de cinq ans, et se reproche de ne pas avoir su protéger son enfant. " Que n'avait-elle pas vu ? Que s'était-elle interdit de voir ?".
Madeleine va se souvenir de moments importants de leur vie et surtout de sa grossesse. Elle va éprouver le besoin irrépressible de mettre ses pas dans les traces d'Alexis, de retourner où le jeune homme a passé ses dernières journées à la recherche d'une réponse. "Pour les mères qui n'ont plus de fils, il n'y a pas de mot". Pendant ce temps là le père essaye de maintenir la famille à flots comme il le peut.
Alexis, quant à lui, se sent devenu "un poids sourd dans le ventre de la terre" dans une immense nuit, il attend un ange qui ne vient pas. En effet Alexis est coincé entre deux mondes car il ne comprend pas ce qui lui est arrivé.
Ce récit est essentiellement centré sur Madeleine et sa bouleversante quête. A travers les souvenirs de sa mère la personnalité d'Alexis se dessine peu à peu avec ses fragilités, son idéalisme, sa démesure... "un esprit de cristal". J'ai aimé les liens que fait l'auteure entre la naissance et la mort, j'ai aimé la façon dont elle explore le passage de la vie à la mort et les différentes façons de vivre un deuil à travers les réactions complètement opposées de l'entourage d'Alexis, j'ai aimé la belle innocence de Noémie et son regard d'enfant sur la mort. J'ai aimé la façon dont l'auteure explore l'infinité d'émotions qu'elle prête à ses personnages tous très attachants.
Caroline Valentiny, psychologue de métier, nous livre un premier roman très réussi, un roman intimiste d'une grande justesse et d'une infinie douceur. Un roman très lumineux malgré son thème très sombre. Un récit délicat, doux et subtil au rythme lent dont on ressort étonnamment apaisé.
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