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Le 4e épisode de la série « Tout un Peuple » Quand on est en troisième, décembre, c'est le mois du stage en entreprise. Hristo n'a rien trouvé et reste au collège. Lucie est au Parlement européen, sa mère y a ses entrées, d'autres sont au supermarché du quartier. Aymen traverse la zone du chantier pour se rendre à la pharmacie qui l'accueille, comme il le fait tous les matins pour aller au collège. S'y croisent dès l'aube les ouvriers et les livreurs qui déboulent de tous côtés au volant de leurs camions, des intérimaires égarés et les derniers fêtards de la nuit. En chemin, il songe aux autres, les filles et garçons de sa classe : Vasil, tout frêle, qui travaille déjà sur les chantiers, Laurane et sa fragilité, et Fatima qui rêve de vivre dans la forêt, au pays d'Aliouché, une promesse de beauté, un luxe, une échappatoire à la brutalité de la ville. Bravant une pluie soudaine et diluvienne, rêvant d'ailleurs, il poursuit son chemin, résolu, entre les trottoirs défoncés. Dans ce 4e épisode, Patrice Luchet poursuit son exploration du monde de l'adolescence autour de la figure d'Aymen, portant, dans cette nouvelle, son attention sur l'environnement périurbain dans lequel évoluent ses personnages. Une zone grise à la périphérie de la ville, un monde vide de paysage, qui exprime la mise au ban de celles et ceux qui l'habitent.
Ce fragment de Patrice Luchet est un kaléidoscope dans le sac d'un élève de troisième. Son double en lumière, le rythme de ses pas entre l’aube et son ombre et le soleil couchant dans son orée crépusculaire.
Rien n’est oublié ni effacé, tout est inscrit. C’est une mise en abîme d’une réalité à la minute même.
Les collégiens de troisième, le mythique stage, l’instantané de l’expérience. Le copier-coller des diktats sociétaux. Les parents et leurs espoirs, les enfants (puisque ils ne sont que des gosses) avec leurs rêves et les désillusions. Le saut dans l’inconnu. Dans le froid du petit matin où s’activent déjà les ouvriers, les néons comme des flèches de direction, ils avancent, progressent dans une déambulation où tout va advenir.
« Ils sont posés là
dans un désert
dans lequel ils se débattent
duquel ils essaient de sortir
il y a eux
le groupe
et puis l’absence
aujourd’hui il ne va pas au collège
il va au staaage. »
Ce texte est une guirlande scintillante. Ces élèves qui vivent l’expérience de leurs conditions. Chocolat avec sucre ou pas. Brioche ou pain frais ou le ventre vide.
Ne pas croire au conte. Ils sont projetés dans le corpus d’une société, fragiles encore, apeurés ou attentifs, fiers ou timides, le rapport de stage comme note et les idéaux comme des papillons de nuit qui se brûlent les ailes sur les lumières. Ils ne savent pas. Aujourd’hui c’est le stage et son étendard, spéculatif ou opératif, forêt ou lande, marée-basse ou pleine mer . La prononciation juste-née d’une hiérarchie à approuver.
« La fiche de l’employeur
avant de partir ce soir
car après ce sera
les vacances de décembre…
puis il ira
jusqu’à la Mission locale
où il fait
son stage
plus tard il donnera l’exemple
il s’occupera des petits
il veut faire éducateur... »
Ce texte est à l’instar d’une litanie, une ode pour ces collégiens. Ici, c’est le regard lucide d’un enseignant-écrivain, qui rassemble l’épars. Les craies oubliées, les cahiers endormis, les premières consignes, l’apprentissage et la découverte, le plongeon dans le méconnu avec ses craintes et contraintes. Les joies et les peines, les doutes et les certitudes, et la glorification du travail. Les désirs et les soupirs, les peurs et les réussites. Ce texte est le miroir de décembre. Ce mois fragile où la jeunesse ouvre ses ailes, l’initiation à la vie.
« Il arrive quand le stagiaire ? » décembre, l’éphéméride où les collégiens sont une noria d’oiseaux en plein vol.
Cette nouvelle d’un ensemble de douze (une pour chaque mois de l’année) est issue d’une collection (à surveiller) « Tout un Peuple » : « La rentrée de tout un Peuple » : septembre, « Au Funérarium » : avril, « Vivre au banc » : juillet, « Il arrive quand le stagiaire ? » : décembre, signent une série, miroir de notre contemporanéité. Publié par les majeures Éditions L’ire des Marges. Á noter son doux prix de 6 €.
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