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Dès le premier poème, qui donne son titre au recueil, consacré au poète aveugle à l'origine de notre tradition européenne, Gérard Macé place son recueil sous le signe d'un autre royaume, où tout est inversé. La poésie est fille de la nuit, comme les songes (ou comme le 7e art : plusieurs poèmes témoignent ici du goût de Gérard Macé pour le cinéma), elle naît de l'obscurité.
Le royaume est aussi celui de la vision. Mais la figure d'Homère pourrait aussi évoquer, aux yeux du lecteur, un autre écrivain aveugle, plus proche de nous, Borgès qui, de même, entretisse inlassablement les images, les récits qu'il tire de sa mémoire de lecteur. Le poète est aussi un conteur qui redonne inlassablement vie à des écrits antérieurs qui se font écho dans notre mythologie personnelle, où les enfants de La Nuit du Chasseur rejoignent la figure d'Ophélie dérivant au fil de l'eau. Avec ces poèmes écrits dans une langue musicale, d'une grande simplicité, nous entrons sans peine aucune dans un monde où les frontières s'effacent, nous passons du personnel au légendaire : ainsi une chaussure oubliée sur le trottoir évoque-t-elle tour à tour Empédocle et Cendrilllon ; ainsi les souvenirs d'enfance nous reconduisent-ils à un monde qui était celui des prophètes. Et un peintre « naïf » comme Aloïse a ce même pouvoir de créer un théâtre intérieur, où deviennent visibles les forces cachées à l'oeuvre derrière cette mythologie.
Dans la seconde partie, « Les restes du jour », les poèmes sont simplifiés à l'extrême, réduits à une ou plusieurs choses vues ou lues, à une ou plusieurs images qui déclenchent la rêverie, à la manière d'une phrase musicale qui résonnerait très longtemps en nous. Dans l'ultime section du recueil, « La fin des temps comme toujours », ils reprennent de l'ampleur, portés par « l'énergie du désespoir qui redonne la force de vivre ». Gérard Macé y donne la parole à la part de lui-même effarée par les horreurs de l'histoire et le spectacle présent d'un monde qu'il décrit au passé, comme pour mieux le tenir à distance, celui où « Enfermés dans des cages de verre, de puissants imbéciles à la voix douce, nous lisaient les images du jour ».
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