"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Short Creek, Arizona, 1974. Loretta, quinze ans, vit au sein d'une communauté de mormons fondamentalistes et polygames. Le jour, elle se plie à l'austérité des siens, la nuit, elle fait le mur et retrouve son petit ami. Pour mettre un terme à ses escapades nocturnes, ses parents la marient de force à Dean Harder, qui a trente ans de plus qu'elle, une première femme et déjà sept enfants...
Loretta se glisse tant bien que mal dans son rôle d' « épouse-soeur », mais continue à rêver d'une autre vie, qu'elle ne connaît qu'à travers les magazines. La chance se présente finalement sous les traits de Jason, le neveu de Dean, fan de Led Zeppelin et du Seigneur des anneaux, qui voue un culte au cascadeur Evel Kneievel. C'est le début d'une aventure mémorable aux allures de road trip vers la liberté qui va vite se heurter à la réalité...
Un superbe roman, profond et drôle à la fois, qui nous plonge au coeur de la mythologie de l'Ouest américain, tant sacrée que profane.
Il semblerait que la plupart des lecteurs aient été attirés par l’aspect « road-trip » de ce roman. Pour ma part, c’est plutôt la consonance « religieuse » qui m’a poussée à accepter la proposition de Babelio : le résumé promettait une véritable immersion au cœur d’une communauté mormone intégriste et rigoriste, et je voyais là un bon moyen pour en apprendre un peu plus sur ce mouvement religieux, né du christianisme mais séparé de ce dernier. Mon objectif était donc, en premier lieu, de mieux comprendre l’origine du schisme théologique entre l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours et le catholicisme, mais également de mieux saisir les différentes « formes » de ce courant religieux, car l’Eglise mormone est loin d’être unie et uniforme : elle est elle-même divisée en plusieurs branches, plus ou moins strictes et austères, et les divergences doctrinales elles-mêmes sont nombreuses.
Fin des années 70. Loretta, quinze ans, ne supporte plus son quotidien austère, fait de prières et d’étude des Saintes Ecritures, faite de silence et de restrictions. Alors, chaque nuit, elle se glisse hors de son lit, hors de chez elle, hors de cette communauté engluée dans les traditions et les interdits, pour rejoindre Bradshaw, son petit ami. L’espace de quelques heures, Loretta se glisse dans la peau d’une « gentille », d’une non-mormone, avant de se replonger dans l’immuabilité de son existence. Mais lorsque ses parents découvrent ses escapades nocturnes, ils craignent pour son âme, pour leur âme, et décident de la marier à Dean. Dean, qui dirige les Récoltes de Sion, Dean, qui a déjà une femme et sept enfants. Selon le Principe, celui du mariage plural, Loretta est désormais une « épouse-sœur », membre de cette famille céleste appelée à s’élever ensemble vers le salut. Loretta étouffe, mais ses rêves ne sont que cela : des chimères qui tournent et retournent dans son esprit sans qu’elle ne sache comment les faire basculer dans la réalité …
La première partie de ce roman, indéniablement la meilleure à mes yeux, nous offre donc une véritable plongée dans le morne quotidien de Loretta qui peine à s’adapter à son nouveau statut d’épouse-sœur au sein de cette communauté mormone fondamentaliste et polygame. Loretta n’a pas choisi cette existence, elle la subit, elle la hait. Mais pourtant, c’est la seule vie qu’elle connait. Il y a vraiment une dualité profonde dans le cœur de la Loretta de la première moitié du récit : d’un côté, elle rêve de s’enfuir, elle rêve de liberté, elle rêve d’une vie « normale », mais de l’autre, elle a peur de l’inconnu, peur de quitter tout ce qu’elle connait depuis toujours. Alors, Loretta accepte tout, sans se rebeller, sans se révolter, elle accepte tout, elle suit le chemin qu’on a tracé devant elle. Et elle s’enlise dans ce nouveau quotidien, aussi monotone, aussi pénible que celui qu’elle avait chez ses parents, avec la nouvelle obligation de « porter une glorieuse semence jusqu’au Seigneur » … Il ne se passe pas grand-chose d’exceptionnel dans les deux-cents premières pages, le rythme est trainant, languissant, pesant. Et cela correspond tout à fait à l’ambiance, à l’atmosphère, de ce roman : c’est oppressant, dérangeant. Mais clairement, cette partie est sans le moindre doute la plus intéressante, la plus instructive.
En effet, à partir du moment où Loretta rencontre Jason, le neveu de Dean, suite au décès du père de ce dernier, tout s’effondre. Déjà, les chapitres consacrés aux « discours » d’Evel Knievel, un motard cascadeur, faisaient tâches, s’incrustaient dans l’histoire sans avoir aucun lien avec elle et sans rien lui apporter. Mais alors, ce n’était rien comparé à ce que nous offre la dernière partie du roman ! Ça part dans tous les sens et n’a donc plus aucun sens. L’auteur voulait nous proposer une « ode à la liberté », un road-trip « mémorable » … Pourquoi pas, mais encore faudrait-il que cela soit cohérent avec le reste du roman. En l’espace de quelques pages, la personnalité même des personnages change du tout au tout, sans raison apparente, et ça ôte toute crédibilité au récit. Ce road-trip est invraisemblable, artificiel, illogique, irrationnel, aberrant. Il n’avait rien à faire, du moins sous cette forme, dans cette histoire. Quelle déception ! Je n’ai ressenti aucun intérêt pour cette seconde partie, je l’ai lu uniquement pour savoir le fin mot de l’histoire, parce que je n’aime pas abandonner une lecture, mais c’était plus par devoir que par envie. C’est tellement dommage, ce tournant pris par l’histoire, car tout était si intéressant jusqu’alors !
En bref, une lecture plus que mitigée. Après un début prometteur, captivant, porté par une plume extraordinaire, d’une force incroyable, qui vous prend aux tripes et vous transporte au cœur des Amériques des années 70, l’histoire prend une direction bien moins profonde, caractérisée par une bonne dose d’incohérence et d’invraisemblance. J’ai donc bien du mal à savoir si j’ai aimé ce roman ou non : le déséquilibre entre les deux parties, ainsi que l’insertion régulière de chapitres dédiés à un motard qui n’apporte rien à l’histoire, me laisse plus que perplexe. Ce n’est pas une déception totale, loin de là, j’ai vraiment terriblement apprécié la première partie, mais c’est clairement une promesse qui n’a pas été tenue, et c’est quelque chose qui a tendance à me frustrer légèrement. A conseiller donc à ceux que les changements brusques et aberrantes de personnalités ne dérangent pas, et qui aiment les road-trip improbables et invraisemblables … A noter toutefois : de magnifiques descriptions de paysages qui vous feront rêver et voyager !
http://lesmotsetaientlivres.blogspot.com/2018/06/goodbye-loretta-shawn-vestal.html
Était-ce bien utile de mettre au centre de l’histoire ce motard cascadeur américain, Evel Knievel ? Peut-être que l’auteur est fasciné par celui qui se battit pour imposer le port du casque à moto, dans son pays ? Bien sûr, les deux anti-héros du roman, Jason et Boyd sont fous des exploits de cet homme mais c’est Loretta, un certain Bradshaw et les communautés de mormons qui captent l’essentiel de l’intérêt pour une histoire passionnante et très instructive.
Le titre choisi en français recentre d’ailleurs l’intrigue sur la véritable héroïne alors que le titre original, Daredevils (casse-cou ou cascadeurs) renvoie au fameux motard. Mais, finalement, je dois reconnaître que Loretta, Jason et Boyd, sont aussi des risque-tout comme Shawn Vestal le raconte si bien.
Goodbye, Loretta est un roman dont les épisodes sont soigneusement datés et c’est important pour la lecture car l’auteur nous renvoie au passé de ces mormons et de leurs luttes intestines. Il y a ceux qui évoluent un peu et ceux qui se croient ultra-purs afin de faire perdurer la polygamie en tentant de la masquer tant bien que mal.
Dean Harder est de ceux-là. Déjà marié à Ruth qui lui a donné sept enfants, il réussit à épouser Loretta (15 ans) avec l’assentiment de son père. Pourtant, elle connaissait déjà « le monde profane, puis retournait à la maison, à la vénération et à l’ennui. »
À Short Creek, Arizona, vivent ceux qui se revendiquent comme membres de l’Église fondamentaliste de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, comme l’Ordre uni, le cercle le plus vertueux… L’autre pôle du récit se trouve à Gooding, Idaho, où Jason et son grand-père rusent pour aller assister à un exploit d’Evel Knievel, à Twin Falls où c’est la fête : « La foule est vulgaire et sale, mais effroyablement belle. »
C’est cela qui ressort le plus de cette communauté : une sorte d’attraction – répulsion, des gens gavés de beaux principes mais sachant bien mener leur barque pour éviter les écueils d’une trop grande modernité.
Loretta qui ne rêve que de liberté est donc devenue « épouse-sœur » d’un homme déjà marié, terriblement cupide et qui a promis d’attendre que sa seconde épouse ait 16 ans pour consommer le mariage…
Shawn Vestal rappelle les événements de juillet 1953, à Short Creek, aujourd’hui Colorado City, où les Fédéraux ont tenté de briser la communauté pratiquant la polygamie. Ruth fut de ces enfants arrachés brutalement à leurs parents.
Ensuite, après le décès du grand-père, tout le monde se retrouve des centaines de kilomètres plus au nord, à Gooding (Idaho). J’ai été de plus en plus absorbé par la vie de ces gens, leurs intrigues, leurs traditions religieuses et surtout ému par ces jeunes gens qui risquent tout pour tenter de retrouver la liberté, s’arracher du carcan familial. Les scènes finales sont palpitantes, dignes des meilleurs thrillers.
Je remercie Masse Critique de Babelio et les éditions Albin Michel pour cette belle découverte.
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Un bref aperçu sociologique à travers les yeux d'une jeune fille dans la communauté mormonne.
Le choix de ce livre?
Déjà par le biais du Picabo River Book Club (sur FB) qui rassemble les amateurs de littérature nord-américaine. Et par l'entremise de la modératrice qui a proposé un partenariat avec l'éditeur Albin Michel et sa superbe collection "Terres d'Amérique". (je les remercie bien chaleureusement tous les deux).
"Un paysage littéraire nord-américain riche d'une diversité de styles et d'univers singuliers"
Le thème assez original et peu exploité - ici la communauté mormonne - m'a attiré de suite; et par la couverture aux couleurs "vintage" des années 70 (je pense tout de suite aux célèbres photographies de David Hamilton).
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L'histoire fictionnelle d'une jeune fille de 15 ans, Loretta, dans une communauté mormonne, dans les années 70.
Les chapitres de l'héroine alternent avec d'autres personnages tels quelques membres de la famille ainsi qu'un cascadeur, Evel Knievel (qui a réellement existé).
Le récit, linéaire dans la progression de l'histoire se passe sur une année environ, dans l'état d'Arizona et de l'Idaho.
Le road-trip annoncé dans le résumé arrive en 2/3 du roman. Il n'est pas la finalité du récit et apporte peu à la cohésion de la trame.
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Parlons de Loretta.
Une jeune fille élevée dans la tradition fondamentaliste et polygame des Mormons. Une adolescence "à faire le mur" en quête de liberté va la précipiter dans un mariage forcé avec Dean, un patriarche intégriste. Elle devient donc la 2ème épouse-soeur de cette grande tribu. Cette vie fermière remplie de prières, corvées et devoirs conjugaux ne la satisfait pas (hormis l'attachement aux enfants de Ruth, la première-femme). Loretta rêve d'une vie de magazine, de soif d'ailleurs. Elle va rencontrer Jason, son neveu par procuration. Un jeune homme passionné par le rock and roll et peu sûr de lui.
Ces deux êtres que la religion rassemble vont s'unir et former le projet de s'échapper de ce carcan rigide et hors du temps.
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Les jeunes emmènent également le meilleur ami de Jason, Boyd, un jeune indien un peu paumé, lui aussi en quête d'adrénaline.
Un casino, une rencontre inopportune, une trahison. Les jeunes gens vont se heurter à la réalité. Loretta, par la découverte de sa féminité, se retrouvera désabusée et peut-être déçue....
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L'immersion dans la vie quotidienne des Mormons m'a fait penser tout à suite à la bonne série télé "Big Love" qui traite ce sujet avec beaucoup de sensibilité. (polygamie: difficultés de cohabitation entre épouses-soeurs et incompréhension de la part des profanes).
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J'ai moins apprécié les chapitres concernant le cascadeur, ne voyant pas vraiment "la part ajoutée" au récit.
La fin est un peu abrupte et pose la question du futur des adolescents.
Les personnages sont bien campés, avec chacun une part d'ombre. (une noirceur toute particulière chez Dean "l'homme vertueux", enfin il me semble....).
L'auteur dont c'est le premier roman, a sû nous transporter dans des vastes espaces que sont l'Arizona et l'Idaho, et en même temps dans un huis-clos religieux et singulier. On voit que la recherche documentaire a été minutieuse , par exemple dans les particularités de chaque "branche" de cette communauté. (les fondamentalistes et les "plus tolérants").
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Une ode à la liberté de pensée et de croyance. Et surtout au choix de vie d'une jeune femme dans les années 70.
Une bonne traduction avec un style fluide que j'ai apprécié. J'attendrais donc avec grand plaisir les prochaines publications de Shawn Vestal.
PS: Pour avoir les 2 chroniques complètes (et celle de ma fille), rendez-vous sur notre blog mère & fille.
https://red2read.wordpress.com/2018/04/28/goodbye-loretta-de-shawn-vestal/
Une belle déception concernant ce livre !
En lisant le résumé, je me suis dit : « ce livre a l’air génial, j’ai hâte de le lire ! ». De plus la première page de couverture m’attirait, me donnait envie de découvrir ce qui se cachait à l’intérieur. Mauvaise surprise, intrigue longue et personnages languissants.
Un réel échec au niveau de l’histoire. Le récit n’est pas resté fidèle au résumé. Dès le début, je pensais avoir affaire à une fugue d’une jeune fille de 16 ans dans les moindres détails. Le contraire de ce que à quoi je m’attendais : culture mormone omniprésente dans l’histoire, multiples détails sur la religion mormone agaçante. Le livre n’était pas centré que sur Loretta : mais plutôt sur un certain « Evel Knieviel ».
Vraiment dommage : cela coupe l’intrigue et désintéresse le lecteur, le fait s’évader. (pour ma part). Un avis franc ? Autant être honnête : je pense que l’auteur aurait dû enlever tous les passages des exploits « héroïques » d’Evel Knieviel. Car dans ces moments là, on était complètement coupé de l’histoire. Concentrée sur l’instant, au moindre rebondissement de ma lecture, un fichu passage inintéressant me coupait dans mon élan.
Pour résumer, ce fût le principal défaut dans ma lecture. Agacée par ces passages « à la noix », je les ai carrément sautés, pour ne pas dire lus.
Niveau personnages ? Une petite préférence pour notre cher Jason, personne sensée et touchante. Je me suis vite identifiée à lui. J’ai tout de suite accroché à son caractère : sensible, candide, perdu entre deux mondes, il m’a beaucoup ému. Il avait l’espoir d’un amour partagé avec Loretta. Il m’a fait beaucoup de peine. Pourquoi tant d’injustice pour un simple adolescent en quête d’amour ? Loretta l’a bien manipulé, avec son histoire de liberté. Loretta… une jeune fille bien difficile à cerner. Certes je la comprends, cette envie de prendre ses jambes à son cou. C’est vrai qu’un mariage forcé n’a rien de positif : on vit une vie que nous ne voulons pas, on souffre de cette obligation. Et à son âge, si je vivais à son époque, j’aurais fait la même chose : fuguer de cette vie saugrenue, machiste. Mais de là à manipuler un gentil garçon, de lui faire promettre des choses qui n’arriveront jamais, je trouve ça ignoble !
Briser un cœur innocent, c’est mal !
La famille de Dean m’a beaucoup déplu : personnages vils, qui n’ont aucune jugeote. Aucune rébellion.
Cependant, j’ai bien aimé le fond de l’histoire : fugue d’une jeune adolescente qui rêve de liberté.
Une fin mitigée : je trouve désolant que l’auteur n’ait pas assez développé la fin de l’intrigue, j’aurais voulu plus de détails croustillants sur l’avenir de Loretta !
Dans tous les cas, je conseille ce livre aux adultes, et non aux adolescents. Car certains passages sont juste ennuyants, plats et trop longs ! Bref, il manquait bien quelques rebondissements. Un livre décevant en fin de compte !
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