"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un jeune homme, le narrateur, attend sa commande dans un coffee house de Bangalore. Tout est calme, en apparence, et l'ambiance indolente, pourtant notre homme est inquiet. Que cache-t-il, qu'est-ce qui le tourmente ?
C'est ce que s'attacheront à révéler les quelque cent pages de ce roman, dans une prose précise, maîtrisée et condensée. Ghachar Ghochar explore les mécaniques complexes de la famille du narrateur, clan modeste qu'un commerce peu regardant a soudainement propulsé dans un monde de riches. Cette opulence inattendue, devenue monnaie courante dans l'Inde contemporaine, fragilise les rôles, et l'identité de chacun, homme comme femme, mettant à mal leur équilibre. Les traditions vacillent, les luttes de pouvoir font rage. Alors, tout devient "Ghachar Ghochar", une expression que les membres de la famille marmonnent quand tout bascule dans un indescriptible chaos, un chaos que Shanbhag nous décrit avec délectation, subtilité et une douceur époustouflantes.
Le roman, qualifié de "classique contemporain" par le New York Times, est un petit bijou. On y sourit et y apprend beaucoup, et on termine ce court texte en se demandant comment Vivek Shanbhag a réussi à nous donner autant en si peu de mots.
Bangalore, coffee house, le narrateur attend sa commande. « A prendre un verre dans cet endroit, on se sent raffiné, cultivé. ». Il attend le serveur, Vincent, à qui il voudrait se confier, mais, il n’ose pas et que voudrait-il lui dire, ce qu’il raconte ensuite ?
Sur un mode grinçant, ironique, cynique quelque fois, le narrateur raconte sa vie d’homme aisé dans les beaux quartiers où ils habitent une maison neuve. « Nous vivons tous en famille, tous dans la même maison : mon épouse et moi, mes parents, mon oncle paternel et Malati… C’est l’une des forces des familles que de faire semblant de désirer ardemment ce qui, en réalité, est inévitable. »
L’oncle paternel Venkatachala, célibataire, est celui qui ramène l’argent que lui procure son entreprise florissante. Il n’en a pas toujours été ainsi. Au début, l’oncle était à la charge de son frère et père du narrateur, représentant dans une boîte de thé qui, un beau jour, a licencié tous ses commerciaux. Apa a donc mis toutes ses économies dans l’affaire de son frère et se retrouve oisif, ce que sa fierté ne supporte pas.
Du quartier pauvre de Bangalore où ils étaient heureux bien qu’entassés, les voici dans une grande maison des quartiers chics où la gaieté semble partie.
Une pièce de théâtre avec ses mélodrames, ses piques, sa tendresse cachée, ses mensonges, la veulerie des personnages, l’orgueil… Tout ceci fait un bouquin acidulé, voire acide sur la vie indienne actuelle.
Une lecture avec grincements de dents assurés, où l’argent ne fait pas le bonheur, où règne un certain ghachar ghochar
C'est à la Coffee House que le narrateur passe le plus clair de son temps. Là, loin de sa famille, il peut se vider la tête ou réfléchir, et profiter des maximes que lui prodigue Vincent, le sage et inspiré serveur des lieux. Pourtant, il fut un temps où il aimait être en famille. Un temps révolu où lui et les siens étaient soudés, solidaires et aimants. A l'époque, la famille vivait dans une petite maison d'un quartier défavorisé de Bangalore. Tous dépendaient du maigre salaire du père. Chaque sou était compté, chaque dépense mûrement réfléchie et le commercial était fier de nourrir sa femme, sa fille, son fils et son frère cadet. Et puis un jour, tout a changé. Le père a été mis à la retraite, le frère cadet a lancé un commerce d'épices et la famille s'est très vite enrichie. Désormais riche, marié et désoeuvré, le narrateur ne trouve plus sa place dans une maison où les relations se sont tendues.
On dit que l'argent ne fait pas le bonheur et cette famille indienne modeste qui goûte aux joies de l'argent facile ne fait pas exception à la règle. S'ils sont restés unis, les rapports entre eux ont tout de même changé. Le père a perdu de son prestige et du respect dû par les siens au profit de son jeune frère dont tous les désirs sont exaucés avant même qu'il ne les formule. C'est lui qui apporte l'argent tandis que les autres le dépense avec plus ou moins de prodigalité. Les caractères changent aussi. Le père se renferme sur lui-même, acceptant difficilement cette nouvelle richesse. La jeune sœur devient difficile, égoïste et capricieuse. La mère continue de cuisiner, nettoyer, régenter, tout en s'inquiétant de l'arrivée d'une éventuelle épouse de son beau-frère. Quant au narrateur, il vit au gré du vent. Petit, il avait l'ambition de devenir riche et de veiller sur sa famille. Dorénavant, il fait de la figuration dans l'entreprise de son oncle, passant ses journées au café ou à faire la sieste dans son bureau. S'ils ne sont pas heureux, au moins ont-ils trouver un équilibre. C'est Anita, la femme du narrateur qui vient bousculer tout ce petit monde. Elle ne comprend pas les codes qui régissent sa belle-famille et a conservé certaines valeurs qu'eux ont perdu.
Tout cela est intéressant et donne un bon aperçu de la vie en Inde. Le récit est plaisant mais reste superficiel, tout juste peut-on y voir une réflexion sur les dégâts de l'argent trop vite gagné. Une lecture facile, sans plus.
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