"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
On connaît son visage, grâce au superbe Dheepan de Jacques Audiard (Palme d'or à Cannes en 2015) dont il est l'acteur principal. On sait moins qu'Antonythasan Jesuthasan est aussi un écrivain exceptionnel. De Paris à Sri Lanka, les récits de ce très beau recueil ont pour toile de fond son enfance, ses années de guérilla, son errance et sa vie en France - avec autant de finesse et d'humour que d'inspiration et de puissance d'évocation.
Le titre du recueil est aussi celui de l'adaptation cinématographique (en cours de réalisation) de la magnifique nouvelle Friday - qui se déroule dans la communauté tamoule du quartier de La Chapelle, à Paris.
« Son oeuvre est un bijou. » Granta Antonythasan Jesuthasan - alias Shobasakhti - est né en 1967 à Allaipiddy, un village à l'extrême nord de Sri Lanka. Ancien enfant soldat du Mouvement de Libération des Tigres tamouls, il arrive en France en 1993 où il obtient l'asile politique. Il vit désormais à Paris.
Acteur, scénariste, il est aussi l'auteur de quatre romans, trois recueils de nouvelles et de nombreux essais, pièces de théâtre et scénarios.
Son oeuvre, magistrale et extraordinairement novatrice, est traduite pour la première fois en français. C'est une très grande découverte
Je connais personnellement la traductrice et j'attendais avec impatience de trouver le livre en médiathèque, recyclage oblige ! Le confinement m'en a donné l'occasion, il m'attendait !!
Si je connaissais l'homme grâce au film « Dheepan » , j'ai été ravie de découvrir l'auteur qui d'ailleurs jouerait presque dans le mêle registre : légèreté au milieu de la gravité et l'horreur.
Les cinq nouvelles nous plongent dans des territoires différents, la France où il a demandé l'asile et a vécu Porte de la Chapelle, bien connue pour sa population bigarrée, mais aussi dans les lieux de guerre et guérilla au Sri Lanka, dans les camps tamouls, parmi les « mouvements » révolutionnaires pauvres et violents.
Indigence, misère, et le twist propre à la nouvelle, une légèreté de plume pour éviter le dramatique, un nouvel envol vers une autre horreur et encore la plume au vent pour laisser la tension retomber.
Un voyage au pays de la souffrance, que ce soit chez nous ou chez lui !
Recueil de six nouvelles écrites en tamoul, langue d'origine de l'auteur sur lequel je m'en vais vous donner quelques précisions. Antonythasan Jesuthasan est écrivain et acteur, c'est lui qui a tenu le premier rôle dans Dheepan de Jacques Audiard, film qui a obtenu la palme d'or au Festival de Cannes en 2015 et que je n'ai pas encore vu. Antonythasan Jesuthasan fut membre du Mouvement des Tigres Tamouls qui luttait à Sri Lanka pour l'indépendance de l'Eelam tamoul. Il arrive en France en 1993, obtient l'asile politique et vit depuis en région parisienne où il écrit romans, nouvelles, essais, pièces et scénarios. Ce recueil est la première traduction en français de son oeuvre, et comme de bien entendu, c'est Zulma qui édite.
Pour lire A. Jesuthasan, il vaut mieux se renseigner auparavant de ce qu'est la lutte tamoule pour l'indépendance. Ce n'est pas indispensable sans doute, mais ça permet de mieux comprendre ses histoires qui, au moins pour les premières en sont très fortement imprégnées voire baignent dedans. Mais même si vous n'avez ni l'envie ni le temps de vous plonger un peu dans cette histoire de Sri Lanka et des mouvements tamouls, vous pourrez apprécier l'écriture du nouvelliste, cette espèce de légèreté qui flotte dans ces textes malgré le contexte de guerre, de pauvreté voire de dénuement et de solitude. Il ne dramatise rien, constate en se moquant un peu soit par l'intermédiaire de situations loufoques, burlesques, ou de personnages décalés, parfois ridicules dans leurs comportements et leurs pensées extrêmes. La nouvelle intitulée Le chevalier de Kandi est dans ce genre, très drôle.
Tout en finesse, il égratigne ses personnages de fiction mais aussi quelques personnalités, une notamment : "Lors de sa campagne, il y a quatre ans, l’actuel président français, Nicolas Sarkozy, a mentionné la cité des 1 000, en banlieue parisienne, promettant que s'il était élu, il nettoierait tout ça. C'est là que je vis depuis dix ans.
En fait, cette banlieue, avec ses quelques carrés de forêt pleins de grands arbres, ses vastes friches herbeuses et le canal qui passe au milieu, offre un paysage magnifique. Arabes, Africains, Roms, Indiens et Asiatiques y résident. D'après les journaux, le président Sarkozy est très sensible aux questions environnementales. Il voulait sûrement protéger les arbres, les friches et le canal de notre interférence. Comme prévu, Sarkozy a remporté les élections. Mais il n'a pas réussi à nettoyer le quartier comme il l'avait annoncé." (p.73)
Voilà, c'est dit, joliment et sans s'énerver. C'est exactement tout cela que j'ai ressenti dans ce recueil. Antonythasan Jesuthasan dit tout, n'épargne ni les uns ni les autres, ne juge pas. Il constate avec élégance et une certaine désinvolture dans son sens de l'aisance et de la liberté de ton. Ses nouvelles sont des tranches de vie, parfois sans chute, parfois avec, mais peu importe, ce qui plaît c'est le ton, l'humour, la facilité avec laquelle l'auteur parle de choses terribles tout en douceur. Très très belle découverte.
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