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Épopéee française

Couverture du livre « Épopéee française » de Dominique Labarriere aux éditions Pierre-guillaume De Roux
Résumé:

« Haussmann meurt en 1891, Lesseps en 1894, Viollet le Duc en 1879, neuf ans après son mentor Prosper Mérimée. Mais L'élan qui les a portés - et qu'ils portaient - s'était éteint bien avant eux, en 1870, avec le désastre de Sedan qui scellait non seulement la fin d'un régime, mais, beaucoup plus... Voir plus

« Haussmann meurt en 1891, Lesseps en 1894, Viollet le Duc en 1879, neuf ans après son mentor Prosper Mérimée. Mais L'élan qui les a portés - et qu'ils portaient - s'était éteint bien avant eux, en 1870, avec le désastre de Sedan qui scellait non seulement la fin d'un régime, mais, beaucoup plus profondément, la fin d'une sorte d'épopée nationale où se mêlaient audace des volontés, fièvre d'entreprendre, foi dans le progrès, cela assorti d'une appétence sans complexe pour la prospérité. S'il est des hommes dont on peut dire qu'ils ont incarné leur époque autant qu'ils l'ont façonnée, ce sont bien ceux-là.» Haussmann, Lesseps, Viollet-le-Duc... Respectivement préfet, diplomate et simple artiste, au lieu de l'urbaniste, de l'ingénieur hydraulique ou de l'architecte qu'on attendait, aucun d'eux ne détient le bon diplôme pour la tâche qui lui incombe Tous sont des aventuriers, des « self-made » men, des « entrepreneurs » avant la lettre, capables de recourir à leurs qualités innées, d'humer l'air du temps, d'user de leur réseau et... d'encadrer une équipe. Ils ont réinventé la ville, façonné la carte du monde, révolutionné l'art de bâtir, réinvesti le patrimoine architectural. Ils ont en commun d'être Français et d'avoir conduit leur oeuvre à la même époque, entre les années 1830 et 1880. Un ample demi-siècle d'une incroyable vitalité où tout semble possible, à commencer par l'impossible. En quelques décennies ils ont construit, transformé, aménagé plus qu'on ne l'a fait les deux siècles précédents. Sans que cela amoindrisse en rien leur génie propre, ils sont l'incarnation d'une époque, de la situation du pays et de la société à un moment donné de leur histoire.

Après les convulsions révolutionnaires, l'impérialisme guerrier de l'ère Napoléonienne, la ruine politique et l'humiliation de 1815, le pays aspire à la paix, à la stabilité, à la prospérité, constat dramatiquement ignoré par la Restauration... D'ailleurs n'est-ce pas sous la bannière du Parti de l'Ordre que le prince président Louis Napoléon, bientôt mué en empereur Napoléon III, accède au pouvoir ? Lorsque, dans les années 1830 et suivantes, Prosper Mérimée, inspecteur général des Monuments historiques et son architecte lige Eugène Viollet-le-Duc entreprennent la restauration des grands monuments de la France médiévale, ils n'épousent pas seulement l'air du temps qui est au romantisme et au culte d'un Moyen Âge plus ou moins fantasmé, ils mettent en phase deux périodes de l'histoire caractérisées par une expansion économique et démographique succédant à une longue atonie et annoncent les générations d'architectes qui viendront après lui, Horta, Guimard, Grasset, Gaudi, Llloyd Wright et d'autres encore. Visionnaire, il imagine les techniques de construction, le mariage de l'acier et du verre pour de vastes espaces entièrement couverts dont le fleuron sera le Grand Palais, édifié par d'autres que lui et inauguré en 1900 pour l'exposition universelle. De même, le baron Haussmann, épousant les préceptes du saint-simonisme et la religion nouvelle du progrès, fonde une ville aux avenues larges, ouvertes, aérées, rectilignes ; il bâtit des immeubles dont la distribution intérieure et les façades sont le reflet assez exact de la structure sociale qui s'impose en ces temps nouveaux : la cité industrielle. Il apporte aux Parisiens l'eau, l'air, la lumière. Une même confiance anime Lesseps lorsqu'il prend à son compte le projet proprement pharaonique de relier par un canal maritime la Méditerranée et la Mer rouge. Le rêve est ancien, qui remonte à la haute antiquité, mais la vision, elle, est moderne. Au moment où le projet se dessine, la navigation à vapeur en est à ses balbutiements et nombreux sont ceux, prétendus experts, qui en prédisent l'échec. Or, la voie que projette Lesseps ne peut donner sa pleine mesure que pour ce type de navigation. L'avenir a prouvé qu'il voyait juste.

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