"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Belfast, 1906. Edith tombe follement amoureuse d'Oliver, un illusionniste ambitieux qu'elle croise un soir de fête trop arrosée et retrouve le lendemain sur scène, où elle doit l'accompagner au piano. Mais c'est sur la jetée de Dun Laoghaire, bien des années plus tard, que s 'ouvre le roman. Edith y attend, avec sa fille, le bateau qui les emmènera en Angleterre et contemple à regret le pays où elle laisse son mari après avoir tout tenté pour le sauver de ses démons et le soutenir à une époque où le music-hall pâtit de l'arrivée du cinéma. Edith & Oliver est une déchirante histoire d'amour qui entraîne le lecteur dans les coulisses du théâtre, porteur de rêve et de magie, dont Michèle Forbes, actrice et scénariste, connaît aussi toute la cruauté.
https://dubonheurdelire.wordpress.com/2019/04/18/edith-oliver-de-michele-forbes/
J'ai l’immense joie de faire partir cette année du jury des lecteurs du prix Privat 2020 (Superbe librairie à Toulouse avec une équipe de libraires d’exception !). Parmi la première sélection – nous aurons 12 livres à lire cette année, ma première lecture choisie au hasard a été Edith & Oliver de Michèle Forbes aux éditions La Table Ronde collection quai Voltaire. Je ne connaissais pas cette auteure et c’est la qualité de ce prix : nous faire découvrir des auteurs et des maisons d’édition un peu moins connus.
Mais parlons un peu de ce roman ! Avec Edith & Oliver, j’ai plongé au début du XXème siècle dans une Irlande d’avant et d’après guerre. Les premières pages du roman s’ouvrent en 1922 sur un départ douloureux, celui d’Edith et sa fille Agna. Le chapitre suivant nous fait remonter le temps : 1906 et la rencontre entre Oliver, illusionniste de talent et Edith, pianiste avec son fort caractère. Tout commence par une rencontre inattendue, la fameuse rencontre qui bouleverse une vie, ici deux vies. Mais Edith & Oliver n’est pas une simple histoire d’amour qui donne naissance aux jumeaux Archie et Agna, c’est aussi la tragédie d’une famille dont les parents artistes sont confrontés à la réalité, celle d’un monde où le spectacle n’est plus signe de succès, où le cinéma a pris le pas sur le théâtre, où la guerre détruit le peu d’équilibre existant et où la misère fait de plus en plus rage. Et lorsque les vieux démons d’Oliver reviennent le hanter, comment la famille peut-elle survivre et se relever ?
J’ai beaucoup aimé l’écriture de Michèle Forbes et j’ai déjà acheté son premier roman Phalène Fantôme pour relire cette belle plume. Outre une écriture des sens, à la fois visuelle et sonore, qui donne vie à chaque détail de l’histoire, Michèle Forbes a un talent pour faire naître la tragédie. Elle crée lentement mais sûrement cette tension jusqu’à l’acmé qui nous fait dévorer les pages et retenir le souffle.
En résumé : une première lecture pour ce prix des lecteurs Privat 2020 qui met en appétit !
Je ne connaissais pas Michèle Forbes mais je me suis laissée tenter par la quatrième de couverture et ma curiosité.
Ce roman me permet de découvrir une écriture certes, mais aussi un univers celui des magiciens, du Music-Hall au début du XXe siècle en Irlande. Ma culture en ce qui concerne ce pays est assez réduite, je l’avoue, autant je visualise les côtes, la pêche, les vertes prairies et autre histoire terriennes et tout le folklore, autant je ne me suis jamais posé la question de l’Irlande Urbaine à cette époque là.
Ce roman débute en 1906, le siècle est jeune, Oliver aussi, il est plein d’énergie avec des rêves plein la tête, le monde de tous les possibles. Ce qu’il ne sait pas c’est que c’est pratiquement la fin d’une époque. Au fur et à mesure que les mois passent on découvre les avancées technologiques qui annoncent la fin de son monde. Ces nouveautés touchent le monde du spectacle avec l’arrivée du cinéma mais aussi d’autres moins ludiques, celles qui vont entourer la guerre de 14-18.
Ce roman qui se déroule dans le monde de l’illusion est non seulement dans la narration des spectacles, avec des descriptions de créations et des mises en œuvre, mais aussi dans l’écriture. Michèle Forbes joue avec cette idée d’illusion, elle détourne l’attention du lecteur sur des problèmes pratiques et quotidien, alors que le fond du sujet est la société. Par petites touches on découvre les changements dans la société qui vont avoir des répercussions sur le climat de tensions dans la société et dans leur microcosme familial. Elle fait des tours de passe-passe entre les scènes, ainsi qu’entre le passé et le présent. En effet les jeux de miroirs nous font voir des scènes qu’on ne devrait pas voir et les traumatismes du passé ressortent. L’alcoolisme et la violence voilent aussi des souffrances…
L’arrivée du cinéma, des syndicats, la précarité de ces métiers artistiques, la concurrence. Le temps de l’entraide entre gens du spectacle qui se délite.
Le regard des gens change, ils demandent de plus en plus de sensationnel, de spectaculaire. Des sujets qui nous touchent aujourd’hui encore et qui nous semble nouveaux. Le côté du pain et des jeux moderne. Mais la colère gronde et les ventres aussi. On sent le malaise social de ce pays divisé par la religion.
Ce qui m’a plu c’est toute la construction mentale autour de la famille. L’aspect psychologique. Comment du couple exubérant et libre, qui nous montre la joie de vivre du monde artistique. L’arrivée des enfants, le bonheur de construire une famille heureuse va coïncider avec la chute dans le milieu du travail. Les failles du passé vont sortir de la zone où elles avaient été refoulées.
On va découvrir le monde des femmes en parallèle du monde masculin. On remarquera que la aussi il y a des libertés qui se perdent et qu’une autre sorte de solidarité se met en place. Edith par exemple, va avoir une éducation pour être autre chose qu’une simple mère de famille. La thématique autour de la mère fait partie de la construction mentale des personnages… mais je vous laisse le découvrir.
Ce que j’ai particulièrement aimé c’est que chaque scène m’a fait penser à des « tableaux » comme au théâtre, dialogues et l’intensité narrative, le lecteur ressent une montée dans les émotions et reprend son souffle après chaque « chute ».
La couverture du roman nous montre ce monde où tout semble sens dessus-dessous, les serpents de la Méduse, et cette bouche qui essai de nous chanter les aventures ou mésaventures de « Edith & Oliver ». Michèle Forbes donne la parole à ces gens un peu à part… pas toujours compris par la société.
Illusionniste et désillusions.
Edith et Oliver se sont rencontrés et aimés dans les coulisses du théâtre de Belfast dont le plus beau duo reste la naissance de leurs jumeaux, Archie et Agna.
Oliver est illusionniste, Edith l'accompagne au piano. Oliver vit les dernières heures de gloire du vieux Music-Hall.
Oh combien j'ai aimé ce roman à la fois fable poétique et triste réalité d'un monde qui change.
J'ai été très touchée par Oliver dont Michèle Forbes en fait le personnage central tout au long du roman qui se déroule de 1902 à 1922.
De son entrée au théâtre en tant que commissionnaire à sa première représentation sur scène, j'ai aimé voir défiler les numéros d'Oliver remplies d'humour et d'émotions, tendres et naïves.
Plus j'avançais dans ma lecture, plus j'étais inquiète pour Oliver qui reçoit comme une déflagration la vérité crue et sans fard. La fin d'une époque et de son métier tel qu'il entendait le pratiquer et en quoi il croyait fermement.
La fin aussi d'un long mensonge qu'il s'est fait à lui-même sur la mort accidentelle de sa mère.
Dans son costume de prestidigitateur, voulait-il effacer ou rendre visible ce qui le faisait tant souffrir ?
J'ai aimé les aller-retour dans le passé familial d'Oliver qui donnent les clefs de son mal être et de son incapacité à parler avec sa fille Agna. J'ai pleuré sa descente aux enfers, la chute dans la misère pour lui et les siens.
Ce roman recèle de très beaux passages sur la figure maternelle « ses cheveux ont la couleur d'une meule de foin qui aurait absorbé l'été », vibrants d'amour mais ambués par les regrets qui m'ont serré le coeur.
Dans le cadre réaliste du roman, Michèle Forbes pose les mots comme des touches de couleur pour faire naître des images remplies de poésie et de simplicité. Malgré la misère et les disparitions brutales.
La nature est très présente, réconfortante : « La lune du lundi matin est aussi pâle que la chair d'une oie ».
Visible et immuable.
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