"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Plus on lit ce livre, plus on regarde les illustrations dessins et aquarelles de l'auteur, plus on l'aime et mesure la duplicité abyssale du je qui nous compose et noue nos trois registres réel, symbolique et imaginaire dans ces pages feuilletées à la recherche d'un désir insaisissable.
L'auteur Robert Nicolaï quitte son statut de professeur émérite pour tracer un autoportrait avec la plume de Rimbaud qui écrivait à son propre professeur le 13 mai 1871 :
« Je veux être poète, et je travaille à me rendre voyant : vous ne comprendrez pas du tout, et je ne saurais presque vous expliquer. Il s'agit d'arriver à l'inconnu par le dérèglement de tous
les sens. Les souffrances sont énormes, mais il faut être fort, être né poète, et je me suis reconnu poète. Ce n'est pas du tout ma faute. C'est faux de dire : je pense. On devrait dire : on me
pense. Pardon du jeu de mots. Je suis un autre. »
Dans Dits Reflets et Dialogues, Robert Nicolaï mêle poèmes, nouvelles, écrits scientifiques et artistiques sur l’identité associés à des aquarelles lumineuses. Ce beau livre, très agréable à découvrir et même à relire, emmène simplement du pays des mots à la réflexion sur soi, sur l’autre et sur le monde.
Est-ce à un autre que lui ou l’image que le miroir reflète, à qui Robert Nicolaï adresse ces requêtes ? En tout cas, cet autre avec toute son altérité est bien un « comme » soi-même à l’image du petit garçon, d’à peu près huit ans, dessiné plusieurs fois dans l’ouvrage.
À cet autre lui-même, reflet ou modèle, Robert Nicolaï interroge « ce ciel bleu des hirondelles« . Qui est-il, cet autre moi-même ? Inspiré de Jacques Lacan, et sa symbolique de l’anneau de Moebius, il définit l’autre, comme moi, par la dynamique qu’il affiche, son langage à déchiffrer et le jeu qu’il inspire pour « sur la pointe des pieds », s’éloigner de soi.
Linguiste, professeur des universités, Robert Nicolaï est un spécialiste des langues africaines et plus particulièrement des langues songhaï. Théoricien du langage, l’ouvrage Dits Reflets et Dialogues en exploite les aspects autour de l’interrogation d’être soi en jouant avec les mots, les mariant ou les opposant pour mieux en exhaler toutes leurs essences.
Robert Nicolaï associe l’historicité, les homéostasies et les réminiscences au tissage des traces du monde en soi, à nos connexions entre imaginaire et imaginé, à toutes les projections qui incarnent notre dynamique et notre équilibre dans ce monde, telles les mobiles de Calder.
À cette recherche de sens, on y retrouve souvent Robbe-Grillet et pas seulement avec L’année dernière à Marienbad, Duchamp et la complémentarité de l’artiste et du regardeur, puis le leitmotiv récurent « Tu crois choisir, mais tu ne choisis pas », que Robert Nicolaï démentira à la fin.
Est-ce les mots qui accompagnent les peintures ou est-ce l’inverse ? Robert Nicolaï nous prouve que tout est lié, imbriqué, morcelé pour mieux s’exprimer, digéré pour être recraché comme un filament, que fait dans le ciel, le vol des hirondelles.
De magnifiques illustrations ponctuent cette lumineuse réflexion sur la condition d’être au monde, un et indivisible, pourtant si proche et identique à l’autre, et néanmoins, en apparence si différent. À découvrir !
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2024/07/09/robert-nicolai-dits-reflets/
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