Un jour de 1927, Simone de Beauvoir eut avec son père une vive discussion sur ce qu'«aimer» voulait dire. À une époque où les femmes étaient censées n'avoir d'autre aspiration que le mariage et la maternité, la jeune Simone, à 19 ans, s'abreuvait de philosophie. Par «aimer», son père entendait «services rendus, affection, reconnaissance». Simone soutenait de son côté que l'amour ne saurait se réduire à de la gratitude, à quelque chose que l'on doit à quelqu'un en échange de ce qu'il a fait pour nous.«Que de gens, nota-t-elle le lendemain dans son journal, n'ont jamais connu l'amour.»De fait, Simone de Beauvoir allait incarner, pour elle et pour les générations futures, une nouvelle conception de l'amour et une nouvelle approche de l'existence des femmes. Le couple mythique qu'elle forma avec Jean-Paul Sartre, «l'ami incomparable de sa pensée», devait pourtant éclipser sa propre carrière de philosophe. Considérée comme sa disciple, on ignora longtemps le travail à quatre mains qu'elle mena avec lui, le caractère original de sa pensée et de ses positions. Or, il est difficile de comprendre la révolution du Deuxième Sexe en ne leur rendant pas justice. Certes, Beauvoir eut une vie épique : elle croisa la route de Picasso et Giacometti, Joséphine Baker, Louis Armstrong et Miles Davis, ainsi que d'un nombre exceptionnel de personnalités littéraires, philosophiques et féministes du XXe siècle. Mais sans la philosophie, Simone de Beauvoir ne serait pas devenue «Simone de Beauvoir», ce qui est notable pour deux raisons très importantes : parce qu'il est temps d'en finir avec le mythe de Beauvoir disciple de Sartre ; et parce que leurs désaccords et leurs discussions constituent l'un des vecteurs essentiels qui lui permirent de devenir elle-même.D'après Virginia Woolf, «il y a certaines histoires que chaque génération doit raconter à nouveau». Ce que révèlent les journaux et la correspondance de Beauvoir redessine les contours de sa biographie.
DEVENIR BEAUVOIR.
Je me souviens encore de la première fois où j'ai entendu parler de Simone de Beauvoir. C'était en philosophie et elle avait été présentée comme la compagne-disciple de Jean-Paul Sartre. A cette époque, cela ne m'avait pas choquée car souvent, les autrices étaient évoquées par leurs rapports amoureux.
Puis, j'ai découvert les Mémoires d'une jeune fille rangée et la Force de l'âge. Énormes coups de cœur de la fin de mon adolescence.
Simone existait. Pleinement. Sans être définie par son lien à Sartre. Même si ce lien, bien entendu, avait joué un rôle prédominant dans sa vie.
C'est ce qui je crois m'a tant plu dans cette biographie : montrer comment Simone de Beauvoir a développé sa pensée et publié des textes essentiels. A commencer par le Deuxième sexe. Illustrer aussi son parcours. Ce comment elle est devenue Beauvoir. Cette philosophe et romancière nourrie par ses propres expériences, ses propres pensées et ses échanges avec les autres.
Cet ouvrage replace donc sur un pied d'égalité les conversations entre Sartre et Beauvoir et souligne les influences respectives qu'ils ont eues dans leurs œuvres.
Il nous en apprend un peu plus également sur le versant personnel de Simone de Beauvoir : ses amitiés, ses amours, sa peur de la mort, ses considérations sur la vieillesse, ses voyages italiens, sa prédilection pour la marche...
C'est toujours passionnant de découvrir un cheminement et je ne peux donc que vous recommander ce titre. Itinéraire d'une femme à part qui m'a donné envie de me replonger dans ses œuvres et de parcourir ses lettres à Nelson Algren.
« Comment Beauvoir est-elle devenue elle-même? A 18 ans, elle avait compris qu’il lui était impossible de fixer sa vie sur le papier, car l’existence est un processus ininterrompu ; ainsi relire ce qu’elle avait écrit dans son journal la veille, c’était avoir affaire à des momies ou dès moi morts. En véritable philosophe, elle prisait la réflexion et la mise en question permanente des valeurs sociales dominantes et du sens de sa vie ».
Afin d’écrire la biographie du Castor (surnom affectueux que lui donnait Sartre), l’autrice s’est plongée dans les cahiers de jeunesse de Beauvoir et dans ses correspondances avec ses amours contingentes. Cette matière lui permet de dresser le portrait intime d’une femme visionnaire et bourreau de travail. Elle s’astreint à un emploi du temps parfois draconien, entre études, réflexions et écritures.
Si tous les grands dictionnaires la définissent comme « disciple de Sartre », on voit bien à travers sa correspondance avec celui-ci, qu’ils font un travail à quatre mains. Ils se nourrissent mutuellement de leurs pensées philosophiques et de leurs réflexions. Ils voyagent également beaucoup ensemble. Beauvoir a eu une vie riche, elle a côtoyé des personnalités littéraires, féministes et philosophiques. Toutes ses lectures, réflexions, rencontres, voyages mais aussi ses échanges fructueux avec Sartre (accords et désaccords) lui ont permis de devenir cette philosophe singulière, indépendante et féministe.
C’est une biographie captivante, intelligente et instructive, qui se lit d’une traite et nous donne envie de nous plonger dans l
" Devenir Beauvoir " en écho à la fameuse phrase " On ne naît pas femme: on le devient."
L'ouvrage de Kate Kirkpatrick rend à Simone de Beauvoir son rôle majeur dans la philosophie de son époque et rend hommage à l'oeuvre de l'intellectuelle, trop longtemps réduite au statut de compagne ou disciple de Jean-Paul Sartre et qu'on a injustement surnommée "La grande Sartreuse" ou "Notre Dame de Sartre".
On a pour habitude de dire "Sartre et Beauvoir", peut-être devrait -t-on dire "Beauvoir et Sartre".
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