"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Fredrika Bergman et Alex Recht sont dépassés par les affaires qui se multiplient cet été-là à Stockholm : un homme portant l'alliance de sa fille défunte est retrouvé mort devant sa cheminée ; un directeur de pompes funèbres cherche désespérément son frère soudainement disparu avec toute sa famille ; une femme se bat pour protéger ses enfants de celui qui les séquestre.Alex commence à recevoir des messages anonymes : «Je remets tout en ordre.» Quel est le lien entre tous ces cas ?De son côté, Fredrika doit affronter l'épreuve la plus difficile de toute sa vie. Saura-t-elle faire face à cette avalanche de mauvaises nouvelles ?
Déluges, Syndafloder dans la version originale parue en 2017, a été publié par les éditions J'ai Lu en 2020. Le style alterne les passages narratifs dans une écriture fluide: "Tina repoussa cette idée. Elle savait précisément pourquoi elle se trouvait ici et pour quelle raison elle avait tant tardé. Cette explication devrait suffire. Elle ouvrit les placards des enfants. Ils débordaient de vêtements. Tout comme les étagères murales, qui croulaient sous les jouets, les livres et toutes sortes d'objets non identifiés. Impossible de savoir s'il y manquait quelque chose."(Page 294)...avec des passages à l'écriture plus hachée, reflétant les émotions des locuteurs: " Elle remit la photo à sa place sur la desserte. Les techniciens l'emporteraient au QG pour en faire une copie. -Cette brutalité, lâcha Alex, interrompant le cours de ses pensées. -Pardon? -Je disais que ce meurtre avait quelque chose de brutal, dit Alex, qui ajouta, presque honteux: Je veux dire, de plus brutal que...Enfin, plus que d'ordinaire. -Tout dépend avec quoi on le compare. -Evidemment, admit Alex avec une grimace. C'est ce que je voulais dire. Ce n'est pas le pire qu'on ait vu. Mais c'est...inhabituel. Regarde la plaie." (Page 47).
Faisant suite à Les Etoiles de David, qui se terminait avec la disparition de Fredrika, l'auteur reprend le fil en évoquant la situation de fin et celle de départ, sans trop en dire, juste assez pour harponner le lecteur: "Nous savons que Fredrika et vous...Enfin, si vous n'avez pas le courage de nous parler d'elle, nous tâcherons de résoudre l'affaire d'une manière ou d'une autre. Il est clair que vous êtes sous pression, mais il faut quand même que nous menions cette audition. Un collègue est accusé de meurtre, et nous devons nous entretenir avec un enquêteur qui était là depuis le début." (Page 23).
Les chapitres très courts s'enchaînent sans laisser aucun répit au lecteur. Certains sont consacrés à l'audition d'Alex en septembre, donc après les faits, dans le but de susciter plus de questions que d'informations: "-Qu'est-ce que vous n'avez pas compris? (Silence) -Qu'il fallait s'attendre à bien pire. Que la situation allait prendre une tournure aussi affreuse." (Page 87).L'allusion à des événements antérieurs qui lui sont inconnus ajoute au suspense savamment distillé: "Mais elle rejeta cette inspiration aussi vite qu'elle lui était venue. Personne ne serait prêt à l'écouter, après tout ce qui s'était passé. La police savait qu'elle avait de la chance de s'en être tirée. Que tout aurait pu -et même aurait dû- se terminer très différemment pour elle." (Page 79)..."Ce courrier lui était destiné à elle, et à personne d'autre. un article découpé dans un journal. Ecrit en espagnol, imprimé sur du papier jauni. Elle le sortit précautionneusement. L'enveloppe glissa, atterrit sur le paillasson. Et elle entendit des pas dans la cage d'escalier. Prise de panique, elle se dépêcha de pousser le verrou et entra dans la cuisine à reculons, pour s'en éloigner. Son portable. Il fallait qu'elle le regarde. Il se trouvait dans la poche extérieure de son sac de sport." (Page 59).
Eté. Temps maussade. Un homme est trouvé mort dans son fauteuil, installé face à la cheminée, par sa femme de ménage. Aucune trace de lutte. Soit la victime connaissait son meurtrier. Soit, surprise, elle n'avait pas eu le temps de réagir. Détail intrigant: sur le plateau du haut d'une desserte roulante placée non loin du fauteuil, Fredrika trouve un cliché Polaroid représentant quatre personnes, Benke, la victime, et trois autres regardant l'appareil, tandis qu'un quatrième regardait ailleurs. Qui sont les personnes de la photo? Pour quelle raison et par qui a-t-elle été placée précisément à cet endroit? Un rapport avec la mort de Beata, la fille de la victime, survenue dix ans plus tôt?
Pendant ce temps, Noah Johansson constate la mystérieuse disparition de son frère et de sa famille, soi-disant partis en Australie pour un an. Noah, qui veut en avoir le coeur net, se rend dans la maison de son frère dont il a la clé. Des détails le font tiquer: du linge dans le sèche-linge, le lave vaisselle plein, les placards débordant de vêtements. Quand on part à l'étranger pour une longue durée, laisse-t-on sa maison dans cet état, comme si on allait revenir le soir même? De plus en plus convaincu qu'il est arrivé quelque chose à sa famille, Noah, que la police ne prend pas au sérieux, est bien décidé à remuer ciel et terre pour savoir ce qu'il leur est arrivé et pourquoi est-il sans nouvelles depuis de nombreuses semaines.
Qui est cette femme prisonnière avec ses enfants dans une maison inconnue, perdue au milieu des bois? Différentes affaires incombent à l'équipe d'Alex? Existe-t-il seulement un lien entre elles? Et que signifie ce message reçu par Alex: "Je remets tout en ordre." ? Alex et son équipe se retrouvent confrontés à une enquête complexe avec plusieurs cadavres sans lien apparent, plusieurs mobiles et un seul assassin, sans qu'ils puissent comprendre pourquoi tout cela se produit précisément maintenant. Faute de preuves matérielles, ils avancent comme perdus dans le brouillard...
Fredrika, dans le même temps, est confrontée à une épreuve familiale extrêmement douloureuse. Saura-t-elle, pourra-t-elle y faire face tout en menant des investigations complexes, mettant son équilibre intérieur à rude épreuve?
Quatre ans après les événements narrés dans Les étoiles de David auxquels l'auteur fait de nombreuses allusions, Déluges raconte une autre enquête aussi complexe et perturbante. Il est à noter qu'un délai aussi long semble contradictoire avec le fait que ce qui s'y est déroulé est encore très présent dans la mémoire de Fredrika et Alex. On aurait pu penser que les affaires traitées pendant ce laps de temps écoulé en aurait estompé les contours. Mais non. C'est comme s'ils avaient dormi pendant quatre ans. Etrange...
Le +: les réunions de travail du groupe d'enquête dirigé par Alex mettent le lecteur sur un pied d'égalité avec les enquêteurs, en tout cas en ce qui concerne les informations disponibles. Ce qu'il en fera après, c'est une autre histoire. Mais c'est passionnant d'essayer de reconstituer les faits tels que l'auteur les a imaginés. Et d'exercer ainsi nos talents de détectives amateurs...
Ce qui fait la différence avec les romans de Kristina Ohlsson c'est l'importance qu'elle confère à la psychologie de ses personnages récurrents, surtout Fredrika et Alex, tenant compte de leur vie personnelle et des répercussions sur leur travail, les rendant humains et attachants. Elle signale au passage que c'est un métier exigeant tant émotionnellement que moralement, qui implique bien plus de soi si l'on ne sait pas se protéger, ce que Fredrika ne semble pas réussir au mieux malgré tout le soin qu'elle met à cloisonner sa vie privée et son travail. Particulièrement dans cet opus où Spencer, son mari, est impliqué directement dans l'enquête. En bien ou en mal, à vous de le découvrir...
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