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" Hors la théologie et la littérature fantastique, il ne fait guère de doute que les traits principaux de notre univers sont la pénurie de sens et l'absence de tout objectif discernable. " Ce propos d'Alberto Manguel est probablement ironique, mais si on le prenait à la lettre et au sérieux ?
La littérature fantastique, qu'Irène Fernandez préfère appeler " féerique ", est aujourd'hui dans une situation doublement paradoxale. D'abord elle est florissante, et elle l'est devenue, avec Tolkien, au moment même où les observateurs de la modernité littéraire annonçaient la mort du conte. Ensuite, le succès immense, mondial, de certains titres et la production abondante d'oeuvres rencontrent le mépris ou l'ignorance de la part du public cultivé et de la critique littéraire, et suscitent la méfiance souvent virulente de la part de chrétiens de toutes confessions.
Irène Fernandez veut montrer ici que ces réactions, ou cette absence de réaction, ne sont aucunement justifiées. Elle s'appuie principalement mais non exclusivement sur les quatre oeuvres les plus célèbres ou les plus classiques dans ce domaine - Le Seigneur des anneaux, Les Chroniques de Narnia, Harry Potter, et Twilight, et soutient que le genre littéraire dont elles relèvent n'est pas un genre secondaire, marginal et réservé à un jeune public, comme on peut s'en convaincre en allant de L'Odyssée à Faust (y compris son avatar moderne, le Dr Faustus). Les quatre sagas qui serviront de tissu aux analyses de ce livre sont des oeuvres littéraires à part entière, qu'il faut apprécier ou critiquer comme telles. Elles permettent de voir ce dont la littérature féerique est capable. En particulier, au-delà des qualités narratives qu'elle partage avec le roman, elle permet de traiter de thèmes majeurs où le roman est moins à l'aise, comme la responsabilité dans le choix du bien ou du mal, ou le sens (s'il y en a un) de la mort. De plus, en défamiliarisant le monde, elle invite à poser des questions sur la nature de la réalité " en une région plus centrale " [Lewis] que celle que nous propose la routine des jours. Enfin la " happy end " qui la caractérise traditionnellement, et qui est présente dans nos quatre sagas, n'est pas nécessairement de " l'escapism " - pour les croyants, ce peut même être une image du Jugement dernier.
Une littérature féerique en recherche de sens, tout en donnant un immense plaisir de lecture !
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