Des récits enthousiasmants et inattendus qui vous emmèneront aux quatre coins du monde...
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Des récits enthousiasmants et inattendus qui vous emmèneront aux quatre coins du monde...
Dès les premières phrases, « Cinq filles perdues à jamais », est hypnotique.
Viscéral, surdoué, il est d’emblée une pièce maîtresse dans le monde éditorial.
Subtil, d’une forme précise, fébrile, on est bluffé par le style (rare).
Cette capacité intrinsèque de construire une histoire si plausible, qu’elle nous frôle de près.
Les chapitres qui s’emboîtent sont des poupées gigognes efficaces et habiles.
On pourrait presque penser à des novellas. Ici, nous sommes déjà dans l’apothéose littéraire.
« Les filles debout sur le quai, chantaient l’hymne du camp de vacances, Au camp Ferevermore… Toutes se tenaient le dos droit et l’air solennel, comme des soldates au garde-à-vous. »
Campeuses en posture d’une expérience, l’apprentissage du vivre-ensemble, lampe frontale sur le lâcher-prise d’un avant. Elles sont pourtant imprégnées de leurs vécus.
Elles évoluent, confiantes et vigoureuses, et souvent des petites filles encore. Les angoisses cachées sous les plis d’un duvet nocturne, où les peurs ne peuvent se glisser. Si ce n’est par la voie du rêve. L’ambiance enfle, dans un crescendo d’épreuves pesantes pour leur advenir. Et pour cause. Mais ce n’est pas, ici, « Sa Majesté des Mouches » de Golding. Elles ne sont responsables en rien. L’île et cette bande d’enfants grandissantes, loin des baignades et de la sérénité d’un dépaysement, mais dans l’électrochoc d’un drame vaste et intime à la fois. Sur la côte nord-ouest du Pacifique, ce microcosme, où l’amitié se scelle avec un bracelet de confidences. Elles s’apprivoisent. Le clan des fillettes en quête d’un renouveau initiatique. L’apprentissage de la vie. Elles sont la cartographie de leurs habitus. Et les monitrices veillent, dont Jan la plus âgée, la vénérable du groupe. Dès la première nuit, la fatalité. Jan meurt seule dans sa tente. On ne sait pourquoi.
Dans un même écho, à la chute de ce qui aurait pu être un séjour de joie, de quiétude, les kayaks se sont détachés. Ils dérivent. Nita, Andee, Isabel, Dina et Siobhan se retrouvent seules, démunies et vulnérables. La fragilité des imprévisibilités aux abois. L’insulaire devient un piège. Ces jeunes filles éclatent en morceaux et ne résiste à la lumière que ce qu’elles cachent au fond d’elles-mêmes.
«À cette distance, il paraissait impensable que l’une de ces îles puisse les accueillir toutes les six à marée haute, et que la plus grande abrite ce qu’on pouvait appeler un village encore plus. »
la trame coopère, s’articule. Nous pénétrons subrepticement dans le bréviaire familial de chacune. Enfant, puis adulte, et le retour à la case première, le camp. L’évènementiel dramatique qui tisse les liens secrets avec l’évidence vertigineuse des conséquences qui marqueront au fer rouge ces fillettes. Les kayaks largués, la nuit œuvre à cette disparition, la mortification et l’irrémédiable.
Kim Fu fusionne avec ce récit. Elle délivre le déroulé dans une contemporanéité formidablement sincère et percutante. L’île jetée en pleine mer, avaleuse d’insouciance.
Elles vont gravir les manichéennes intransigeances du contrôle de soi.
Des peurs aux lâchetés, voire la cruauté, seule, l’endurance à la résistance aura la main.
L’excursion cauchemardesque signe la fin de l’enfance.
Dans un même tempo, ce temps d’emprisonnement dans l’hostilité la plus exacerbée, d’un lieu où elles n’ont plus ni eau ni nourriture, sera l’ascension ou le désert de leur réalisation en tant que femme.
C’est une épopée qui incarne tous les êtres, tous les rites et les déambulations pour construire sa propre identité. Ici, il est question de religion, d’amour, de maternité, de faillite parentale, de liens et de fratries.
Des phrases qui emmêlent la fiction et la résurgence des possibles, « Et comme chez Agatha Christie, elles ne furent plus que quatre. »
et celle-ci, magnifique : « Elle était repue, somnolente et satisfaite du travail accompli : un sentiment d’après-midi. »
C’est un monument filmique, fascinant, sombre, et obsédant. Sociologique, psychologique, terriblement humain, un tour de force inoubliable.
Traduit de l’anglais par Annie Goulet, publié par les majeures Éditions Héliotrope.
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