Avis de la page 100:
Un ovni! Inqualifiable et inclassable.
L'auteur démarre son propos en parlant de roman dessiné. Je trouve que c'est une bonne définition tant ce roman est à part et comme nul autre.
Des dessins, du texte et quel texte !! Le bonheur de retrouver la plume de l'auteur si...
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Avis de la page 100:
Un ovni! Inqualifiable et inclassable.
L'auteur démarre son propos en parlant de roman dessiné. Je trouve que c'est une bonne définition tant ce roman est à part et comme nul autre.
Des dessins, du texte et quel texte !! Le bonheur de retrouver la plume de l'auteur si littéraire, si descriptive et riche. Mention spéciale pour les temps usités, et notamment ce fameux passé antérieur.
Je suis sous le charme tant c'est érudit, intelligent, brillant même si je reconnais que c'est très exigeant.
Ne conviendra surement pas à tout le monde... mais ravira je pense les amoureux de la littérature.
Verdict dans 150 pages.
Chronique:
Un olni
Ce qu’ici-bas nous sommes de Jean-Marie de Robles est l’olni – objet livresque non identifié, de cette rentrée littéraire. Décalé, exigeant, « totalement barré » … et pour autant tellement intrigant et captivant. Alors, comment classer cet objet de 280 pages ? Comment parler de ce livre ?
La première solution est de paraphraser l’auteur dans les premières lignes : « Ce roman est une fantasmagorie, mais il s’inspire d’un fait réel ». Et déjà j’ouvre un dictionnaire (première d’une longue, très longue série nous y reviendrons par la suite). Il s’agit donc d’une vision fantastique, surnaturelle. Par conséquent, tout ce que vous allez découvrir n’est ni totalement imaginaire, ni totalement réel, ni totalement réaliste, ni totalement fantaisiste… mais totalement marquant.
Une autre possibilité est de le qualifier de « carnet de routes », à l’instar de l’auteur au début du premier chapitre. Il s’apparente en effet à une œuvre d’art tant ce roman dessiné est beau et unique en son genre. Chaque page est un tableau noir et blanc alliant dessins, citations, définitions et textes. Superbe !
La dernière est de laisser parler votre cœur ou votre esprit. D’aucuns vont donc parler d’élucubrations littéraires quand d’autres stopperont leur lecture par énervement ou manque d’intérêt.
« C’est ainsi que je pris conscience de ce prodige à l’œuvre dans la ville : l’immédiate compréhension entre les uns et les autres y est si parfaite que chacun, quelle que soit sa nationalité, reste persuadé que son interlocuteur parle sa propre langue, au plus haut degré de ce qu’il est permis d’attendre de sa pratique. Un Français croit que Zindãn est peuplée d’académiciens, une Anglaise de diplômés d’Oxford, d’Eton ou de Cambridge, et ainsi de suite jusqu’aux Asiatiques, aux Berbères, aux Polonais ou aux autres locuteurs présents entre ses murs. »
Zindãn et Hadj Hassan
Augustin Harbour est passionné d’ethnographie. Il entame voilà 40 ans un périple en Lybie pour y rencontrer Hamza Nedjma, un spécialiste censé connaître l’emplacement de Garama, la capitale disparue des Garamantes. Se rendant sur les lieux indiqués, sa boussole lui fait défaut et il se perd au milieu du désert. Ses ressources se raréfiant, il croit voir sa dernière heure arriver lorsqu’il tombe sur une mystérieuse oasis : Zindãn.
La suite est abracadabrantesque. Il y rencontre Hadj Hassan, le Dieu de tous, Adélaïde, Aby, la vestale Maruschka Matlich, et bien d’autres encore. Tout le monde se comprend, point de barrière de langue. Par quel mystère ?
Il se fond dans la masse et découvre les mœurs, coutumes et habitudes des habitants : les objets sacrés et les signes parleurs, les pratiques sexuelles et les tabous alimentaires. Comment ne pas citer également les différents quartiers dont les noms ne s’inventent pas : les Jujubiers, les Amazones, les mangeurs de crevettes et les trayeurs de chiennes. Aussi drôle qu’étonnant.
On y retrouve de nombreuses références littéraires, interrogations et évocations très contemporaines qui ne peuvent que faire bouillir le cerveau du lecteur. Les descriptions sont très riches, les scènes et autres paysages méticuleusement dépeints. Point de jugement asséné, mais plutôt une incitation subliminale à l’introspection et remise en question. Aussi étrange que plaisant.
« Il m’a toujours semblé qu’il fallait s’en tenir à cet aveu d’ignorance devant l’indécidable. J’étais resté jusque-là, et je pense l’être aujourd’hui encore, ce qu’on appelle un apathéiste : ni athée, ni mécréant, ni même agnostique, mais quelqu’un qui se contrefiche de l’existence ou de l’absence des dieux, parce que cette interrogation est d’ordre métaphysique, irréfutable par nature, inexprimable, au sens où Wittgenstein à la fin du Tractatus, et ne mérite donc pas l’effort d’une discussion, fût-elle philosophique. Un humaniste, en somme, dont rien ne saurait modifier l’éthique de libre arbitre et de tolérance qu’il estime nécessaire pour habiter ce monde ; ni la preuve éventuelle du néant, ni même une soudaine et convaincante théophanie. »
Dans la continuité des précédents
Aucun doute, c’est une œuvre de Jean-Marie de Roblès dans la droite ligne de toute sa production précédente. Divinement écrit, diablement érudit, Ce qu’ici-bas nous sommes régale le lecteur au fil des chapitres.
Ces derniers sont relativement similaires d’un point de vue de la construction (une dizaine de pages, pas plus), mais également de la « compréhension » tant c’est irrationnel et loufoque. Trois quarts environ sont réservés au récit de la vie de Augustin à Zindãn et le dernier quart est consacré au Ricordi, des feuillets de notes « post aventure ». Un mix du passé et du présent.
À l’instar de l’île du Point Némo, l’écriture est remarquable. Comme je l’évoquais plus haut, le nombre de mots rares est important. Le recours au dictionnaire est incontournable. De même, l’usage répété du passé antérieur régale le lecteur. Quel bonheur pour les yeux, quel plaisir pour le cerveau ! Et pour autant, que ce style si littéraire est perturbant et exigeant. Qu’il est étrange de se sentir ainsi démuni face à une telle imagination !
Il est certain qu’il faut poser son cerveau cartésien sur la table de nuit et le substituer par un esprit d’ouverture avéré. 300 pages qui ne laissent jamais le lecteur tranquille. Point de repos, point de certitude. Une prouesse époustouflante !
Vous connaissez l’auteur ? Vous serez conquis.
Vous ne le connaissez pas ? Peut-être que le découvrir vous plaira… peut être qu’après 20 pages il vous tombera des mains… peut être qu’en le refermant vous ne saurez pas quoi en penser… peut être vous aurez eu l’impression de perdre votre temps… peut être à l’inverse vous aurez envie de confirmer l’essai avec une autre œuvre de l’auteur.
Faites-vous votre propre opinion. Pour ma part, j’ai aimé tant c’est brillant et sublime.
« Mon premier réflexe fut de regarder en direction de Zindãn. La ville avait presque disparu, mais une section de muraille émergeait encore, basculée par le sapement des eaux. Elle sombra d’un coup, non sans régurgiter quantité de débris et de cadavres. »
Envoûtant et intrigant, assurément anticonformiste, Ce qu’ici-bas nous sommes est une valeur sûre de cette rentrée littéraire. Il ne conviendra pas à tout le monde, mais ravira une grande partie des amoureux du style.
Il est des livres, des univers dont l'entrée nous est interdite. C'est vrai, il faut laisser son esprit cartésien loin de ces pages pour accéder à ce roman. Dommage que tu n'es pu le faire. Pour ma part, ce sont les bouquins nombrilistes que je ne peux lire !