"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
La globalisation devient un paradigme central du débat stratégique américain alors que le "consensus de Washington" s'écroule face à une série de crises qui entament sérieusement l'optimisme néolibéral. La crise asiatique de 1997-1998 qui s'est traduite par de violents conflits (nettoyage ethnique en Indonésie, crise russe et reprise de la guerre en Tchétchénie), et l'aggravation des crises en Amérique Latine aboutit au constat d'échec du modèle de la market democracy supposée allier libéralisation économique et démocratisation. La globalisation a entraîné la prédation mafieuse, la corruption massive grévant les institutions politico-juridiques, et la décomposition sociale des États à l'économie "émergente". L'extension des "zones grises" (effacement des frontières interne/externe, public/privé, civil/militaire) confère aux acteurs non-étatiques une autonomie stratégique (et un pouvoir asymétrique), tout comme il oblige l'État à utiliser de nouveaux relais non- et trans-étatiques (diplomatie privée, intégration des ONG dans l'action politique et dans le "civilo-militaire").
Dans ce contexte la RMA (Revolution in Military Affairs) perd de sa pertinence dans la mesure où elle demeure fondée sur une approche capacitaire (intégration aux systèmes de défense des technologies de l'information, et after-next des bio- et nanotechnologies) qui a peu d'emprise conceptuelle sur la mutation sociale du militaire. Or, cette mutation n'induit pas seulement un changement dans la natures des conflits et des opérations. Elle touche également l'institution militaire américaine où elle s'illustre par un vif débat sur le rapport entre le pouvoir politique et le pouvoir militaire : des analystes de la National Defense University qui demandent l'implication de la communauté de sécurité nationale dans la décision sur l'attribution des fonds du FMI, aux généraux qui ont publiquement condamné l'auto-limitation dans les buts politiques de la guerre contre la Serbie.
La mondialisation est à considérer comme le processus géoéconomique de la globalisation : l'abandon d'une économie internationale au profit d'une "économie mondiale" qui aurait son propre principe de régulation et ne relèverait plus de l'ordre des décisions internes nationales ni des règlements étatiques. La mondialisation remet en question la hiérarchie des nations et permet des bouleversements rapides. Le pouvoir s'est déplacé des États vers les technostructures internationales, les firmes transnationales et une nébuleuse maffieuse. La mondialisation a ouvert à ces acteurs non-étatiques un condensé de puissance et renforce leurs moyens stratégiques.
Face à ce risque de "nouvelle donne" techno-économique et à terme stratégique, les États-Unis tentent de renforcer leur monopole informationnel. Dans le domaine du cyberpower la suprématie américaine peut être atteinte par l'avance qu'ils ont acquis aussi bien au niveau technologique que sur le plan de la codification des normes et standards, l'extension des vulnérabilités et la sanctuarisation. La sanctuarisation s'effectue à travers le développement d'exercices et de structures visant à la protection des systèmes. Les limites à la domination américaine dans le domaine sont le manque de techniciens compétents, et l'incertitude quant aux normes et au droit international qui vont se développer dans le domaine.
Dans le domaine de l'observation spatiale les Etats-Unis n'ont plus le monopole des systèmes, civils et militaires, et doivent faire face à la concurrence des Européens. On peut penser que le maintien du leadership américain en matière d'information d'origine spatiale va se jouer sur d'autres plans : l'exploitation de l'information (cf. la NIMA) et le développement des armes anti-satellites.
La maîtrise de la complexité de l'environnement constitue le coeur de la stratégie américaine (shaping the world) et le fondement du leadership américain. Elle permettrait la projection de puissance à moindre risque et à moindre coût, surtout dans des contextes de "zones grises". Pour gérer la complexité des nouveaux types de crises et conflits, la stratégie américaine tend d'une part vers l'intégration interarmes - jointness - et d'autre part vers l'intégration des facteurs décisionnels civils et militaires. L'enjeu de la jointness n'est pas seulement organisationnel, il est stratégique. En effet, la faiblesse de la jointness est un obstacle à l'optimisation des nouveaux outils informationnels pour la rationalisation vers plus de mobilité, de flexibilité, de versatilité et d'allègement des unités combattantes, qui à terme devrait permettre la sortie de l'ère de la "massification".
L'intégration civilo-militaire est un processus de rationalisation assurant le continuum entre les phases d'urgence, de rétablissement de la paix, de reconstruction et de développement, évitant la duplication des systèmes, infrastructures et réseaux et comblant le vide politique dans les phases post-intervention. Mais cette intégration signifie aussi une militarisation des moyens et acteurs civils et privés. Le modèle américain "intégrationniste" préconnisé dans la PDD 56 (presidential directive 56) constitue un instrument de normalisation systémique de tous les acteurs susceptibles de participer aux règlements des conflits : une grille (grid) englobant les acteurs nationaux, intergouvernementaux et nongouvernementaux, les alliances et coalitions militaires, et les médias.
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