"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Stéphane Pajot est né à Chantenay un soir glacial de février 1966. Très vite, délaissant une carrière musicale au succés aussi fulgurant qu'éphémère, il enfourcha sa mobylette et une nouvelle vocation à la recherche d'un article et d'un cliché à glisser dans sa sacoche pour alimenter le quotidien nantais Presse-Océan. Quinze ans plus tard, il poursuit son chemin, désormais en voiture, dans le même journal et signe des livres de mémoire sensible à travers le temps et l'histoire de la ville de Nantes et de sa région. On lui doit également une petite dizaine de romans dont l'un a été adapté pour le théâtre.
Nantes, du rififi chez les freaks. Au pied de porc à la Sainte-Scolasse, Gabriel tombe en arrêt sur ce fait divers insolite : « Après le suicide d'un lilliputien, disparition inquiétante d'un avaleur de grenouilles de l'Olympic Circus. » Il en frissonne. Ni une, ni deux mais trois bières au wagon-bar du TGV le mènent sur place. Gabriel, les freaks, il ne connaît pas trop mais il a toujours eu un faible pour les artistes décalés. Ça tombe bien, le courant passe avec l'homme-caoutchouc, la femme à barbe et Wanda, charmeuse sexy de serpents et de poulpes à l'occasion. Gaffe aux tentacules de la tentation. En parlant de Poulpe, il serait pas un peu freak lui aussi ? Prêt à monter sur scène ? Mais au fait, qui a avalé l'avaleur de grenouilles ? Quant au suicide du lilliputien, ça paraît plus que louche. Et qui est cet Américain surnommé l'Empailleur state building ? Freak ou voyou ?
Nouvelle enquête donc de Gabriel Lecouvreur, qui cette fois-ci prend le TGV et débarque 1h59 plus tard au buffet de la gare de Nantes. Pour ceux d'entre vous qui ne connaîtraient pas encore cet enquêteur hors norme, prière de prendre quelques infos ici ! Il a du bol Gabriel, car le voici dans Nantes avec comme guide Stéphane Pajot qui est comme-qui-dirait un spécialiste des petites rues, des histoires, des cafés, des coins insolites de la ville. Ça commence dès l'arrivée à la gare lorsque Le Poulpe rencontre un clochard, Ulysse Junior : "Ce clodo, tel que les images d'Epinal le représentaient, était une pure merveille sortie d'un conte des mille et une galères. Comme toutes les légendes entourant la vie des clochards, on devait l'imaginer dormir sur un matelas bourré d'oseille, de lingots d'or." (p.43) Les Nantais de ma génération et d'avant ne peuvent que se souvenir du vrai Ulysse, clochard mémorable du centre ville, décédé depuis quelques années et qui malgré ce qui se disait dans les rues ne dormait pas sur un lit bourré de pognon.
Et puis, on avance dans la ville : ceux qui la connaissent suivent les parcours, les autres voyagent gratuitement et peuvent presque prévoir leur future visite dans l'ex-Venise de l'Ouest.
Là où il me plaît bien aussi ce bouquin, c'est dans sa langue emplie de jeux de mots, de calembours bien trouvés : Stéphane Pajot se lâche totalement dans son écriture. Un vrai régal d'argot, de français plus châtié, d'expressions détournées : un vrai bon polar poulpien ! Un exemple parmi tant d'autres : présentant un personnage états-unien, taxidermiste de son état et collectionneur d'objets se rapportant au cirque, l'auteur fait dire à un journaliste : "Son vrai nom est Buster Mac Grégoire. Il a la double nationalité. Et tu ne sais pas comment on le surnommait en France ?
- Dis toujours.
- L'Empailleur State Building." (p.160)
Et puis ce que j'aime bien chez Gabriel Lecouvreur, c'est qu'il se lie facilement d'amitié avec les gens du cru, il se fond dans la masse des autochtones même s'il sait aussi s'attirer les inimitiés de certains et qu'il se prend régulièrement une bonne branlée. Ce roman ne déroge à aucune de ces règles.
Le petit plus ? Eh bien, outre de nous faire voyager à Nantes, Stéphane Pajot nous fait visiter les coulisses du cirque, des freaks. Une très forte touche d'intemporalité dans un roman pourtant bien ancré dans son époque qui ajoute de l'exotisme, du surnaturel. Je soupçonne très fortement l'auteur d'aimer ce contraste qu'il avait déjà exprimé dans son excellent et précédent roman Carnaval infernal.
Quoi vous dire de plus qui vous donnera envie de lire cette aventure du Poulpe ? Eh bien Cheryl est toujours aussi jolie, que dis-je, sublime ! Néanmoins, Le Poulpe n'est pas toujours insensible aux charmes des jolies jeunes autres dames. Mais chut, pas trop fort, dès fois que Cheryl passerait me lire ! Gabriel est toujours bien entouré, à la fois de ses amis de toujours et aussi de ses nouveaux amis régionaux. Il aime toujours autant la bibine, surtout la bière de petits brasseurs. Allez-y, c'est du bon !
Et pour finir, je me suis laissé dire qu'un nouveau projet de film était en marche (je ne sais pas vous, mais moi, à chaque fois que je lis une de ses enquêtes, je vois JP Daroussin en Poulpe et C. Couraud en Cheryl) ; pourquoi pas inspiré de cette enquête qui me paraît vraiment cinématographique. Bon, je dis ça, mais je ne suis pas cinéaste. Mais bon...
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