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« Qu'est-ce qu'une mère ? » est la question à laquelle ce livre prétend ne pas répondre. Question trop vaste, insondable, autant que son objet lui-même. On se tient donc, on s'en tient donc au bord. Le bord d'une mère, c'est peut-être son image, comme première désincarnation, dont on se défait mal : un malentendu ou un trop bien vu ? Et c'est d'une image que part Michel Gribinski pour aborder, une image de sa mère dont aucun récit ni aucun commentaire n'aura épuisé tout à fait l'énigme.
Comme il est préférable de ne pas demeurer seul sur le rivage, l'auteur fait appel à des compagnons. À des écrivains mais aussi à des psychanalystes qui ont écrit à leur mère. Remarquable le fait que beaucoup écrivent alors qu'il est trop tard, que leur mère a disparu : la distance d'un au-delà serait-elle propice, voire indispensable à ce dernier recours, épistolaire ? D'une bibliographie dont on peut dire qu'elle est tout sauf homogène - les mères sont fort diverses, celle de Simenon n'est pas celle de Léautaud -, il ressort toutefois une sorte d'ostinato dont la clé serait la plainte. La mère est celle à qui s'adresse toute plainte, toute réclamation ; et peu importe au fond l'objet de cette réclamation, le mouvement qui la porte est l'essentiel.
Si la question initiale demeure en suspens, c'est aussi que ce qui cherche à s'écrire est du côté de l'impensable. Au point que le maternel, la substance des mères pour ainsi dire, serait justement le contrepoint de la chose pensante, du logos, mais aussi son envers : du côté de la chose étendue, de la matière. Le « grain » ou la « chair » que l'on prête aux mots parlent de ce versant de l'écriture.
Ce qui se dessine enfin, c'est la question de la permanence : entre l'enfant, aussi ancien soit-il, et sa mère, il faut que quelque chose ne bouge pas, il faut du stable, du perpétuel, et qui sait, de l'intangible. Et si l'amour, même sans limites, ne suffisait pas, s'il n'était pas éternel, alors il y aurait plus sûr, plus indéracinable : la haine. Elle est souvent au rendez-vous.
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