"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le titre, Ajours, et son sous-titre, 43 ouvertures pour commencer le jour, semblent faire référence au Livre des morts égyptien, ou Livre pour sortir au jour... 43 propositions pour une sorte de rite, de rituel, comme celui d'ouvrir la fenêtre chaque matin. La question est peut-être : sur quoi ?
Dès les premières lignes, le texte est placé sous le signe du charme, mais aussi du paradoxe : « seulement veiller à ne pas rompre le charme // mais le jeter loin devant avec la main le bras le reste ». Faut-il le rompre, ou le jeter ? Tout au long se succèdent les propositions ambiguës, selon un dispositif à variations sur le mode seulement/pas seulement, encore/mais/mais encore, pas seulement/mais/encore/encore... Mais chacun de ces adverbes ou conjonction exprime-t-il la persistance, la réitération de quelque chose, ou son attente ; le désir (l'injonction) que cette chose cesse, ou qu'elle advienne ? Est-ce surenchère ou antinomie ? « pas seulement la désolation des ajoncs la foule des arbres que l'on fend le paysage qui nous dévore la mare dans ses vagues // mais les pommes qui tombent n'importe où la beauté là par hasard [...] la blessure bleue de l'herbe que l'on veine dans les champs // encore les atermoiements ». Les phrases elles-mêmes interrogent, avec leurs images entrechoquées et leur absence de ponctuation : « le vase des admirations à la renverse » ou « la période sanguinolente des fleurs »... Conjuration ou sortilège ?
« encore le même mot son contraire gravitations de parentés ressemblances déboussolées au fur et à mesure », « le mouvant des mots réunis » : une sorte de chant, oui, résonne à la lecture, entêtant, envoûtant, qui célèbre la liberté d'être dans une attention aiguë à tout, à la seconde (l'éphémère), au tremblement de la lumière comme de l'être (« l'affolement des feuilles » / « le coeur tremblé »), au dérisoire, au vaste comme à l'infime. Ouverture des persiennes, dessillement des yeux, ajours, donc, ces jours à l'intérieur d'un motif de broderie ou de dentelle... Hélène Lanscotte le dit elle-même (site de la Mél) : « J'ai des images et le regard qui les épuise, à l'écart. Un regard d'affamée qui se contente de peu. J'attends la trouée, patiente. Je tente de saisir la fulgurance dans le suspens de ma panique. Une panique de désir qui fige, l'oeil fasciné par la phrase. » Hélène Lanscotte, née en 1960, est lectrice à haute voix depuis 1998 au sein de la compagnie La voie des livres et a rejoint en 2001 le collectif d'artistes Les Souffleurs, commandos poétiques. Après Simplement descendu d'un étage (Cheyne, 2002), elle a publié chez L'Escampette éditeur : Portraits sauvages (2007), Rouge avril (2011) et Pas prête (2014). En 2013 elle a signé un album jeunesse, J'aime pas les contes, avec Amandine Laprun (Albin Michel). Elle a publié aussi dans les revues Gare maritime (2006) et L'Intranquille et fait partie de l'anthologie poétique francophone de voix féminines contemporaines Pas d'ici, pas d'ailleurs (Voix d'Encre, 2012).
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