"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Un texte vif, poignant qui nous transporte au milieu des sdf, des oubliés, des clochards, des trottoirs, une immersion totale dans le monde de la rue.
Quel est notre regard face à ces personnes qui sont là en bas de chez nous, sur le trottoir d'en face que l'on ne voit plus. La Manche est une lecture critique sur la société, sur ces oubliés hommes et femmes, il nous invite à nous questionner sur notre regard. Un premier roman réussi
"Il essaie de sourire aux passants et d'être toujours plus poli que poli mais ça prend pas comme il est noir et qu'il lit pas.
C'est fou comme les gens choisissent leurs pauvres."
La Manche, c'est aussi le parcours personnel du narrateur, tissé au fil des pages Comment un jeune homme qui vivait dans un appartement à Ivry avec sa mère et son frère s'est-il retrouvé à la rue ?
Un très beau moment de lecture
Il est très jeune, vingt ans à peine, et vit dans la rue, il fait La Manche. Il n’a pas de prénom, car il pourrait être n’importe lequel des SDF que nous croisons sur le trottoir. Mais comment si jeune est-il arrivé là ?
Le hasard, la malchance, le frère qui boit puis qui est addict au crack, la famille qui va expulsée, et la mère qui demande à son benjamin de squatter quelque temps chez des amis, le temps que la situation catastrophique s’arrange, tout un concours de circonstances qui font que la situation explose, et que la rue devient la seule porte de sortie.
Et dans la rue, sur certains coins de trottoir, la place est difficile à gagner et à conserver. Car chacun est le maître de son domaine.
Le quotidien tourne alors autour d’une petite bande de SDF qui partage les galères. Philippe l’intello, qui lit et relit sans cesse les quelques livres qu’il a pu sauver, Moussa qui a quitté le sable brûlant et l’exploitation des jeunes vendeurs à la sauvette sur les plages africaines pour venir zoner à Paris, Tamas et sa famille de Roms, bien installés sur le trottoir là où plus personne n’ose passer. Chacun tente de survivre, fait la manche, chante, implore, engueule, râle, joue une musique minimaliste dans les rames du métro sans y être autorisé, pour essayer de gagner tout juste de quoi ne pas mourir de faim.
Et soudain, la rencontre qui pourrait tout changer avec Élise, poétesse du désespoir qui se méfie des hommes, car il est difficile d’être une femme et de vivre dans la rue.
La rue, c’est avoir froid, avoir faim, avoir soif.
La rue, c’est être devenu totalement invisible, ou terriblement dérageant, c’est selon.
La rue, c’est aussi avoir peur.
Et chaque jour tendre la main, quémander, implorer, supplier, s’avilir à implorer la charité, quelques pièces, rarement un billet.
C’est aussi trouver plus pauvre, plus paumé, plus sale, plus maigre, plus désespéré.
Une idée de départ assez intéressante, le point de vue d’un jeune homme qui aurait pu devenir autre chose qu’un clochard mais qui l’enlise dans cette vie parallèle.
Le roman écrit à la première personne donne une grande crédibilité à ce narrateur, force le lecteur a entendre la difficulté d’un quotidien brutal et sans pitié, et parfois surprenant d’humanité.
L’auteur porte un regard parfois brutal sur une société qui oublie les siens, les rend invisibles, les rejette, et a certainement beaucoup de mal à leur trouver une place. Aucune complaisance dans ce regard acéré vers le prochain, tant celui de la rue que celui qui est bien intégré dans la société, le ton est virulent, amer, incisif, sans concession.
Mais j’ai parfois trouvé ce ton dérangeant.
Oui, le système est compliqué et y trouver sa place parfois impossible, oui dans certains quartiers les habitants sont plus riches que d’autres, et oui sans doute aussi certains ne répondent jamais, ou en pensant avoir réalisé la bonne action journalière qui leur donne bonne conscience.
Et alors ? Est-ce pour autant qu’il faut les dénigrer, les vilipender, les regarder de haut. La société est faite d’inégalités, la misère est parfois criante, mais peut-on alors tout casser pour tout changer, faut-il systématiquement pointer du doigt les plus aisés, et d’ailleurs, qui nous dit que ceux qui travaillent n’ont pas eux aussi tellement de mal à joindre les deux bouts. Cela veut-il dire qu’il faut arrêter de donner, puisque ce n’est que pour soi que l’on cherche à faire le bien, pour la sérénité de son âme.
J’ai aussi trouvé à certains moments le ton suffisant, presque arrogant envers une société certes coupable de silences ou de regards tournés ailleurs, mais pas toujours, pas seulement. Peut-on juger ceux qui donnent, ceux qui s’arrêtent, et en faire des imbéciles sans les connaître.
Bien sûr, je comprends que l’auteur a voulu faire bouger les lignes, rendre chacun responsable dès qu’il voit un mendiant, lui donner envie de tout changer. Mais si le droit au logement par exemple, est déjà inscrit dans nos textes, son application est loin d’être la réalité…
https://domiclire.wordpress.com/2024/09/07/la-manche-max-de-paz/
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