"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Darren Vender, jeune afro-américain de 22 ans, est barista chez Starbuck à New-York. Bien qu’un peu surqualifié pour le job, il s’en contente et l’ambiance avec ses collègues est bonne. Il vit chez sa mère, il a une petite copine adorable et il ne lui en faut pas plus pour le moment pour être heureux. Mais un jour, il arrive à convaincre un chef d’entreprise de changer de boisson favorite, au moyen d’arguments efficaces. Cela impressionne tellement ce jeune cadre dynamique qu’il invite Daren à postuler dans sa start-up comme vendeur. Darren accepte et met ainsi un pied dans un monde surréaliste du capitalisme échevelé des start-up américaines, qui peuvent faire de vous un homme riche en un rien de temps, pourvu que vous ne vous encombriez pas trop de scrupules.
Dans « Buck & moi », Mateo Askaripour raconte à la première personne l’ascension fulgurante d’un jeune noir américain, embauché sur un coup de dé dans une start-up, ascension presque folle qui se terminera dans un flot de rancœur, de violence et de haine quasi surréaliste, tout du moins aux yeux de l’européenne que je suis. Au début du roman, Darren est un jeune garçon intelligent et adorable, attachant et dont l’intelligence saute aux yeux. On est est très en empathie avec lui jusqu'au milieu du roman car il fait un peu office de candide dans ce monde étrange de la start-up Sumwun. J’ai mis un bon moment, à l’instar de Darren, à comprendre ce que vendait cette start-up, et même arrivé au bout du roman je ne suis pas certaine d’avoir bien cerné les contours fumeux de son activité. Elle est censée vendre, ça c’est sur, mais vendre quoi ? En tout cas, l’ambiance à l’intérieur de cette entreprise est faussement cool : on se tutoie d’emblée, on fait de spots et des fiestas monstre entre collègues mais on forme les petites nouveaux avec des épreuves qui tiennent davantage du bizutage qu’autre chose, on leur donne des objectifs chiffrés monstrueux. Derrière la fausse bonhomie de l’entreprise se cache le capitalisme sauvage le plus cruel et cynique dont l’Amérique est capable, et ce n’est pas peu dire. Darren s’accroche, pour que sa mère soir fière, pour montrer qu’il peut réussir. Le souci c’est que vers le milieu du roman un drame personnel le fait basculer du côté obscur. Totalement embrigadé par Sumwum (on n’est pas loin de la secte et du lavage de cerveau par moment), il devient odieux, détestable et encore plus cynique que les leçons de marketing qu’il a (trop bien) assimilé. Convaincu qu’il peut « faire école », le voilà qui entreprend de répandre la bonne parole de vendeurs auteur de lui. Et comme aux USA tout finit par revenir invariablement à la question raciale, cette mégalomanie galopante par finir par se retourne contre lui, dans une sorte de leçon karmique bien méritée. « Buck & moi » n’est pas forcément un roman facile à appréhender au début, je le reconnais. Surtout que ce monde des start-up nous est si étrange qu’on a bien du mal à trouver nos marques. Mais passé ce temps d’adaptation, on est assez captivé par le parcours fou de ce jeune homme intelligent, qui a oublié un peu vite qu’il était noir et qu’en Amérique, cela finit toujours par poser problème. A partir du moment om la question raciale entre en jeu, la situation dérape entre extrémismes de deux côtés. « Buck & moi » pose la question crument : aux Etats-Unis, peut-on réussir quand on est noir sans que cela vienne, un jour, poser problème aux blancs. Au-delà du monde des start-up, c’est la question raciale qui est bien au centre du roman, car si Darren avait été blanc, avec la même intelligence, les mêmes talents, la même dose d’audace et de chance, son parcours aurait été très différent et il n’aurait pas fini comme il fini à la fin de « Buck & moi ». Ecrit dans un style agréable, émaillé de petites incursions où Darren s’adresse à nous (comme si nous étions nous aussi en formation de vendeur), le roman est agréable à lire, souvent édifiant, parfois perturbant car c’est difficile de détester un personnage qu’on a d’emblé apprécié. En tous cas, ce qui est sur, c’est qu’il pose des questions fortes sur l’Amérique d’aujourd’hui, et sa capacité inouïe à toujours tout ramener à la couleur de peau en général, et à la couleur de peau noire en particulier.
Amateurs de caféine, comment aimez-vous votre café?
Comment réagiriez-vous si un barista de chez Starbucks vous forçait la main pour tenter une nouvelle expérience gustative ?
Darren Vender, un jeune homme noir vivant avec sa mère a finalement joué son avenir grâce à un coup de poker audacieux: Inciter un habitué à changer ses habitudes pour une autre boisson. À ce moment-là Il était loin de se douter que ce client allait lui ouvrir les portes d'une start-up en plein essor.
Entre poudre aux yeux et excès en tout genre dans un monde où les discriminations sont de mises, le moindre faux-pas conduit à une descente en enfer qui n'est jamais loin.
Dans ce premier roman Matéo Askaripour nous dresse une fable du monde moderne de l'entreprise et de ses nombreuses dérives. On y découvre de courts chapitres où l'auteur prodigue dans certains encarts des conseils de ventes (dont la plupart s'adressent plutôt à une population afro-américaine).
Même si cet ouvrage est intéressant et montre à quel point les États-Unis n'ont pas évolué concernant la question du racisme alors qu'en même temps ce pays offre de nombreuses opportunités, j'ai été un peu déçue de ma lecture. Je m'attendais comme le signalait le bandeau à un ouvrage à "l'humour corrosif' que je n'ai pas retrouvé. J'ai plutôt eu l'impression de lire un essai sur le monde du travail.
Je tiens à remercier les Éditions Buchet-Chastel et Netgalley France pour cette lecture qui m'a fait un peu penser au film du Loup de Wall Street concernant le monde de l'entreprise américaine et ses dérives.
Darren a le choix. Entrer à l’université, comme son statut de major de promo au lycée le lui permet, ou préparer des cafés au Starbuck en compagnie de son équipe. Mais le jour où il a convaincu un client d’essayer autre chose que son breuvage habituel, sa vie va basculer. Le client en question est à la tête d’une start-up qui vend du vent, du service que l’on peine parfois à comprendre, mais l’argent est à la clé. Il suffit juste de convaincre les interlocuteurs que l’affaire est juteuse pour eux.
Tout ça n’est pas sans répercussions : dans l’entourage de Darren, les relations se modifient. Les amis de Darren doivent composer avec le nouveau statut du jeune homme qui perd de vue l’essentiel, l’amitié, la complicité d’une jeune femme amoureuse, mais aussi la fragilité d’une mère en sursis. Darren s’est trouvé une place au soleil mais s’est perdu dans sa lumière.
En prenant conscience de ce qu’il a voulu ignorer, il tente de réorienter ses acquis pour se rendre utile …
Chronique sociale qui explore le champ du racisme et de l’exclusion vus de l’autre côté du miroir, le roman est une critique acerbe du monde de l’entreprise version vingt-et-unième siècle, épinglé jusque dans ses dérives de langage. L’ambiance potache de la boite est très drôle, avec ses rites d’accueil, ses codes de conduite mais on n’oublie pas la cruauté d’un monde où il n’existe pas de droit à l’erreur. Ce qui pourrait sembler caricatural est sans doute très proche de la réalité.
Quand à Buck-Darren, il a suffisamment d’humanité pour finir par reconnaître ses failles, d’autant que la vie se charge de le ramener à la réalité d’un monde ou rien n’est éternel.
Satire réussie du milieu du travail, original par sa forme (les apartés explicatifs pour le lecteur béotien apportent un peu de distance au moment où le récit s’accélère), la lecture en est addictive..
416 pages Buchet-Chastel 10 mars 2022
Traduction (Anglais) : Stéphane Roques
Mateo Askaripour, né aux États-Unis, d’un père jamaïcain et d’une mère iranienne, après avoir travaillé comme directeur des ventes dans une start-up s’est tourné vers l’écriture et œuvre aujourd’hui à l’intégration des minorités dans le monde de l’entreprise.
Buck & moi, son premier roman entré dès sa sortie sur la liste des best-sellers du New York Times, m’a beaucoup plu tant il est frais, drôle et unique dans son genre.
L’auteur dédicace son livre « À tous ceux qui se sont fait traiter un jour comme des moins que rien, je sais ce que c’est ».
Darren Vender, 22 ans, vit avec une mère aimante, à Bed-Stuy, un quartier de New-York situé dans l’arrondissement de Brooklyn. Il a une petite amie très attentionnée, Soraya, qu’il appelle « sa wonder woman » et son meilleur pote est Jason, toujours prêt à le soutenir.
Bien qu’étant sorti Major de sa promotion, démotivé, il a abandonné ses rêves universitaires et travaille comme barista dans un Starbucks de Manhattan.
Mais voilà qu’un truc incroyable se produit avec un client du café. Instinct ou hasard ? Alors que celui-ci lui demande sa boisson habituelle, Darren parvient à le convaincre d’en choisir une autre. Impressionné, l’homme d’affaires, Rhett Daniels, lui propose de le rejoindre chez Sumun pour un entretien d’embauche.
Darren finit par accepter à contre cœur de rejoindre l’équipe.
Après un entretien surréaliste, il subit une semaine de formation et de tests qu’il qualifiera comme semaine de l’enfer, découvrant qu’il est non seulement le seul vendeur noir mais aussi la seule personne de couleur de toute l’entreprise. Il intègre enfin l’équipe de commerciaux de cette start-up au succès fulgurant, pour qui il est devenu Buck.
Il se métamorphose en vendeur impitoyable, et atteint son objectif, à savoir, le pouvoir, le statut, et bien sûr l’argent, mettant par la même occasion sur le bas-côté sa vie d’avant.
Mais, peu à peu, il se rend compte qu’il ne veut plus être le quota de minorité de son entreprise, et va œuvrer alors dans ce sens.
Si Rhett lui avait donné la chance de sa vie, cela lui avait coûté sa liberté.
Ce roman est bien plus qu’un manuel de parfait vendeur. Il nous apprend que tout commence dans notre cœur, que la vente c’est d’abord un échange d’idées, le fait d’essayer de faire comprendre notre point de vue, de défendre nos intérêts et ceux des gens qu’on aime. Il faut avant tout croire dans notre message pour pouvoir le formuler de façon à ce qu’il résonne auprès des autres.
Si on ne croit pas vraiment en ce qu’on vend surtout quand il s’agit de la vision d’un monde différent, personne ne l’achètera, tel est le message que délivre Buck & moi.
Beaucoup d’action, de rebondissements, d’amour, de trahison, d’humour aussi et des personnages attachants comme le héros Darren-Buck, ce jeune homme complexe dont la verve peut être intarissable, mais aussi cette maman qui force l’admiration tout comme la sublime Soraya, rendent ce roman, absolument original, parfois presque déjanté, au vocabulaire branché, à l’humour corrosif qui, tout en nous tenant en haleine, nous laisse comme hypnotisé.
Mateo Askaripour fait preuve également d’audace dans son récit en intercalant dans sa narration quelques apartés de Buck s’adressant directement au lecteur pour lui donner quelques clés ou conseils, et ce, en caractères gras.
J’ai été admirative face à la force, la détermination et à la volonté dont fait preuve le héros à partir du moment où il comprend que ce qui l’a motivé depuis le début c’est la liberté ; «j’ai compris que c’était la liberté qui m’avait motivé depuis le tout début. Pas l’argent, pas le pouvoir, pas le besoin de me prouver des choses, ni même de rendre Maman fière de moi, mais la liberté de respirer où je veux, quand je veux, comme je veux, et avec qui je veux dans ma belle peau noire ».
Admirative surtout de le voir partager et transmettre son savoir pour permettre à d’autres d’être LIBRES !
Buck & moi est un roman social très contemporain qui montre combien encore, le comportement de la police n’est pas le même selon la couleur de peau. Si le Noir est forcément coupable, tout riche blanc n’a qu’à faire usage de ses relations lorsqu’il se fait pincer par un flic. En épilogue, Mateo Askaripour décrypte également les lois sur les stupéfiants, montrant comment elles peuvent être un piège pour les Noirs ou les Latinos.
Une couverture colorée et attrayante avec un dessin très représentatif du contenu ne peut que vous inciter à entrer dans cette satire inoubliable !
Un grand merci à Babelio et aux éditions Buchet - Chastel pour cette étonnante et agréable découverte !
Chronique illustrée à retrouver sur : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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