"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ninon Moinot est concierge d’un immeuble vide. L’heure de retraite approche et elle devra quitter son logement de fonction. Où ira-t-elle ? Elle ne sait pas. Alors quand son patron lui propose en viager sa pension de retraite contre un conteneur sur un cargo avec les repas compris, elle se dit que c’est une bonne solution.
Mais au bout d’un an de tour du monde dans son conteneur, elle n’en peut plus. Elle essaye de joindre la compagnie en vain. Elle est bloquée jusqu’à sa mort sur ce bateau. Elle se renseigne auprès d’une avocate et ainsi commence une correspondance décalée.
Le roman est constitué uniquement de lettres. C’est drôle et c’est une sacrée satire de notre société que Magali Desclozeaux nous propose.
Ce livre figure parmi la sélection du prix Hors Concours. Il était d’ailleurs parmi mes 5 finalistes. Voilà un livre idéal pour se détendre pendant les fêtes de fin d’année !
« Ainsi je mourrai là où je loge. Dans une boite. »
« Une loge en mer » est un récit épistolaire à plusieurs mains. Magali Desclozeaux dévoile une histoire maîtrisée à l’extrême. Plausible, intuitive, elle pointe du doigt là où ça fait mal, à l’instar d’une satire sociétale dotée d’une sacrée finesse. Ninon Moinot est l’expéditrice principale des missives et pour cause. Prise en tenailles dans l’ubuesque, bouc-émissaire, elle est prise au piège dans les mouvances intestines par un propriétaire peu scrupuleux d’un porte-conteneurs, celui du Ship Flowers. Ninon Moinot est gardienne (loge) dans un immeuble. A la retraite cette dernière signe un contrat de pension viagère avec Félix de Cuïus. Ce dernier lui promet le gîte et le couvert sur un porte-conteneurs, dans une boîte (loge-conteneur) avec tout le confort possible. Sa faiblesse et sa naïveté vont s’avérer fatales. Jamais elle ne touche sa pension, cette dernière est détournée et directement versée sur un compte dans un paradis fiscal. Le destinataire de ses réclamations, Félix de Cuïus est abonné absent. C’est le Rocher de Sisyphe en puissance pour Ninon et le pot de fer contre le pot de terre. La société du Ship Flower aux dix-mille conteneurs est avant tout le symbole de la finance outrancière et de la toute-puissance. Ninon Moinot est une victime, celle de la corruption et des paradis fiscaux. Sur le porte-conteneurs, voyage infini, Ninon n’a pas le mal de mer. Malgré le spartiate, la fragilité de sa vie, elle prend ses marques. Le porte-conteneurs est un emblème. La transmutation de sa loge terrestre à sa boîte maritime. De fil en aiguille, de vagues en vagues, de lettres en lettres, tout devient arborescence et résolution plus que solution. Elle est dans cette intuition de l’urgence et d’aucuns réagiront d’une façon ou d’une autre face à cette situation périlleuse pour Ninon. Rester coûte que coûte toute sa vie en pleine mer ou abattre immanquablement la carte de la défaite et résister. Le récit se rebelle. Ninon va bousculer les diktats d’une société vautour. Grâce à Aimé sans doute ! Les rôles s’inversent. Que va-t-il se passer ? « Une loge en mer » est engagé. Il dénonce l’ubuesque administratif. L’épistolaire est une vague insistante et pragmatique. Une belle qualité pour Ninon qui heureusement est néanmoins une combattante. La mer, ici, est symbole. L’infini des contraintes et des soumissions. Batailles après batailles, Ninon arrivera-t-elle au rivage apaisé un jour certain ? « Une loge en mer » est une correspondance grinçante, un électrochoc, une loge Radeau de Géricault. Vous ne verrez plus un porte-conteneurs comme avant cette lecture qui happe tant sa force est une lame de fond. C’est un sujet grave, un livre nécessaire et bénéfique. Brillant. En lice pour le prix Hors Concours 2021. Publié par les Éditions du Faubourg.
Voici un roman épistolaire d'un nouveau genre. Magali Desclozeaux retrace dans «Une loge en mer» l’échange de lettres entre une ex-concierge qui vogue désormais sur un porte-conteneurs et divers correspondants censés l’aider à résilier son bail. Dépaysant!
Ça ne pouvait guère finir autrement. Un immeuble parisien qui se vide de ses habitants n'a plus besoin de concierge. D'autant qu'il va être transformé en parking. Alors, après avoir entretenu durant quelques mois le bâtiment désert, Ninon Moinot a dû rendre son tablier.
Mais plus surprenant, elle a échangé sa loge de 18 m2 contre un nouvel espace de 12m2: elle vit désormais dans le conteneur n°124328 sur le Ship Flowers l'un de ces immenses cargos qui parcourent les océans, transportant des marchandises d'un continent à l'autre. Dans sa seule valise elle a emporté ses économies - les étrennes accumulées au fil des années - ses sabots d'infirmière aux semelles antidérapantes et son thermos de café.
Elle a accepté la proposition de De Cuïus, le propriétaire de son immeuble, qui ne donne plus signe de vie depuis plusieurs semaines. Ce qui est très contrariant puisqu’elle souhaite résilier son bail. Elle s’adresse aussi à l'administration qui n'a rien changé de ses habitudes ubuesques, à une conseillère qui va s'avérer sénile et, en désespoir de cause, à un jardinier avec lequel elle ne pense que pouvoir relater son expérience avortée de faire pousser une plante sur son porte-conteneur. Ce dernier, Aimé Cosat, va s'avérer être son allié le plus précieux. Outre le fait qu'avec Ninon il voyage par procuration, il ne va pas renoncer à retrouver De Cuïus ou ses héritiers. Complétons la liste des correspondants de la passagère du Ship Flowers avec l'ancienne cuisinière qui, tout comme Ninon, a l'impression de s'être faite «enfumée» en confiant ses biens à la société financière gérée par leur ex-patron. Elle envisage même de la rejoindre sur le Ship Flowers qui pourrait recourir à ses talents. Un projet qui ne se concrétisera pas. D'autant qu'à la suite d'une erreur de manutention son conteneur est débarqué en plein désert.
Et même si tout finira par s'arranger, Ninon Moinot décide qu'après plus de trois années en mer, il est temps de retrouver la terre ferme. «Je n'en peux plus, les os rouillés, les articulations grippées, je peine à aller de l'avant. Rien de grave à ça, je n'ai pas d'issue à mon avenir. J'ai choisi d'embarquer autour du monde. Ça m’a fait rêver. Passée la deuxième année, le rêve a viré. Ça arrive. Il faut savoir perdre. J'ai entamé le dernier tour de piste de la boîte à chaussures. La tournée d'adieu de Lady Shrimp. Dans moins de 77 jours maintenant, je quitterai la scène.»
Un projet que les aléas de la navigation mais plus encore les fils tissés par le commanditaire du bateau vont venir contrarier. De nouvelles surprises et quelques rebondissements l'attendent avant la fin de son Odyssée.
Magali Desclozeaux, en renouvelant le genre du roman épistolaire, joue avec ce temps qui s'étire très différemment sur un porte-conteneur et nous démontre les effets d'un très long confinement. Quand par exemple, il empêche de voir les gens, quand l'attente des informations vire à l'obsession et, lorsqu'elles arrivent, ont déjà été périmées par un nouvel événement. Sans parler des vagabondages de l'esprit, propre à imaginer des choses, à combler les vides. Bien entendu, toute ressemblance avec une situation du même ordre infligée au lecteur ne saurait être que fortuite!
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