"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L’histoire de Lucien est étonnante, déroutante, angoissante parfois mais, patience, il faut aller jusqu’à la révélation finale pour en apprécier toute la saveur.
Ma rue à moi, de Laurent Quenneville, débute dans une chambre d’hôpital aux murs blancs. Lucien est allongé. Son corps refuse de bouger. On ne sait trop quel âge il a : 8… 9… 10 ans…
Ce qui est sûr, c’est qu’il a froid, n’a plus d’appétit et qu’il a peur de Madame Petiteignes, la Directrice. Heureusement, Joseph, l’interne béninois est à son écoute et lui donne une couverture.
Alors qu’il est en plein désespoir, il entend une voix, dans un coin de sa cervelle, qui l’incite à réagir, à explorer « son précipice », découvrir qui il est exactement. Cette voix intérieure, est-ce sa conscience, son subconscient ? Il ne sait pas mais motivé par elle, Lucien David décide de traverser le mur blanc de sa chambre…
Commence alors un bien étrange voyage marqué par les phrases, les lettres, leur taille, leur corps, leur police, termes techniques qui intriguent. Laurent Quenneville démontre alors une imagination fertile avec de riches trouvailles sur ces phrases qui vous embarquent et ces lettres qui luttent pour ne pas être oubliées, comme cet omega, ce O grec, sorte de travailleur émigré heureux de trouver un poste déclaré sur la devanture d’un restaurant proposant des spécialités grecques, bien sûr !
Enfin, il y a Robert, le rat au pelage multicolore qui a subi les effets secondaires causés par les médicaments. Il lui renifle le ventre, parle de son cousin, le rat des champs victime d’un nouveau produit pour faire pousser plus vite sa récolte. Au fait, il s’appelle comme son voisin de chambre…
Au fil de ma lecture, je suis intrigué par « ARBEIT MACHT FREI » qui revient à plusieurs reprises comme « A 349507 » dont l’épilogue résoudra l’énigme. Avec toutes ces rencontres, cette Chloé si belle dont il tombe aussitôt amoureux avant qu’elle disparaisse et cette rue, cette maison, ce désert, tout ce sable se révélant un amoncellement de lettres… Que de mystères ! Que de questions !
Ma rue à moi est d’une écriture soignée offrant quelques mots rares au passage comme épair, arénacé ou encore haftling, mot allemand signifiant détenu, prisonnier… Les chapitres assez courts ne sont jamais ennuyeux même si, à plusieurs reprises, je me suis demandé où Laurent Quenneville pouvait bien m’emmener.
Inévitablement, j’échafaudais des hypothèses se révélant inexactes au fil des pages et je salue le talent de l’auteur qui a su me conduire au bout de l’histoire de Lucien David avec tact, imagination, un peu de fantastique, beaucoup de poésie et tellement d’humanité.
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Lucien est alité. Il est entouré de murs blancs, trop blancs, et aimerait être capable « d’arracher d’un coup sec tous ces tuyaux pleins de fausse vie ». L’ensemble de ses membres, tous, les 224, vient de lui annoncer une grève surprise. Il décide alors de ralentir son cœur pour être enfin libéré et ainsi « Adieu les fourmis ! Les ombres envahissantes ! Les membres réfractaires ! » Mais voilà qu’une petite voix l’interpelle, lui conseillant qu’au lieu de se plaindre, il ferait mieux d’aller voir derrière ces murs et d’aller à la découverte de son précipice, pour apprendre qui il est. Un seul moyen pour entreprendre ce voyage, embarquer à bord d’une phrase, saisir la première phrase intéressante qui passe et sauter dessus.
Lucien va alors nous embarquer avec lui dans ce périple initiatique extraordinaire et époustouflant.
Imaginez un quai avec des phrases de toutes sortes arrimées au ponton et Lucien devant en choisir une. La vue de ces phrases le conduit à des réflexions existentielles et lui procure d’étranges sensations. Et même de terribles émotions et d’horribles frissons vont l’étreindre à la découverte d’une certaine phrase à la police impressionnante.
J’ai été stupéfaite par l’originalité et l’imagination débridée dont a fait preuve Laurent Quenneville dans ce roman, à l’allure de conte, pour aller à la rencontre de soi-même et comprendre qui l’on est et j’ai été éblouie par cette écriture magnifique, ciselée et unique, au vocabulaire riche. Ma rue à moi est une véritable ode aux lettres, aux mots, aux phrases, à la littérature en général.
L’auteur jongle avec les mots, avec les phrases mais son récit teinté de poésie n’est pas pour autant dénué d’humour, notamment lorsque Lucien va faire connaissance avec cette lettre étrangère, cette lettre grecque Oméga. Ce sera l’occasion pour l’écrivain d’évoquer entre autres les langues mortes, la mondialisation, les migrants. Et lorsque « ce O deux fois plus grand mais non fermé et muni de deux pieds qui dépassaient de sa base et qui lui donnaient l’allure de Charlot », parle à Lucien avec l’accent, je suis restée comme lui bouche bée ! De même lorsqu’il va se retrouver dans la manifestation des lettres, en présence malgré lui du z qu’il n’avait pas reconnu, à sa question : Qui es-tu ? Celle-ci répondra : Za ne ze voit pas ? Ze suis la dernière pardi !
Quant à l’épilogue, il m’a permis d’éclairer ma lecture et de mieux comprendre certains épisodes de cette expédition onirique. Tellement sous le charme, je n’ai pas résisté à une deuxième lecture, ce qui m’est plutôt inhabituel, afin de m’imprégner encore davantage de ce si bel ouvrage !
La force de l’auteur est d’avoir fait de cette aventure fictionnelle, un propos universel qui touche chacun de nous.
Ma rue à moi, ce roman aux nombreuses métaphores devrait combler tous les amateurs de belles lettres et de beaux mots !
Je remercie Julie qui m’a permis cette magnifique découverte !
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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