"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Je n'ai jamais été déçue par Jean-Philippe BLONDEL. Pourtant c'est ma crainte à chaque fois que je prends un nouveau roman de lui. Si on ne m'avait offert le premier, je ne me serai peut-être jamais tournée vers lui. Les 4èmes de couverture ne peuvent rendre toute la beauté de ses textes, elles paraissent fades. Alors une fois encore en prenant "Un hiver à paris" j'ai eu peur que ce soit celui qui me ferait douter de Blondel. Mais non. Cet homme est un génie de l'âme humaine. Il manie les tragédies de la vie avec pudeur, sans cri, ni théâtralité. Il préfère la douceur au drame. Et à chaque fois, il m'attrape, me secoue et m'enveloppe dans une sorte de torpeur. Je souffre avec ses personnages mais je n'ai pas le droit de pleurer, eux-même ne le font pas. Au-delà des maux, ses héros veulent vivre. Merci M. Blondel.
"Un Hiver à Paris" est le récit honnête et sincère d’un provincial monté à la capitale dans les années 80 pour ses études de Lettres. Confronté à l’exigence des classes préparatoires et à la compétition entre étudiants, il passe une première année difficile, se sentant exclu de ce monde élitiste qui ne lui correspond aucunement. Mais un drame va tout changer.
C’est une prose sur la vie et la mort qui nous est contée. À travers une écriture pleine d’esprit, aussi érudite que fluide, Jean-Philippe Blondel nous plonge dans l’univers difficile d’un jeune adulte de dix-neuf ans qui se cherche et qui va s’engager sur le chemin de l’opportunité que trace la mort soudaine d’un de ses camarades.
En effet, Victor, le narrateur, nous emmène dans les couloirs d’un lycée parisien qui ne laisse aucune place à la douceur de la jeunesse mais plutôt à la dureté du monde adulte. Nous ressentons toute la difficulté de s’intégrer et de réussir une vie sociale alors que les études demandent rigueur et prennent toute la place. À peine Victor a-t-il réussi à apercevoir une ébauche d’amitié avec Mathieu, cet étudiant en hypokhâgne de dix-huit ans aussi désorienté que lui, qu’un drame surgit et balaie ses espoirs. Au beau milieu d’un cours, depuis la salle de classe d’en face, une insulte se fait entendre, puis après quelques secondes de silence, un bruit mat, et un cri. Mathieu gît au rez-de-chaussée. Il a sauté.
C’est lors d’un cours de français donné par Mr Clauzet, un professeur réputé pour ses sarcasmes et ses humiliations envers ses élèves, que Mathieu est brusquement sorti de la salle et a enjambé la rambarde de l’escalier. Mais est-ce pour cette raison que Mathieu s’est suicidé ? Que se cache-t-il derrière ce geste désespéré et brutal ?
Le roman tourne autour des causes probables comme pour résoudre une enquête policière, mais de façon subtile. Il aborde au fil de l’eau la solitude, le stress, les relations familiales et l’orientation sexuelle. Aussi, il traite la mort comme un élément déclencheur et révélateur de la vie. Ainsi, Paul, l’élève brillant et populaire du lycée, cessera d’ignorer Victor et contribuera à élever les relations sociales de ce dernier. S’en suivra un enchaînement de situations et d’opportunités sans que rien ne soit prémédité. La mort a cela qu’elle ouvre subrepticement des perspectives aux proches des disparus.
Mais au travers de l’éclaircie qui pointe dans le ciel de Victor, le fantôme d’une amitié tuée dans l’œuf continuera d’investir une partie de son esprit, tout comme « le manque de ce qui n’avait pas eu lieu ». Parce qu’après un tel drame, rien n’est plus jamais comme avant.
Les relations familiales sont ici largement développées. La difficulté de trouver sa place, d’attirer l’attention et la reconnaissance de ses parents, leur amour aussi, et la façon dont le deuil s’immisce dans la vie d’un père et d’une mère. Ce besoin de comprendre les gestes et les paroles d’un enfant qu’on ne connaît pas aussi bien qu’on le pense.
L’auteur a ce don de faire passer les émotions, de retranscrire les relations humaines et de happer son lectorat. Ce roman de moins de 200 pages est dense et riche d’humanité, une pépite, une spirale émotionnelle qui place la mort telle une fenêtre ouverte sur l’ailleurs et l’avenir des vivants.
Comme l’écrit si bien Jean-Philippe Blondel dans cet ouvrage, « c’est le propre du roman d’amener le lecteur à renoncer au sommeil » et « la prose a gagné le combat. On ne peut plus lui résister ». Nul doute que vous ne résisterez pas à la prose de cet auteur professeur d’anglais qui maîtrise son sujet à la perfection.
Ma chronique sur mon blog : https://ducalmelucette.wordpress.com/2016/07/20/lecture-un-hiver-a-paris-de-jean-philippe-blondel/
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