"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Lu il y a quelques mois
J'ai trouvé ce roman extrêmement prenant. On s'attache très facilement au personnage de Dantala. Ce livre nous montre de manière remarquable comment l'extrémisme religieux naît et peut être entretenu, la violence également très présente au sein de la société nigérienne. le rôle des personnalités politiques lié en particulier à l'argent est également bien mis en avant.
La relation amicale de Dantala avec Jibril est magnifique. Sheikh est un homme bon, dépassé par certains événements et ce qui lui arrive ne m'a pas du tout laissé indifférent. J'ai trouvé très émouvant le retour de Dantala auprès de sa mère dans la première partie du roman. J'ai un peu moins accroché aux chapitres liés à l'apprentissage de l'anglais, contenant en tout cas des définitions et observations autour de mots divers, même si l'auteur les a mis pour apporter très certainement des plages de respiration.
La tension monte tout au long du livre qui est un remarquable premier roman. J'espère que Elnathan John écrira d'autres livres car c'est une très belle découverte.
Dantala a un dizaine d'années quand, à sa sortie de l'école coranique, il se retrouve seul à Bayan Layi, dans le Nord-Ouest du Nigeria, sans argent pour rejoindre son village. Il intègre alors la bande de jeunes qui, sous le grand baobab, fument la wee-wee, vivent de la débrouille et, à l'occasion, se battent pour le Petit Parti. Les élections approchant, la situation se tend et tourne mal. Traqué par la police, Dantala fuit vers la ville de Sokoto où sa ferveur musulmane le fait repérer par l'imam d'une petite mosquée. Avec son ami Jibril, il apprend l'anglais, s'initie à l'informatique et devient un membre éminent de la petite congrégation dirigée par Sheikh Jamal. Mais si tous, à Sokoto, pratiquent l'Islam, des divergences existent dans la façon d'interpréter le Coran et de voir le monde. Entre Sunnites, chiites, intégristes, salafistes et modérés, la tension monte et bientôt, Dantala assiste, ébahi, à la violence qui se déchaînent entre sa petite communauté et les autres factions musulmanes de la ville.
Salafisme, Boko Haram, intégrisme...des mots qui font partie de notre quotidien devant le journal télévisé mais des mots que l'on entend sans les comprendre, sans parfois se sentir concernés, sans vraiment connaître ce qui se terre derrière ces mouvements religieux extrémistes. Pour Dantala, ces mots vont prendre forme avec toute la violence qu'ils recèlent. Bon musulman, pieux et croyants, Dantala n'est qu'un enfant mais il connaît déjà toute la misère du monde. Séparé de sa famille, sans argent, sans repères, il subit d'abord la violence de son enseignant de l'école coranique qui aime faire entrer les préceptes d'Allah dans la tête de ses élèves à coups de bâton, puis celle de la rue où les jeunes voyous mènent la danse, se vantant de leurs exploits, de leurs crimes, la machette à la main, le joint au coin de la bouche. Dantala n'est pas un rebelle, il supporte tout, persuadé que tout ce qui arrive est la volonté d'Allah. Quand il est repéré par l'imam d'une mosquée salafiste, c'est heureux, qu'il devient membre de la petite communauté bienveillante qui lui a fait une place en son sein. C'est en ce lieu qu'il grandit, mûrit, réfléchit, apprend, construit sa pensée. Il protège l'imam, appelle à la prière, tout en s'interrogeant sur le monde qui l'entoure. Autour de lui, les idées fusent : haine des juifs et de l'Amérique, création d'un Etat islamique, combat contre les idées de l'Occident. Son imam est un modéré mais il s'est fait des ennemis. Quand la violence atteint son paroxysme, Dantala est désemparé. Allah a-t-il voulu tout cela ?
Roman initiatique, Né un mardi est le récit sans concessions du quotidien de ce petit coin du monde oublié de tous. La misère, les catastrophes climatiques, conduisent certains à se tourner vers les extrêmes, à trouver dans une foi vindicative le moyen de se venger contre les coups du sort, les humiliations, le mépris, la pauvreté. Loin des clichés, c'est avec un réalisme brut qu'Elnathan John décrit cet Islam qui se fissure pour donner naissance à des sectes déterminées et violentes. Financement saoudien, apprentissage de la lutte armée dans les pays limitrophes, harcèlement des modérés, c'est tout un mécanisme qui se met en place pour plonger un pays dans le chaos. Au milieu de tout cela, Dantala est un personnage touchant, à la fois naïf et terre-à-terre. Curieux, ouvert, intelligent, animé d'un vif désir de paix et de justice, il est une perle au milieu de la douleur et du sang. Un livre prenant, pédagogique, instructif.
On suit avec passion et intérêt le parcours du jeune Dantala, et à travers lui, la révolte et les excès des fanatiques nigérians. Misère, violence, tortures, religion, et instinct de survie pour ce jeune homme doté d'une grande intelligence, ce qui sans doute expliquera son salut alors qu'il semblait destiné à une mort lente et cruelle. J'ai eu un peu de mal à rentrer dans l'histoire, mais je ne regrette pas de m'être accrochée à la lecture tant les derniers chapitres sont bouleversants. Belle écriture.
Je viens de terminer le livre lorsque j’ai entendu la terrible nouvelle. La secte intégriste avait fait un grand nombre de victimes au Nigéria. Triste actualité et triste rappel du bouquin.
Dantala vit au nord du Nigeria. Il est revenu à Bayan Kayi après que son père l’eût envoyé dans une école coranique pendant six ans. Dantala signifie « né un mardi », ce n’est pas son vrai nom, mais un surnom donné par son père. L’ennui ou quelque chose d’autre, le pousse à suivre de jeunes désœuvrés, dans un pays où il n’y a plus rien, à fumer la wee-wee, sorte de cannabis. Le gouvernement profite de ces jeunes, les paient grassement, ou pas, pour faire les sales besognes, les coups de poings. “On n’est pas méchants. Quand on se bat, c’est parce qu’on n’a pas le choix. Quand on cambriole des petits magasins à Sabon Gari, c’est parce qu’on a faim, et quand quelqu’un meurt, eh bien, c’est la volonté d’Allah.”
.Dantala les accompagne, participe, jusqu’à l’assassinat sordide d’un vieil homme au moment des élections entre le Grand Parti et le Petit Parti, y perd son meilleur ami. Il fuit Bayan Layi et trouve refuge dans une mosquée de Sokoto. Repéré par l’iman salafiste modéré Malam Abdul-Nur, celui-ci lui propose de travailler avec lui. Ainsi débute la nouvelle vie d’Ahmed, vrai prénom de Dantala, qui se voit proposé une sorte de rédemption.
Petit-à-petit, Ahmed, curieux, vif et intelligent, s’instruit se développe, apprend, murit. Son plus grand plaisir est de chanter l’appel à la prière : « chanter ces mots peut me procurer la meilleure sensation du monde, une sensation qui chasse toute douleur, toute peur, toute inquiétude, tout désir ». Il est bien dans son nouvel état. Il murît, grandit
Dantala se découvre un nouvel ami en la personne de Jibril avec qui il apprend l’anglais. Ce même Jibril, doit obéissance à son frère ainé, Malam Abdul-Nur, un imam passé du côté des intégristes, enfin, surtout du côté où l’on donne plus d’argent et rejoint l’autre camp sans que leur amitié se coupe.
Dantala, lui, restera toujours fidèle à Malam Abdul-Nur dont il devient le second. Cet imam croit en l’homme, il accorde sa confiance, quelque fois, de plus en plus, mal placée. Ses propos modérés ne font plus recette, les subsides diminuent car les offrandes vont du côté de la secte, vous savez ceux qui prennent leurs ordres en Arabie Saoudite ou en Iran. Pourtant, les imams des différentes obédiences se réunissent, sont capable d’échanger… Malam Abdul-Nur prône l’accord, la non-violence, le partage, l’amour des autres… des concepts de moins en moins audibles alors qu’arrivent les attentats, massacres. Politiques, religion, police, corrompus, la main dans la main pour les coups fourrés, ne laissent plus de place à Malam Abdul-Nur qui aura la tête tranchée.
« Nos émirs et nos grands hommes sont cupides et ne s’intéressent ni à nous ni à notre religion. Ils prétendent seulement être musulmans et originaires du Nord, mais ils s’allient avec ceux qui nous oppriment. Pour eux, un parti infidèle qui accepte toute sorte de kouf est plus important que de défendre les musulmans et Allah ».
Ce livre, sorte de journal de bord de Dantala, montre la montée de l’intégrisme dans un pays, le Nigeria, où la violence me parait extrême. La montée du fanatisme est plus du fait des politiques, politicards corrompus, que de celle de la population extrêmement pauvre qui suit qui lui donne un peu à manger, un peu d’argent. C’est si facile d’acheter des gens miséreux.
Porte entrebâillée vers la découverte d’un pays, de la montée du religieux, plutôt de la religiosité, la quasi naissance de la secte Boko Haram avec son cortège d’exactions sanglantes. L’écriture rythmée d’Elnathan John les mots crus, directs, l’ambiance réaliste, dure, avec de très belles descriptions, font que je n’ai pu lâcher le livre avant la dernière phrase, le dernier mot. Un livre précieux, très bien écrit, qui ne se laisse pas facilement oublier. Histoire d’une vie au Nigeria, vivier où la secte recrute ses futurs membres sanguinaires ; qui a les armes et l’argent a le pouvoir.
Les Editions Métailié ont publié un superbe premier roman.
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