"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le bureau des policières
Marie commence sa carrière en tant que geôlière avant d’intégrer le bureau des police à New York en 1958. Sa détermination et son professionnalisme lui permettent de mener à bien ses missions d’infiltration pour les enquêtes sur les barrons de la drogue, les arrestations des avorteurs. Et oui l’avortement est encore un crime. Et puis, suivre Marie c’est retrouner à une époque où être femme dans la police n’est pas vraiment acceptable.
C’est subtilement à travers des références et détails que l’auteur nous immerge dans les années 50/ 60 : la grève de la presse, le meurtre de Kennedy; la repression de l’avortement. Marie se trouve difficilement une place dans un monde d’hommes, même trouver un coéquipier est compliqué.
Mais Marie n’est pas seulement flic, elle est maman et la femme d’un flic. C’est une femme battue sous l’emprise d’un homme qui la menace mais qui fait très bonne figure devant sa famille, se dit fière de sa femme et aimant.
Marie est un personnage extraordinaire et mémorable. Toutes ses difficultés, elle les affronte de manière réfléchie et malgré toute la pression, aucun misérabilisme ni exagération ne se dégage de l’histoire.
Ce qui est frappant et très bien construit c’est le contraste entre la femme flic maitresse des démarches, si talentueuse et douée avec la femme sous la menace de son mari. Mais même à la maison, elle affronte la situation de manière tristement impressionnante.
L’histoire est d’autant plus prenante qu’elle est inspirée de la vie d’une amie de l’auteur Marie Cyrille-Spagnuolo à partir d’entretiens et de sa biographie qui a été adapté en roman par l’auteur.
Un roman très prenant et surtout une rencontre avec une héroïne inspirante.
Tout d’abord, il y a New York. Cette ville mythique avec Lady Liberty à ses portes. Mais nous sommes loin de la chanson de Liza Minnelli. « If I can make it there, I'd make it anywhere.
Come on, come through New York, New York. » Non, New York est ici un immense melting-pot, non seulement de populations immigrées de diverses origines (Italiens, Irlandais, Chinois…) mais également de diverses communautés militantes. Le New York des gratte-ciel, nouvelles stèles pour un culte païen sur Manhattan, rythmée de rues et d’avenues perpétuellement bouchonnées. Le New York des laissés-pour-compte, des petits délinquants, des dealers à la petite semaine, des Latinos sans papiers, mais également des bobos qui fréquentent les restaurants bio, des touristes descendus au Hilton, des vieilles familles capitalistes d’une autre ère. Mais ce New York-là n’explose pas grâce à des services d’ordre composés d’hommes ordinaires, de policiers de quartiers, d’ inspecteurs.
Parmi eux, dans un commissariat de quartier, se trouvent Esposito et Nick. Le premier, d’origine italienne, toujours sapé comme un mafioso, bon père de famille, mari volage, flirte bien souvent avec l’illégalité. Ce qui lui vaut d’être l’objet de la suspicion des Affaires internes. Puis le second, d’origine irlandaise, homme aux goûts simples, séparé de son épouse, sans enfant, nouveau partenaire d’Esposito, est chargé de la surveillance de celui-ci. Ici, dans ce roman policier, pas de sociopathe narcissique, ni de sadique à l’imagination tordue, encore moins de monstre tueur à répétitions. Non, seulement les faits divers d’une grande ville où la violence est le pain quotidien de toute une frange de la population. Du suicide au braquage raté, de la guerre de gangs aux querelles de voisinage, mais le tout poussé à l’extrême, exposant 10 par rapport à une autre ville. La bavure n’est jamais loin. Le dérapage non plus. Ces deux policiers sont en équilibre sur un pied au bord d’un précipice profond ; sans oublier que s’ils survivent, leur santé mentale est malgré tout profondément ébranlée.
« Rouge sur rouge » dont le titre est une allusion au « tir aux dépens de son propre camp », est donc très proche d’un épisode d’une des séries de Dick Wolf, mais son réel intérêt réside dans une pléthore d’anecdotes, toutes véridiques, selon les propos mêmes de l’auteur. Et là également, nous sommes tiraillés entre l’hilarité, les larmes et le dégoût. Bref, cet épais roman est une véritable tranche de vie, celle de Nick, pendant laquelle nous rencontrons un suicide, un règlement de compte, une fusillade contre des jets de pots de fleurs, un enterrement, un divorce, une nouvelle rencontre amoureuse… Oui, un policier a également une vie privée, privée de beaucoup de choses, je vous le concède, mais ce dont il jouit, il fait tout pour le protéger.
Nick Meehan intègre une nouvelle brigade du NYPD et devient le coéquipier d'un certain Esposito. Autant Meehan est discret, autant Esposito est grande gueule, roublard... Et c'est bien cette grande gueule qui lui cause des problèmes puisque les services internes ont en fait missionné Meehan pour espionner Esposito afin de le faire tomber.
Rouge sur rouge est le premier roman d'Edward Conlon, ancien policier au NYPD, et cela se sent dans l'extrême réalisme dont est empreint ce livre, un réalisme qui n'est pas sans rappeler celui des romans de Mankell, où tous les détails ont leur importance, même anodine, et nous permettent de pénétrer dans les mécanismes du métier de policier. Car finalement, le sujet principal de ce roman est le duo, ce fameux binôme d'enquêteurs que l'on voit dans bon nombre de séries policières. Comment se constitue-t-il ? Comment fonctionne-t-il ? Ou pas ?
Rouge sur rouge pourrait presque se lire comme un documentaire sociologique sur la condition policière.
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