"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Le choix entre se tuer ou ne pas se tuer. Il n’avait que cette décision à prendre. »
Sous des allures shakespeariennes, voilà l’alternative extrême qui s’offre à John Grant au bout des 200 pages de ce court roman écrit vers 1960, devenu un classique en Australie.
Roman court mais intense et fulgurant, qui nous plonge, le temps d’un cauchemar éveillé, en plein Outback, dans le « Coeur mort » de l’Australie. Le titre original Wake in fright (S’éveiller dans l’effroi) en dit long et s’accorde mal avec le cliché du blond surfeur bronzé sable chaud des plages de Sydney. Vous voilà prévenus.
John Grant est instituteur récemment diplômé, et Tiboonda, sa première affectation, ressemble à une punition, entre ennui mortel, fournaise et élèves pas concernés. Mais ouf, arrivent les vacances d’été comme une bouffée d’air climatisé, et Grant savoure à l’avance les six semaines qu’il va passer à Sydney. Bientôt la quille, donc, juste une nuit à Bundanyabba avant de prendre l’avion.
Mais quelle nuit… elle se prolongera 3, 4, 5 jours… ? Difficile à dire pour Grant, qui s’abîme dans le jeu puis l’alcool, « comme s’il avait délibérément décidé de se détruire ; et pourtant les événements semblaient s’être enchaînés naturellement ». C’est ce qui est sidérant dans cette histoire : comment un jeune gars plutôt respectable se laisse emporter sans pouvoir résister par la vague de la déchéance, malgré les sursauts de lucidité de sa conscience. Une glissade inexorable sur une pente rendue instable par la bière : « une seule intrusion tolérée du progrès, enracinée sur des milliers de kilomètres à l’est, au nord, au sud et à l’ouest du Coeur mort empêche la population de sombrer dans la démence la plus absolue : la bière est toujours fraîche ».
En route vers l’autodestruction, Grant pariera son dernier sou, s’embarquera dans une chasse nocturne aux kangourous totalement hallucinée en buvant jusqu’à plus soif, et c’est par la « grâce » de cette ivresse extrême qu’il refoulera l’épisode orgiaque qui s’ensuivra (et dont nous ne saurons rien ; tout est dans la suggestion).
J’avoue fantasmer depuis longtemps sur l’Australie (pas seulement sur les surfeurs blonds précités), j’ai donc commencé cette lecture avec un a priori favorable. C’est évidemment subjectif, mais je pense qu’on frôle le chef-d’oeuvre. Ce livre m’a fait une forte impression, assez indescriptible, presqu’un choc. C’est grandiose, magistral, brûlant, violent, et terrible de voir à quelle promiscuité morale mènent l’ignorance et l’ennui dans un environnement hostile. Ce roman, sans avoir l’air d’y toucher, a la brutalité d’un coup de poing inattendu dans la solitude de la nuit, là où seule la lune pourrait compatir si elle n’était si froide et distante. Et on a du mal à croire que, même s’il y a un dieu pour les ivrognes, il puisse se trouver une bonne étoile pour les désespérés.
Le livre prend à certains moments des allures de fable et c'est ce qui me gêne. Mais il reste implacable dans sa description d'une humanité rongée par la chaleur et la sécheresse, par l'alcool et la violence, au bord de la folie.
Ou comment toucher le fond en un temps record? Histoire d'un jeune instituteur qui exerce dans une région complétement isolée de l'Australie. Son seul désir: rejoindre Sydney pour les vacances d'été. Mais c'est sans compter son passage à Bundanyabba où il doit attendre le prochain train. Juste une douzaine d'heures. Finalement, c'est la descente en enfer qui l'attend. Livre saisissant sur la déchéance, violent et noir.
trop bien l'aventure pure est dur
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