"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Cher Thibaud Leplat,
il faut écrire vite, une fois le livre terminé, avant que le soufflé ne retombe. Il faut écrire, vite, avant que nous reposions un pied-à-terre. Que nous redevenions humain. Car il faut bien l’avouer, vous nous avez amené si haut, qu’il nous est arrivé de manquer d’air.
Nous sommes le 15 juillet 2018, la France ripaille, festoie, déverse dans les rues sa joie retrouvée d’un titre de champion du monde. La France oui, mais pas vous ! A une autre époque on vous aurait écartelé avec des chevaux de traie en place de Grève, pour ne pas, comme le veut la passion, communier de bonheur au coup de sifflet final.
Vous êtes, dîtes-vous, ce soir-là, mélancolique. Heureux, sans nul doute, vous êtes un passionné, mais mélancolique. La raison ? La MANIÈRE ! Il a manqué la MANIÈRE !
Alors que, incultes fervents supporters du ballon rond, nous nous satisfaisons d’une victoire, peut-importe le prix, vous venez nous interpeller, nous bousculer. L’important n’est pas de participer, ni de gagner, la belle affaire. L’important, l’essence même de ce sport est : LE BEAU JEU : “la passe n’est pas un acte politique mais un geste d’amour. C’est la caresse du football”. La pelouse est soyeuse et douce, le terrain est lumineux : “Ceux qui pensent que le but du football est de marquer des buts sont les mêmes qui pensent que le but de l’amour est de se reproduire. C’est faire de nous des animaux et très peu de cas, c’est certain, de l’érotisme de la rencontre amoureuse”.
Pour mieux expliciter vos propos, vous louez la philosophie “Le beau football doit être entendu comme faisant partie des beaux-arts”. Décidément la philosophie est un vecteur commun ces temps-ci : “Socrate à vélo” de Guillaume Martin.
Et Dieu dans tout ça ? “croire au football n’est pas un acte de science mais un acte de foi”. Je veux y croire.
Et sus aux détracteurs de ce sport, dans ce livre, vous leur répondez : “le football n’existe pas, il apparaît comme par magie !”. Vous leur assénez que “la matière du football n’est pas matériel, c’est l’imagination qui lui donne vie”. Tout cela me réjouit.
Comme un luthier, vous avez placé, en moi, délicatement, l’âme du violon. Ce léger morceau d’épicéa que l’on introduit avec la pointe aux âmes et qui cale dans l’instrument la table et le fond et chez moi le cœur et la passion.
Et au détour d’une page, une phrase, une phrase seulement, comme marquée au fer rouge, vient résumer à jamais mon rapport à ce sport : “le ressort principal du football n’est pas la joie qu’il procure, mais la tristesse qu’il suscite”. Qu’elle devienne ad vitam æternam, mon mantra.
Merci beaucoup Thibaud Leplat.
Sébastien Beaujault
P.S. : il faut que nous nous retrouvions un jour.
La magie du football
Thibaud Leplat
Éditions Marabout
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