"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Après « André Malraux-Charles de Gaulle : une histoire, deux légendes » (2008), Alexandre Duval-Stalla proposait, deux ans plus tard, une nouvelle biographie croisée et, surtout, une formidable histoire d'amitié entre deux hommes qui ont marqué les trente dernières années du 19e siècle et le début du 20e siècle chacun dans leur domaine : la peinture pour Claude Monet et la politique pour Georges Clemenceau.
Le livre commence alors que les deux hommes ont largement dépassé soixante-dix ans. La Première Guerre mondiale a vu la victoire de la France sur l'Allemagne. Le chef de file du mouvement impressionniste propose à celui qui est encore Président du Conseil de contribuer au triomphe de son pays en lui offrant deux panneaux décoratifs qui seraient exposés à Paris.
Les « deux panneaux décoratifs » vont se transformer en vingt-deux tableaux : les « Nymphéas ».
Avant que cette sublime série soit définitivement installée au musée de l'Orangerie, les embûches seront nombreuses : la quasi-cécité dont il est atteint sape le moral de Monet, éternel insatisfait qui rouspète contre les propositions d'installation de l'architecte. Clemenceau, pourtant patient avec son vieil ami, commence à s'agacer, allant même jusqu'à la rupture... qui ne sera que passagère.
Clemenceau est le cadet d'un an de Monet.
Né en 1841, il est le fils d'un républicain farouchement anticlérical. Il étudiera la médecine, puis se lancera dans la politique
Monet n'a pas la chance d'avoir un père aussi compréhensif que celui du Tigre. Bien que né à Paris, il passe son enfance au Havre à la suite d'un revers de fortune de son géniteur. Très jeune, il se lance dans la caricature. Sa rencontre avec Eugène Boudin est décisive. Ce dernier lui apprend à regarder la nature et à la peindre. Mais pour réussir, c'est à Paris qu'il faut être. Avec quelques économies (le manque d'argent le mettra souvent dans l'embarras une bonne partie de sa vie), il quitte la ville portuaire.
Nous sommes en 1859.
Clemenceau rejoindra la capitale deux ans plus tard pour poursuivre ses études. Parallèlement, il se lance dans le journalisme engagé.
Via des amis communs, opposants à Napoléon III et à ses peintres officiels, les deux hommes se rencontrent, puis se perdent de vue. Ils se retrouveront dans les années 1890. Seule la mort les séparera. Cette amitié donnera lieu à des échanges épistolaires émouvants. La correspondance de Clemenceau ayant été presque entièrement détruite par celui-ci, il ne subsiste que les lettres qu'il a écrites à Monet.
Je n'entrerai pas ici dans le détail des parcours des deux hommes, le livre le fait très bien. Il souligne surtout combien ceux-ci furent des révolutionnaires dans leurs sphères respectives, des obstinés, persuadés d'avoir raison ainsi que des opposants à l'ordre établi, esthétique pour le peintre, politique pour le Vendéen.
Monet, à l'immense postérité, a révolutionné la manière de peindre et de représenter le monde et Clemenceau s'est battu pour que la République triomphe et que la France l'emporte sur l'Allemagne en 1918.
http://papivore.net/documentaire/critique-claude-monet-georges-clemenceau-une-histoire-deux-caracteres-alexandre-duval-stalla-gallimard/
Cet ouvrage est une biographie croisée entre deux hommes, Claude Monet et Georges Clémenceau. Ils se sont rencontrés dès 1860, ils n’avaient guère que 20 ans. Leur vie respective ne leur permettait pas de se rencontrer souvent. Leur amitié s’est soudée réellement en 1890 « communauté de goûts, d’idées, admiration réciproque, vie vraiment partagée ».
Les deux hommes traversent chacun des périodes difficiles au service de leur combat : Clemenceau redoutable défenseur de la République, et Monet illustre créateur de l’Impressionnisme.
Si l’amitié est bien le fil conducteur de cet ouvrage, le lecteur refait le parcours chaotique de la France de la fin du 19ème au début du 20ème siècle, un pays qui s’engouffre dans une effroyable guerre avec en arrière-pensée la défaite pas si lointaine de 1870, les difficultés de Poincaré à gouverner, l’acharnement de Clémenceau à vaincre, leurs inimitiés puis l’appel de Poincaré à Clémenceau pour gouverner, l’affaire Dreyfus….bref, une période intense que Monet suit depuis Giverny où son inspiration ne tarit pas, malgré sa vue défaillante. Monet trouve également son soutien nécessaire auprès de Pissaro, Renoir, Cézanne et d’autres peintres qui le suivent dans sa quête de la lumière.
L’émotion est présente tout au long de ce récit qui décrit, à travers l’histoire d’une époque, l’amitié de deux personnes de caractère, leur admiration réciproque, guidée par l’énergie de l’homme politique et la force créatrice de l’artiste.
Enfin, cet ouvrage est agréable à lire, malgré le parallélisme constant entre la vie des deux personnages. Le texte est nourri de citations, de passages de conversations ou d’écrits, les sentiments sont parfaitement exprimés.
Je ne résiste pas à recopier cette phrase extraite de la dernière lettre de Georges Clémenceau à Claude Monet « Peignez, peignez toujours, jusqu’à ce que la toile en crève. Mes yeux ont besoin de votre couleur et mon cœur est heureux. »
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