"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Dans l'ennui d'une adolescence provinciale au beau milieu des années 1970, les footballeurs de l'AS Saint-Étienne ont laissé la marque d'une évasion en nous laissant entrevoir une autre vie. Pendant quelques jours de printemps, la France s'est prise de passion pour le feuilleton télévisuel et sportif de cette équipe qui ressemblait à sa ville, ouvrière et fiévreuse, une ville qui accédait à la lumière, grâce à la Coupe d'Europe de football, au moment même où elle fermait ses mines.
J'avais treize ans, répartissais mes admirations entre Dominique Rocheteau, Neil Young et les filles, jouais au foot et me languissais à la lisière de ce monde fantasmé, de ce territoire qui cachait mes racines familiales. Comment se soustraire à l'assignation à résidence par l'âge et par la géographie ? Il m'est arrivé de croire, en 1976, que les Verts étaient la réponse à tout. »
Avis aux supporters des verts ... depuis 1976 !!
Ça fait un peu "vieux de la vieille " de dire ça mais j assume : quel délice de se replonger dans ces moments là !
Pour les autres, n hésitez pas à vous plonger à votre tour dans cette époque joyeuse et bon enfant
Nostalgie...Nostalgie...
Vincent Duluc est l'auteur d’un premier roman très remarqué et salué par la presse : "George Best, le cinquième Beatles". Il tient la rubrique football de L’Équipe et intervient régulièrement en tant que consultant sur L’Équipe 21, RTL et i-Télé.
Contrairement à ce que peuvent nous faire imaginer le parcours professionnel de l'auteur et la couverture du livre, un printemps 76 n'est pas un livre sur le football. Heureusement pour moi, d'ailleurs...
Ce livre aborde, bien entendu, l'épopée des Verts, l'équipe de football mythique de St Étienne qui a fait vibrer la ville et la pays tout entier au son de "Qui c'est les plus forts, évidemment c'est les Verts", mais il s’intéresse essentiellement aux années 70.
« Grandir dans ma province avec Saint-Étienne juste à côté, en 1976, c’était habiter Naples au pied du Vésuve, c’était savoir que le cœur de l’univers avait soudain été déplacé, qu’il se rapprochait de nous mais sans nous inclure, et c’est pour cela que l’on se levait, pour voyager, franchir la frontière et ressentir l’appartenance au monde. Là-bas, juste à côté, Saint-Étienne avait les Verts, la ville avait cette fièvre, un pays venu prendre son pouls, et sous ses yeux la classe ouvrière mourait en chantant “ Qui c’est les plus forts ? ”. »
Il retrace une époque qui voit St Étienne, "la ville noire", touchée par la crise économique au travers de Manufrance et des mines de charbon.Vincent Duluc resitue également le contexte politique qui accompagne cette période.
C'est donc en plein déclin ouvrier que l'équipe se retrouve propulsée en finale de la Coupe d'Europe, mettant la ville de St Étienne en lumière, avec pour ses habitants "la fierté d'habiter la ville qui suscitait l'orgueil français".
Vincent Duluc, qui avait 13 ans en 1976, évoque aussi son adolescence, ses premières boums, son envie de fuir Bourg en Bresse où il s'ennuie. Il se souvient avec nostalgie des particularités de cette époque comme de l'enregistrement des chansons en collant le magnétophone au transistor, des cassettes écoutées à l'infini et qui se bloquent sans cesse...
Dans son récit on retrouve également les chanteurs et les émissions télé de l'époque, le tournage du film Le juge Fayard à St Étienne dont les rues deviennent à l'occasion "belles et vibrantes".
On assiste à la naissance de sa passion pour le journalisme sportif et le foot sur lequel il porte un regard sans complaisance, en particulier sur Jean-Michel Larqué et le président Rocher dont il moque la mégalomanie et le paternalisme.
Ce livre empreint de nostalgie est joliment écrit d'une belle écriture fluide. Un très agréable moment de lecture.
http://leslivresdejoelle.blogspot.fr/2016/04/un-printemps-76-de-vincent-duluc_27.html
Pour tous ceux qui, comme l’auteur, on vibré durant leur jeunesse aux exploits de l’équipe de foot de Saint-Etienne, il semblait évident que l’épopée des verts méritait d’être contée. Mais l’entreprise est périlleuse, car chacun des acteurs – et surtout des spectateurs – construit son propre mythe, sa propre histoire et entend ne pas être trahi.
Vincent Duluc a su fort adroitement éviter cet écueil en nous offrant le témoignage d’un jeune garçon de Bourg-en-Bresse dont la vie a sans doute basculé un jour à cause ou plutôt grâce à onze garçons à peine plus vieux que lui qui lui ont prouvé que le rêve était à portée de main. « Sans cette grande affaire, sans ce feuilleton haletant aux épisodes espacés qui apprenaient le désir par la rareté et la frustration, la thématique d’une éducation judéo-chrétienne dans les années 70, il ne serait resté que l’envie de passer à la suite le plus vite possible, de tenir dans l’heure les promesses de plus tard, de vérifier chaque matin devant la glace que l’on était en train de grandir er que l’évasion serait pour bientôt.»
La première vertu de ce court roman qui se lit très agréablement, est d’avoir fort bien su restituer le football de cette époque. On est alors bien loin de la manière actuelle de pratiquer la discipline, mais aussi bien loin des énormes enjeux qui entourent la discipline sportive la plus populaire du monde. Dans les années 70, un monde sans portable et sans internet, la vie en province se résumait pour beaucoup à quelques sorties, histoire de varier le plaisir qu’on pouvait alors avoir devant Champs Elysées, quand Michel Drucker accueillait Michèle Torr, Julien Clerc ou encore Nicoletta.
Pour les Français moyens, « la vie réelle avait besoin d’une allégorie qui donne un sens à leurs douleurs, et c’est ainsi qu’ils scrutaient les Verts, quêtant le labeur, suspectant une indolence. Les joueurs aux pieds carrés et aux maillots trop propres, la foule les envoyait à la mine. » À l’époque, le football était surtout l’affaires des «populaires», comme on appelait alors la grande tribune du stade.
Ou encore plus précisément pour les ouvriers Stéphanois qui descendaient à la mine ou travaillaient pour Manufrance, il fallait «passer le dimache après-midi au stade pour oublier que l’on est exploité et que l’on mourra fatigué.»
Ceux qui s’attandent à trouver un résumé circonstancié des grandes joutes sportives en seront pour leur frais. Le récit se fait ici à hauteur d’hommes. Plutôt que la grande équipe, ce sont les destins individuels qui se rassemblent ici pour former une aventure humaine hors du commun. Les petits secrets des Janvion , Piazza, Revelli, Santini, Bathenay, Curkovic, Larqué sont révélés, sans oublier ceux du très discret « Cht’i » Christian Synaeghel – que beaucoup ont sans doute oublié – ni du très médiatique ange vert Dominique Rocheteau qui doit sans doute à sa confiance aveugle en son kiné et ami Gérard Florissier d’avoir pu être sur la pelouse de Glasgow le 12 mai 1976.
Dans cette galerie de portraits, on n’oubliera ni l’entraineur Robert Herbin, ni le président Roger Rocher qui sont, chacun à leur place, deux autres incarnations de l’ascenseur social.
Enfin, et pour boucler la boucle, on retrouve les médias. À une époque où les journalistes sportifs passaient vraiment leur vie «aux côtés de ceux qui vivent leurs plus beaux jours (…) et s’ils ne s’en doutent pas il ne faut rien leur dire, l’ignorance leur est une nécessaire innocence.»
Si on peut être un peu nostalgique de cette époque, c’est sans doute d’abord pour cela : la fin de l’innocence. Oui, l’été 76 est bien loin. Trop loin !
http://urlz.fr/39OT
Dans son roman, Vincent Duluc nous présente la ville de St Etienne en 1976, et nous raconte à travers son récit centré sur le football, une partie de son adolescence, de l'esprit très singulier qui a régné dans la ville cet été-là.
Peu intéressée par ce sport, j'ai toutefois trouvé dans le récit une analyse quasiment sociologique qui m'a absorbée, grâce à un style très éloquent qui accroche le lecteur sans difficulté.
Une belle surprise!
Ma chronique complète est ici : http://viederomanthe.blogspot.fr/2016/02/un-printemps-76-vincent-duluc.html
"Qui c'est les plus forts, évidemment c'est les Verts", refrain d'une génération qui a collectionné les vignettes Panini des joueurs de foot...Une génération en pantalon pattes d'eph' et sous-pull en acrylique qui se passionne pour une équipe habillée en vert, la couleur de l'espoir, ruiné par des poteaux carrés dans un match contre le Bayern en Coupe d'Europe ! C'est Rocheteau et ses belles boucles, "l'ange vert", sérieux concurrent à toutes les histoires d'amour des adolescents de l'époque...
C'est donc toute une époque qui est évoquée, celle des Peugeot 103 et des Renault 5, celle de Stone et Charden, celle du premier Loto et de la télé en noir et blanc, et pour l'auteur, celle des premiers émois amoureux et des émotions sportives, du journal L'équipe. Mais c'est au-delà du foot et du portrait d'une France giscardienne, le roman est un regard sur une ville de province où les mines de charbon et Manufrance commencent leur déclin, où les ouvriers sont mis au rebut dans un monde qui accélère.
Il y a de la nostalgie dans ce roman, il y a surtout la naissance d'une passion pour le journalisme sportif et le foot, un regard parfois acide sur coulisses de ce monde à part (le président Rocher ou Jean-Michel Larqué en prennent pour leur grade, comme le paternalisme patronal...).
Il m'a manqué un peu de douceur ou de tendresse dans la lecture, même si je l'ai apprécié : j'aurais aimé plus d'ados acnéiques et de chansons niaises et moins de regard "pro" sur le milieu footeux...que le journaliste sportif laisse plus de place à l'écrivain ;o)
http://alombredunoyer.com/2016/01/16/un-printemps-76-vincent-duluc/
Un printemps 76 est le deuxième roman du journaliste Vincent Duluc après Georges Best, le cinquième Beatles paru également aux Editions Stock en 2014. C'est une très belle surprise de cette rentrée de janvier 2016.
« Grandir dans ma province avec Saint-Etienne juste à côté, en 1976, c’était habiter Naples au pied du Vésuve, c’était savoir que le cœur de l’univers avait soudain été déplacé, qu’il se rapprochait de nous mais sans nous inclure, et c’est pour cela qu’on se levait, pour voyager, franchir la frontière et ressentir l’appartenance au monde. Là-bas, juste à côté, Saint-Étienne avait les Verts, la ville avait cette fièvre, un pays venu prendre son pouls, et sous ses yeux la classe ouvrière mourait en chantant “Qui c’est les plus forts ?”. »
D'emblée, les choses semblent claires. Le métier de l'auteur (journaliste sportif émérite au journal l'Equipe), le titre de l'ouvrage ainsi que la photo, les premières pages, tout converge vers le football en général et la grande équipe de Saint-Etienne en particulier. C'est déjà une excellente raison de se pencher sur cet opus, que vous soyez supporters, spectateurs ou allergiques à tout cela. Les Verts de 1976 sont mythiques et resteront à tout jamais dans les mémoires des Français. Beaucoup de jeunes à l'époque, Vincent Duluc en tête, s'identifiait à l'Ange Vert, Dominique Rocheteau, l'idole.
« Mes cheveux poussaient aussi mais ils étaient raides, blondissaient avec l’été et je ressemblais à un joueur tchécoslovaque dégingandé quand j’aurais voulu être un ange vert aux boucles brunes cascadant au ras de mes épaules. »
Et effectivement, tout au long des 212 pages, l'auteur nous amène dans un périple émouvant et nostalgique au sein de ses Verts avec qui il a traversé son adolescence ennuyeuse. Tout démarre avec ses souvenirs au stade: Ah Geoffroy-Guichard, ce stade légendaire...
« Nous étions quarante mille dans la nuit vulcanienne et j’étais seul. Je suis sûr de n’avoir parlé à personne. Je n’avais pas envie, sans doute, d’être arraché à mes pensées tandis que je m’apprêtais à me recueillir. Je voulais m’abandonner sans frein ni témoin à ma fascination pour ce décor, les projecteurs dans la nuit de mars, le bloc rond lumineux tournant pour Manufrance, les hautes cheminées par-dessus les toits, les filets du but, les mouvements dans les tribunes. »
On y trouve aussi des portraits sans concession des "stars de l'époque": l'Ange Vert bien entendu, mais également l'énervant et colérique Jean Michel Larqué et le leader, gardien yougoslave, Ivan Curkovic. Déjà les histoires de transfert polluaient l'ambiance... et lire comment se dérouler ces mutations à l'époque laisse rêveur.
« Jusque-là, les joueurs professionnels qui voulaient changer de club sans l’accord de leur président s’inscrivaient sur une liste de « réfractaires », c’était l’appellation officielle, et les négociations dans lesquelles ils n’avaient nul levier les écartaient des terrains pendant trois mois, et si aucun club ne s’était mis d'accord avec le président drapé dans son droit de maintenir un lien unilatéral, le joueur revenait à l’entrainement avec les autres, il avait perdu trois mois de salaire et son combat, et il fallait qu’il soit bon, en plus, pour qu’on lui pardonne. C’était chouette, quand même, le paternalisme. »
Les dirigeants ne sont pas oubliés pour autant. Mention spéciale au mégalo président Rocher:
« Il reste soupçonnable d’avoir creusé le sous-sol stéphanois de ses mains et de n’avoir plus les pieds qui touchent la terre. En 1974, il a appelé Valéry Giscard d’Estaing, pour lui présenter les félicitations de l’AS Saint-Etienne. Il enverrait bientôt un télégramme de condoléances à la veuve de Mao. »
Et l'entraineur Robert Herbin, le grand Sphinx:
« S’il avait été brun, gros, chauve et bavard, Robert Herbin, ci-devant l’entraineur, n’aurait pas fait la même impression. Rouquin, sec comme un pied de vigne, une tignasse longue, bouclée et indomestiquée, silencieux et distant, il compose un Sphinx selon l’invitation donnée par son surnom. Ila trente-sept ans, un corps d’ascète et de rousseurs qui aime le soleil, le monde est mal fait. Il lui arrive les jours d’été de changer de côté au milieu de la séance d’entrainement pour bronzer de face comme de dos ; ils ont tous raison, le sport de haut niveau se joue sur des détails. »
Toutefois, il serait malhonnête de ne parler que de "ses années vertes" et de réduire ce livre aux souvenirs footballistiques. Vincent Duluc nous narre également superbement les souffrances de l'époque; les siennes d'adolescent à la première personne du singulier (son nez acnéique, ses cheveux raides et blonds, ses difficultés avec les filles par exemple), mais également celles des Stéphanois avec la fin de la mine, les difficiles retransmissions TV, ... Conditions sociales et football étaient intimement liées. C'était le ballon d'oxygène de l'époque pour les ouvriers, la sortie incontournable.
« Au stade, ils se retrouvaient, les ouvriers et les mineurs dans les populaires, les cadres dans les tribunes latérales, la géographie de Geoffroy Guichard maintenait les frontières entre les territoires. "Tribune populaire", c'était marqué sur la contremarque, c'était le nom officiel; on n'oserait plus stigmatiser une classe ou officialiser l'idée de réunir le prolétariat au même endroit, mais on osait alors, peut être en prétendant que ce qui était populaire était aimé, et puis c'était de la que partait la chaleur, c'était la flamme qui entretenait le mythe du chaudron, cette carte postale d'un lieu ou passe le souffle d'une ville de charbon et d'acier. »
L'écriture de Vincent Duluc est remarquable. Parfois acerbe, parfois humoristique, la plume du romancier nous permet de parfaitement ressentir la souffrance de la population, comme la passion quand les Verts jouent ou encore la tendresse, l'immense respect, la fascination pour certains joueurs et à l'inverse la moquerie, voire l'ironie à propos d'autres.
Mon unique regret reste ses phrases souvent trop longues qui diminuent la fluidité du texte. A force d'empiler les détails en accumulant les propositions indépendantes, il finit par nous lasser et nous perdre. Ce style très riche m'a obligé à relire certaines phrases plusieurs fois au départ et faire quelques sauts de paragraphes ensuite.
Un printemps 76 est un récit très intéressant et surtout abouti. Vincent Duluc est un auteur de talent! Pensant à un livre souvenir, je ne m'attendais pas à cette belle surprise. Je vous le recommande. Comme moi, je pense que vous aimerez ce nostalgique voyage dans une ville où l'auteur a vaincu l'ennui de son adolescence.
« Je n’ai pas entretenu mes racines stéphanoises au fil du temps, je ne les ai pas arrachées non plus, je les ai laissées libres de pousser ou de disparaitre. Saint Etienne restera la ville du passage, l’endroit où j’ai eu pour la premier fois l’impression d’entrer à la fois dans la télé et la vraie vie, de l’autre côté de l’ennui. J’aurai du, sans doute, être plus reconnaissant à Sainté de m’avoir aidé à m’échapper. La vérité est que je m’en suis détaché quand le temps de l’évasion est venu. »
4/5
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